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Commentaire de easy

sur Mali : les démiurges d'incertitudes


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easy easy 22 janvier 2013 12:30

La question des nomades et des pirates s’est toujours posée aux sédentaires qui sont surtout des bâtisseurs donc des fixateurs.

Les religions sont utililisées par ceux qui préfèrent une vie nomade et pirate. Comme elles ont longtemps servi de support à autorité de parole, elles servent de prétexte à tous les pirates. Parfois même en repoussoir « Ni dieu, ni maître »

Tant que les gens fixés par l’idéologie sédentaire et hyper grégaire (d’où surgit la cité et l’anonymat) y trouvent leur compte en se débrouillant pour devenir des acteurs soit formels soit informels du système construit, ils ne le renversent pas. Mais ceux qui n’y trouvent pas leur compte augmentent leur pouvoir de nuisance pour défaire les constructions et disposer de plus de marge afin de mieux pirater. 


Un pirate sait qu’il n’est pas bâtisseur. Il n’envisage jamais de construire un pont, une raffinerie, un gazoduc. En revanche il fantasme d’en tenir les clefs pour en récolter les fruits. Un pirate qui s’empare d’une usine à gaz mais ne la fait pas sauter indique qu’il escompte l’exploiter (Jusqu’à ce qu’elle tombe en ruine faute d’entretien, mais le pirate ne fait pas de projets à travers les générations, il est dans l’immédiateté)


 
Lorsque les pirates des siècles précédents écumaient les mers, tant qu’ils n’avaient pour repaires que des criques, les Etats se contentaient de les contrer au coup par coup.
Mais lorsque les pirates ont semblé prendre possession d’un pays, les Etats ont réagi de manière plus lourde. S’alliant parfois, se disputant parfois entre eux pour le contrôle de ces points stratégiques. En fait, les pirates ont très souvent révélé aux Etats quels étaient les endroits stratégiques. Plus globalement, les transgresseurs des lois établies ont toujours montré où étaient leurs failles. Les Lois ainsi que les Etats ont par nature un coup de retard sur les transgresseurs.
En dépit des Lois qui nous courent après (car nous désobéissons tous) il reste toujours des espaces de liberté qui peuvent s’exploiter de façon plus ou moins gentille (Le fait de pratiquer de l’ULM hors toute balise légale au début de cette aventure, bien que gentil d’apparence, comportait aussi des nuisances)

Disons, pour simplifier, que les transgressions vraiment pas gentilles sont celles qui utilisent des armes, que les méchants pirates sont ceux qui sont armés.

Or c’est cela qui a changé depuis la guerre contre Kadhafi, dans ce secteur du Monde. De même que l’armement des Afghans -par qui vous savez- a fortement changé la donne, l’armement des nomades sahéliens -par qui vous savez- a fortement changé la donne.

Dans notre stupide guerre contre Kadhafi, le choix avait été fait de clamer qu’on n’intervenait pas au sol afin de se donner des airs d’anges.
Comme nous n’avons réellement mis quasiment personne au sol, comme nous l’avions laissé aux révoltés Libyens à qui nous avions distribué des armes, comme nous leur avons laissé les accès aux stocks du colonel, nous ne pouvions avoir le contrôle sur le devenir de ces armes et nous savions que ça allait engendrer un piratisme très armé dans le Sahel si le nouveau gouvernement libyen manquait de structure.


Intervenir en force un an après pour bloquer le piratage du Mali en est la suite inévitable et responsable. C’est la France qui a conduit à ce déluge d’armes, c’est à elle de s’efforcer de les neutraliser.


Un pays de 13 millions d’individus se prend avec seulement 10 000 pirates armés. Le fait que surgisse une bande armée pirate fait plier ceux de la population qui sont les moins constructeurs et les plus portés au vol. Les pirates font très vite des émules et en peu de temps une grande part de la population se convertit au piratisme.

Le Mali venait de tomber aux mains des pirates, intervenir aussi vite que la France le fait est une excellente chose pour limiter la conversion de la population.

Une fois les villes reprises, il suffira d’y maintenir une police forte pour que les armes des pirates restent planquées et finissent par être oubliées.
 
Le problème n’est pas dans notre réétatisation du Mali mais dans la future police qui devra s’y montrer suffisamment présente et intègre afin que le piratisme n’y soit plus que marginal.




Mais au-delà de ces actions, comment résoudre la problématique du caravanisme ?
En dehors de l’Amérique et de l’Australie, il y a toujours eu de gens qui ont pratiqué quelque sorte de caravanisme consistant essentiellement à faire commerce du différentiel des ressources entre deux régions.
Le caravanisme a donc fondamentalement dénié les frontières politiques et les principes douaniers.
Au début furieux des douanes et des passeports, le caravanier a fini par trouver intérêt aux douanes afin de gagner davantage à les contourner. 
Contourner la douane, même avec des produits licites, devenait lucratif en soi. 

Les frontières naturelles sont intéressantes à exploiter pour les caravaniers puisqu’elles engendrent un différentiel de ressources entre des populations situées de part et d’autre mais les ponts, les tunnels, les camions, les avions, leur font perdre la cause même de leur gagne pain. La route du sel, la route de la soie n’ont plus lieu d’être.

Restent alors aux caravaniers à exploiter le fait qu’il y ait des frontières fictives, invisibles sur un terrain plat et séparant deux états à faible police afin de profiter du transfert de choses interdites. De commerçants courageux transportant des produits licites, les voilà devenus pirates transportant de la drogue ou des armes. 
 
Comment résoudre le cas de peuples culturellement démarqués par le caravanisme qui, d’honnêtes et peu armés sont devenus pirates très armés ? 
De quoi pourraient-donc vivre les Touaregs alors que nous transportons les produits au-dessus de leur tête ?
C’est cette question que nous aurions dû nous poser à partir de 1902 ?
Mais c’est la même question qui se pose au sujet des Roms. 

Bien entendu, sans le dire, nous, les fixés, nous espérons que tous les nomades du monde finiront par se fixer. Et cette sédentarisation se produit effectivement chaque jour.
Mais tous ces ex nomades ont la nostalgie de leur époque libre et j’ai idée qu’ils en resteront nostalgiques pendant dix générations.
D’autant que de notre côté fixiste, c’est pas la joie. 

La religion ne sert que de prétexte aux pirates nourrissant des fantasmes étatiques. Ils l’utilisent en toute logique sous forme radicaliste afin de sanctifier leur entreprise et se voir une légitimité supérieure de tuer quiconque leur résiste.

Nasser avait piraté le canal de Suez avec un slogan nationaliste et c’était très adroit en cette époque où surgissait l’ONU.
Comme les pirates se jouent des frontières, ils utilisent la religion comme slogan.
 
Les Etats qui sont plus attachés à leur frontière qu’à leur religion ont tort d’attaquer les dictateurs nationalistes et d’offrir alors la place aux pirates qui ne le sont pas.


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