• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile


Commentaire de Patrick

sur Le candidat José Bové court-circuite royalement le courant alternatif


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

Patrick (---.---.29.166) 5 février 2007 15:30

Unregistered | 2007-02-05 14:07:27

Mythologie de José Bové , par Roland Barthes lundi 1er janvier 2007

Roland Barthes avait écrit un texte sur José Bové. Il souhaitait donner suite à ses « Mythologies ». J’ai retrouvé ce texte dans ses archives. Je suis heureux du cadeau posthume que nous fait ce penseur subtil et sensuel dont la devise était : « Pas de pouvoir, peu de savoir, le plus de saveur possible ». R.G. Roland Barthes avait écrit un texte sur José Bové. Il souhaitait donner suite à ses « Mythologies ». J’ai retrouvé ce texte dans ses archives. Je suis heureux du cadeau posthume que nous fait ce penseur subtil et sensuel dont la devise était : « Pas de pouvoir, peu de savoir, le plus de saveur possible ». R.G.

Il est un produit du massif central, vieux massif primaire, granitique, ventre du pays, avec ses volcans éteints (mais qui peuvent se réveiller). Il est du sud de ce massif, le pays d’oc, Occitanie, catharie hérétique, camisards. Le sud-ouest ajoute le panache (la bravoure) de d’Artagnan et la sensualité du vert galant. Moustache et bouffarde : frère de Brassens, autre gaulois de langue d’oc. La bouffarde n’est pas droite comme celle de Monsieur Hulot (Tati), homme de la France du nord ; elle est torse, ressemble à une corne. Bové- bœuf , les deux cornes du casque gaulois (casque du paquet bleu des gauloises). Le bœuf n’a pas l’agressivité du taureau, voué à la reproduction ou à la mise à mort dans l’arène. Il n’est pas enragé par le rouge, il est paisible, utile à l’homme, il tire la charrue, la charrette, le chariot. Dans l’étable, c’est entre l’âne et le bœuf que l’enfant paraît. Autre bête à cornes de la ferme : le bélier. Plus petit, mais plus volontaire. Bélier, arme médiévale, manœuvrée à plusieurs, fonce et enfonce les portes des châteaux (Barthes prophète ? A Montreuil le samedi 21 janvier 2007, on a entendu cette phrase : « Le bélier Bové peut enfoncer les tenants du libéralisme » R.G.) Signe du printemps. Irruption de la sève. Renaissance de la nature. Il n’est pas le bouc ou l’agneau : il échappe au sacrifice. La convergence des signes nous conduit vers le mythe national : Bové résurgence d’Astérix, lui-même fils de Vercingétorix.

Costume : tee-shirt. Pas de cravate. Au pied, quelque chose de la famille des mocassins. Pantalon sombre. En hiver, par dessus le tee-shirt, un pull bleu marine col camionneur (fermeture éclair) et blouson sombre. Le tee-shirt est la pièce maîtresse, le blason : il ne fait pas signe à de tel ou tel mouvement (col mao, vareuse, keffieh). Ne cite pas l’habit traditionnel du paysan (pas de velours). Il dit : Je suis un homme d’aujourd’hui, avec un simple tee-shirt, page blanche, degré zéro de l’habit. Sur la page, tout va faire sens. A d’autres la virgule Nike, lui c’est un signe militant : une phrase, un dessin. J’affiche mon programme, mon être : je suis un manifestant. Pacifique, les mains nues, bras nu, en avant. Car dans l’empire des signes, José Bové est allégorie de la rébellion. Dernier avatar du Jacques et des jacqueries, le paysan français révolté, insurgé. Son action ? En bon gaulois, il est malin, matois, il n’agit pas par force mais par ruse. En artisan, il ne casse pas, il démonte (le macdo de Millau) -clin d’œil à Derrida ? En paysan, il ne saccage pas les plantes transgéniques, il fauche. Il ne fait pas le coup de poing contre l’ordre établi. Il se laisse arrêter. Et appelle à témoins. Il se fait bouclier d’Arafat menacé de mort dans son QG de Ramallah. Photo de Bové entre deux soldats, deux gens d’armes, salut du menotté à la foule, double parole muette : « Voyez comme les puissants procèdent avec les faibles. Voyez comme le rebelle résiste, il sourit ». Bové a décentré le débat politique, mis au centre la question de la nourriture, malbouffe du nord, qu’il relie à la famine du sud. C’est pourquoi, d’abord figure du sud (de la France), il est aujourd’hui une figure du « Sud ». Dernier trait : il n’est adoubé ni par la 2e Internationale (de Jaurès), ni la 4e (de Trotsky). Ne descend pas davantage de la 3e de Lénine. Il sort du mouvement des années 60 aux trente-six noms (hippie, flower power, peace and love, baba cool). Mouvement pacifiste (il a lutté contre l’extension du camp militaire du Larzac). Mouvement libertaire qui renoue avec l’anarcho-syndicalisme, révolte pure contre l’injustice, indépendance à l’égard des partis. Sur les ruines du soviétisme, ce mouvement refait surface aujourd’hui, différent et semblable.

Par tous ces traits, Bové se situe à la confluence du social et du politique, à la confluence des grands courants politiques qui veulent un autre monde. S’il réussit, la France sera le premier pont du nord vers le grand sud.

Post Scriptum : Texte retrouvé par René Gaudy, janvier 2007


Voir ce commentaire dans son contexte





Palmarès