Un éclairage interessant de Roland Pfefferkorn professeur de sociologie à l’université de Strasbourg
L’expression polémique « théorie du genre » n’a jamais été utilisée par
les sociologues ou les chercheures d’autres disciplines pour la bonne
et simple raison qu’il n’existe pas une telle théorie unifiée. Le genre
est d’abord une catégorie ou un concept qui permet de penser la mise en
forme sociale d’un donné naturel, le sexe biologique. C’est aussi un
champ d’études, l’ensemble des études portant sur les rapports entre les
hommes et les femmes, qui a été caricaturé par ceux qui ont lancé les
rumeurs récentes et qui œuvrent à la disqualification de telles
recherches. Ce n’est ni une doctrine ni une idéologie, c’est un champ de
travail qui interroge les représentations sociales liées aux
différences de sexe.
Cette campagne de dénonciation s’en prend avant tout à l’égalité,
plus particulièrement à l’égalité entre hommes et femmes, mais aussi aux
droits des minorités sexuelles[2]. L’objectif de ses promoteurs est de
délégitimer des connaissances scientifiques, notamment celles produites
par les sciences sociales, voire de remettre en cause les finalités de
l’école, lieu par excellence, dans l’idéal, où les enseignants
promeuvent l’égalité et le respect mutuel, où les enfants apprennent à
respecter les différences (culturelle, sexuelle, religieuse) et à
réfléchir sur les stéréotypes associés aux sexes biologiques.
L’expression polémique a été forgée par le Vatican il y a 10 ans et
elle est relayée par les évêchés de France et de Navarre. Le cardinal
Ratzinger, le futur pape Benoît XVI, alors à la tête de la Congrégation pour la doctrine de la foi[3],
a adressé en août 2004 une Lettre aux 4000 évêques de la planète dans
laquelle il critique vivement les approches distinguant sexe et genre [4]. Son épître s’attaque plus particulièrement aux féministes ayant « des visées égalitaires » à qui elle reproche « l’occultation de la différence ou de la dualité des sexes ». « Une
telle anthropologie qui entend favoriser des visées égalitaires pour la
femme en la libérant de tout déterminisme biologique, a inspiré en
réalité des idéologies qui promeuvent la mise en cause de la famille, de
sa nature bi-parentale, c’est-à-dire composée d’un père et d’une mère,
ainsi que la mise sur le même plan de l’homosexualité et de
l’hétérosexualité, soit un modèle nouveau de sexualité polymorphe » , écrit notamment le cardinal Ratzinger dans son message.