@ Fergus, et ceux qui considère qu’il est sans danger de manifester en France
Voilà un récit de ce qui s’est passé à Nantes, par un manifestant pacifique qui a été éborgné :
Quentin a eu 29 ans hier à Nantes. Il était comme nous à
la manifestation contre l’aéroport. Il est charpentier, c’est le fils
d’un de nos amis, et nous sommes en colère. Voici la retranscription du
témoignage de Quentin, gravement blessé, recueilli par sa mère,
Nathalie.
Ça a démarré vraiment quand on s’est retrouvés vers Commerce, au
moment où on devait remonter normalement le cours des 50 otages, ce qui
était censé être le parcours de la manif. Là, il y avait des cars de CRS
et des barrières qui bloquaient tout. Nous quand on est arrivés, direct
on s’est fait gazer. Il y a eu tout de suite des gaz lacrymo qui ont
été jetés sur les gamins, sur tous les gens qui étaient là.
Là c’était la manifestation paisible, normale ?
C’était la manifestation paisible mais il y avait quand même déjà des
gens un peu excités déjà avant, depuis le début de la manif. Donc nous
on est restés un petit peu dans la zone, voir un peu ce qui se passait,
et puis après, sur les conseils des organisateurs et tout, on a continué
à marcher, à aller vers le point de ralliement, l’endroit où c’était
fini, pour qu’il y ait un mouvement et que ça s’essouffle un peu.
Après, il y a eu plusieurs salves d’affrontement, des lacrymos qui
perpétuellement revenaient, lancés par les flics. Et moi, ce qui m’est
arrivé, c’est à la fin, on était vers la place Gloriette, entre
Gloriette et l’autre là, là où il y a le café plage, ce rond-point là en
fait, près du CHU justement. Et nous on allait pour se replier, on
rentrait, les CRS avançaient eux, avec les camions et tout le truc, et
moi je reculais avec tout un tas d’autres gens. Je reculais en les
regardant pour pas être pris à revers et pouvoir voir les projectiles
qui arrivaient. Et là, à un moment, j’ai senti un choc, une grosse
explosion et là je me suis retrouvé à terre et, comme ils continuaient à
nous gazer, ils continuaient à envoyer des bombes assourdissantes alors
que j’étais au sol, des gens ont essayé de me sortir le plus vite
possible, de m’emmener plus loin aussi. Et puis après je sais pas trop,
on m’a mis dans une… les pompiers m’ont emmené quoi.
Et donc, on dit que tu as reçu une grenade assourdissante
qui, au lieu d’être tirée en l’air, a été tirée de façon horizontale,
dans ton œil ?
Je l’ai prise directement dans le visage. Elle a explosé dans mon
visage. Vu ce que ça a fait… Elle a explosé là et c’est comme ça que moi
je l’ai ressenti, quoi. Le choc, ça a été un bruit et une douleur
extrêmement vive sur le coup, puis bon moi je me suis écroulé. C’est
vrai que c’était assez violent j’ai trouvé. Il y avait, de la part des
manifestants, des gens qui voulaient absolument lancer des trucs sur les
CRS mais les CRS, eux, gazaient n’importe qui. Et ils visaient, au
flash ball, ils étaient cachés, on les voyait viser, suivre des gens qui
marchaient ou qui couraient en face pour aller se mettre à l’abri. Ils
les visaient, les suivaient et shootaient, quoi. et ils visaient pas les
pieds. On a vu la façon dont ils tiraient, c’était très… c’était ciblé.
Et toi tu étais là, en manifestant paisible, tu n’étais pas armé, tu n’avais rien dans les mains ?
J’étais pas armé, j’avais pas de masque à gaz, j’avais pas de
lunettes de protection. On était là pour une manifestation familiale,
festive, on était là pour faire masse, pour faire du nombre. Et après,
c’est vrai que je suis resté même s’il y avait les lacrymos, parce que
je trouvais ça injuste et qu’il fallait rester. Y’avait des gens,
y’avait des pères de famille, y’avait des anciens, y’avait un petit peu
de tout et voilà, moi je voulais rester aussi avec les gens pour montrer
qu’on était là mais sans…
(Quentin n’a plus d’œil gauche)