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Commentaire de République et Socialisme 77

sur 10 thermidor : il y a 220 ans les félons exécutaient sans jugement Robespierre et 104 autres révolutionnaires


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République et Socialisme 77 République et Socialisme 77 29 juillet 2014 01:36

Déjà, il faut mettre les choses au point : contrairement à une légende tenace, la Terreur n’a jamais été une réalité juridique, politique ou autre. C’est une expression qui a fait florès, un slogan politique. Elle n’a donc pas à proprement parler de bornes délimitées, et on serait bien en peine d’en indiquer les modalités de création.
Malgré tout, puisque le terme était employé (diversement, d’ailleurs) à l’époque, on ne peut pas se départir de l’expression, aussi les historiens s’efforcent-ils, avec prudence, d’en donner des caractérisations qui permettent d’en donner, par pure convention, des bornes.

Bien évidemment, les historiens ne sont pas d’accord entre eux.

Patrice Gueniffey (auteur entre autres de La politique de la Terreur. Essai sur la violence révolutionnaire), qui est à ma connaissance celui qui donne à la Terreur les bornes les plus larges, en trouve les prémices dès avant la réunion des États Généraux. En effet, caractérisant la Terreur par un état d’esprit de méfiance envers des volontés de s’opposer aux changements à venir ou en cours, il est logique qu’à ses yeux les libelles appelant le peuple à « se défier de ceux qui veulent les maintenir dans l’antique servitude » et tutti quanti préfigurent la Terreur. Il la fait réellement démarrer avec la création de la commune libre de Paris le 15 juillet 1789, car cette commune libre est en effet la première institution à créer une commission chargée de traquer les adversaires de la révolution. Il la fait s’achever avec la suppression du tribunal révolutionnaire en mai 1795, même si d’aucuns lui reprochent cette borne, soulignant non sans raison que l’état d’esprit qu’il a retenu comme étant caractéristique de la Terreur persiste au sommet de l’état bien au-delà de cette période, et même jusqu’au coup d’état du 18 fructidor an V.

Pour Olivier Blanc (auteur entre autres de La corruption sous la Terreur : 1792-1794), la caractérisation de la Terreur se fait par la présence d’une volonté institutionnelle de faire triompher un camp politique par le recours à la violence populaire arbitraire. Il fait donc remonter la Terreur aux « massacres de septembre », sur lesquels le gouvernement girondin s’est assez largement appuyé pour s’imposer, et que plusieurs libellistes (dont probablement Danton, alors ministre de la justice, même si les affiches placardées étaient anonymes) encourageaient. Il la fait s’arrêter avec la chute de Robespierre, étant donné qu’à partir de ce moment-là, les violences populaires ne joueront plus de rôle dans les affrontements entre factions politiques, même si on peut répliquer qu’en 1795, les royalistes se sont appuyés sur la violence populaire pour tenter un coup de force, réprimé avec succès par Barras et Bonaparte.

On peut ainsi passer en revue toutes les conceptions historiennes de la Terreur, il est rare de trouver des historiens tout à fait d’accord sur le sujet. Et, de manière volontaire, je n’ai pas cité ici d’historien robespierriste, aussi bien Patrice Gueniffey qu’Olivier Blanc sont clairement anti-robespierristes.

Les problèmes de délimitation de la Terreur ne sont pas simplement temporels. Il y a aussi ce qu’il est possible de mettre dedans et ce qu’il serait malhonnête d’y inclure. Par exemple, l’article de Wikipedia sur la Terreur y inclus les violences des multiples guerres civiles en cours entre 1793 et 1794 (sachant que plusieurs de ces guerres civiles ont continué au-delà de cette période, notamment les guerres de Vendée qui se sont poursuivies jusqu’en 1799), ce qui clairement est malhonnête. En revanche, on peut discuter de l’inclusion ou non des environ 20 000 exécutions sommaires commises par plusieurs envoyés en mission dans les départements, et une partie des 17 000 exécutions légales dont les jugements étaient manifestement truqués (notamment les « complots des prison » orchestrés par Vadier et Amar avec la complicité de Barrère pour « vider les prisons »).
Si on prend le parti de considérer que ce qu’il convient de qualifier comme étant la Terreur, c’est un régime d’exception, alors les élections illégales sont clairement des abus de la Terreur, et les exécutions légales dont les jugements étaient manifestement truqués également. Si au contraire on prend le parti de considérer que la Terreur, c’est l’ensemble des mesures, légales comme illégales, prises par les personnes qui disposaient d’autorité publique, alors les exécutions illégales et les exécutions suite à des jugements de carnaval en font clairement partie.

Voilà, j’espère avoir éclairé votre lanterne sur le sujet.


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