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Commentaire de Senatus populusque (Courouve)

sur Vie et mort de la philosophie


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Senatus populusque (Courouve) Senatus populusque (Courouve) 16 octobre 2013 12:07
J’esquisse ici en cinq points une définition de la philosophie :

1. Un principe général de libre examen impliquant le doute justifié (notamment à l’égard des croyances), la prudence, l’ouverture d’esprit, le recours conjoint à des distinctions (principe de spécification) et à des généralisations (principe d’homogénéité).

2. Un distinguo (cf l’adage scolastique distinguo - concedo ... nego ..., je distingue - j’accorde - je refuse) et la reconnaissance d’une complémentarité fondamentale entre les vérités de fait et les vérités de raison, entre la vérité-correspondance (l’adaequatio de Thomas d’Aquin) et la vérité-cohérence, entre l’empirique et le rationnel (Thomas Hobbes, Gottfried W. Leibniz) ; en conséquence, la réflexion critique doit porter aussi sur les éléments fournis par l’investigation, sur les données des sens, et requiert la réponse au Quid facti ? (qu’en est-il des faits ?)

3. La distinction, encore, entre ces vérités et les normes, entre la connaissance, théorique, concrète ou intermédiaire, et la morale. Distinction initiée par Sénèque le Jeune entre ce qui est dans le Ciel (métaphore de l’idéal) et ce qui devrait être sur notre Terre (Questions naturelles). Distinction humienne entre is et ought to, puis plus précisément juridique, kelsenienne, entre sein et sollen, entre ce qui est et ce qui doit (ou devrait) être ; autrement dit, entre la logique et l’éthique.

4. Ce qui se dégage des œuvres d’auteurs qui, sans s’accorder sur tout, se reconnaissent comme ayant en commun à la fois un niveau de langage, une méthode et des problématiques, ce qui leur permet, en des temps forts de la philosophie, de dialoguer : c’est Aristote répliquant brillamment à Platon, Pascal à Montaigne, Leibniz à Descartes et à Locke, Voltaire à Descartes et à Leibniz, Arthur Schopenhauer à Kant, et alii. ; le domaine de cette reconnaissance mutuelle, c’est le champ, ou l’ordre, philosophique, même s’il y a souvent contestation quant aux strictes frontières de ce domaine, et s’il est, bien évidemment, historiquement et géographiquement évolutif.

5. La nature de la philosophie se précise enfin agréablement par ses formules et interrogations (liste non limitative) : « Rien n’existe sans raison » (Cicéron) ; « Nul ne vient au plaisir sans passion » (Tertullien) ; « Que sais-je ? » (Montaigne) ; « Se fait-il ? » (Montaigne) ; « Rien de beau ne se fait sans passion » (Montaigne) ; « Je pense, donc je suis » (Descartes) ; « Que dois-je faire ? » (Kant) ; « Pourquoi suis-je moi ? » (Stendhal) ; « Dieu est mort » (Nietzsche) ; « Qu’est-ce qui est bien ? Qu’est-ce qui est mal ? Comment devons-nous vivre ? » (question posée à Tolstoï) ; « Qu’est-ce que l’étant ? » (Martin Heidegger) ; « Qui est l’homme ? » (Heidegger) ; « Pourquoi des philosophes ? » (Jean-François Revel) ; « Qu’est-ce qu’un civilisé ? » (Pierre Kaufmann) – et par leurs explicitations.

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