Virginie
et Frigide sont des noms qui vont très bien ensemble.
L’une est née en 1962 et a été l’égérie de « La manif pour
tous ». L’autre est née en 1969, année érotique, et a livré au
magazine Têtu un brûlot inoubliable contre Lionel Jospin,
l’austère qui se marre et qui a déclaré au sujet du « mariage
pour tous » :
"C’est la position de mon parti, et donc je la respecte (…) Ce
n’était pas la mienne au départ« , (…) »L’idée fondamentale" est
que « l’humanité est structurée entre hommes et femmes. »(…) "Je
ne sais pas ce qu’est le mariage pour tous au moment où, non seulement beaucoup
de gens se pacsent ou vivent ensemble sans se marier, mais où beaucoup de
mariages se défont« (…) »Il faudrait employer une expression plus
précise, qui est un mariage offert aux couples homosexuels".[1]
L’une a couru les plateaux télé pour défendre un « catholicisme
branché ». L’autre a écrit dans son langage fleuri : « Donc,
selon Lionel Jospin, il faut que je comprenne, et que je n’aille pas mal le
prendre : depuis que je ne suce plus de bite, je compte
moins. Je ne devrais plus réclamer les mêmes droits. C’est
quasiment une question de bon sens.
L’une a redécouvert la foi et en a fait un livre en 2011 : Confessions
d’une catho branchée. L’autre est « devenue lesbienne à 35
ans »[2].
L’une est d’origine bourgeoise et catholique. L’autre pas.
Les deux ont fait de la provocation dans leur folle jeunesse. L’une en
participant à l’aventure Jalons et en jalonnant sa vie littéraire de livres aux
titres aussi provocateurs que J’éduque mes parents,] J’élève mon mari
(Lattès) et Manuel de survie de la femme moderne. L’autre
en publiant des titres tout aussi provocateurs comme Baise-moi
et Les Chiennes savantes.
Au fond, elles se ressemblent assez Frigide Barjot et Virginie Despentes,
d’autant que pour l’état civil la première se nomme Virgine Tellenne.
Et la découverte qu’elles ont faite, l’une de la foi, l’autre de son
homosexualité, est bien tardive. Claudel lui, avait rencontré Dieu à 18 ans le
jour de Noël en 1886[3].
D’ailleurs, doit-on parler de conversion ou de reconversion ?
La bourgeoise a toujours été catholique et de droite. Quant à l’autre
Virginie, elle enfile des perles pour illustrer une radicalité hautement
revendiquée :
« Je m’étais déjà dit que je ne me voyais pas « femme »
comme le sont les « femmes » qui couchent gratos avec des mecs comme
lui (Jospin), mais jusqu’à cette déclaration, je n’avais pas encore pensé à ne
plus me définir comme faisant partie de l’humanité. Ça va me prendre un moment
avant de m’y faire. C’est parce que je suis devenue lesbienne
trop tard, probablement. »
« Jospin, comme beaucoup d’opposants au mariage
gay, est un homme divorcé. Comme Copé, Le Pen, Sarkozy, Dati et tuti
quanti. » (Rachida, elle en a )
« On sait que les hétérosexuels divorcent plus facilement qu’ils
ne changent de voiture. »
« Moi je suis pour tout ce qui est punk
rock, alors cette idée d’une immense partouze à l’amiable, franchement, je
trouve ça super seyant. Mais pourquoi tant de souplesse morale quand ce sont
les hétéros qui se torchent le cul avec le serment du mariage, et cette
rigidité indignée quand il s’agit des homosexuels ? »
« ne vous en faites pas pour la
polygamie : vous y êtes déjà. Quand un bonhomme paye
trois pensions alimentaires, c’est quoi, sinon une forme de
polygamie ? »
« J’ai l’impression qu’en tombant
amoureuse d’une fille (qui, de toute façon, refuse de se reconnaître en tant
que femme, mais je vais laisser ça de côté pour ne pas faire dérailler la
machine à trier les humains-moins humains de Lionel Jospin)
j’ai perdu une moitié de ma citoyenneté. J’ai l’impression d’être punie. Et je
ne vois pas comment le comprendre autrement. Je suis punie de ne plus être une
hétérote, humaine à cent pour cent. Pendant trente cinq ans, j’avais les pleins
droits, maintenant je dois me contenter d’une moitié de droits. Ça me chagrine
que l’Etat mette autant de temps à faire savoir à Lionel Jospin et ses amis
catholiques qu’ils peuvent le penser, mais que la loi n’a pas à être de leur
côté. »
Bon, les deux Virginies avaient un peu disparu et elles avaient le plus
grand besoin de faire parler d’elles.
Mais quand on voit l’Eglise se faire représenter par une Frigide Barjot[4],
on peut dire qu’en France le ridicule ne tue plus.