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Commentaire de Renaud D.

sur La théorie de la frustration


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Renaud D. (---.---.77.232) 12 avril 2006 16:21

Marketing et frustration

« Pourquoi le consommateur ne répond-il plus aux multiples sollicitations des entreprises, de leurs nouveaux produits comme de leur communication ou de leur promotion ? Voilà la question de fond. »

Pourquoi les entreprises ne communiquent-elles pas honnêtement ? Voilà la réponse de fond.

Examinons les sollicitations.

Les promesses de bonheur explicites dans les messages des entreprises ne peuvent être tenues. L’estime de soi induite dans le message s’exprime au moment de l’achat mais n’est évidemment plus en phase avec le réel au moment de l’utilisation du produit. Bébé fait toujours dans ses couches malgré le petit élastique-là et le ballon ne rentre pas dans le panier malgré la marque célèbre placée en évidence sur les chaussures. Quant au hamburger, il fait grossir et ne satisfait pas l’appétit. La promotion pour les produits amaigrissants trouve toujours un écho chez les gogos. Après s’être fait berné, ceux-ci deviennent réfractaires à toutes les publicités. Arrêtons-là les exemples : le site d’Agoravox ne suffirait pas à les énumérer.

Il y a pire. Trop de messages font passer le client éventuel pour un crétin sous prétexte d’humour. Cette dérive traduit l’état d’esprit dans lequel le consommateur est considéré par de nombreux publicitaires et par des responsables marketing. Il serait bien pusillanime de croire que ce message induit n’est pas perçu par le consommateur.

Il y a pire encore : la promesse de sécurité dont l’exemple le mieux parlant est visible dans les publicités pour les voitures. La prudence avec laquelle les constructeurs abordent ce sujet montre la conscience qu’ils ont du danger que représente une promesse non tenue. Ils auront beau faire, une tenue de route exemplaire ne peut s’affranchir des lois de la physique et l’airbag n’empêche pas de mourir sur la route. Cette promesse ne peut jamais être tenue.

Pour faire court et ne pas enchaîner sur des pages de démonstration, je résumerais ma pensée par une caricature : la publicité montre le consommateur comme un imbécile incapable de s’insérer dans le monde idéal représenté par les messages qui frappent sans cesse à la fenêtre de nos téléviseurs.

Les consommateurs sont las d’être pris pour des imbéciles et des incapables.

Observons maintenant le rapport du consommateur avec le produit. Un exemple : l’alimentation.

Plus grand monde n’est dupe des caractéristiques liées aux nouvelles formulations des produits alimentaires. Les substances intrinsèques du produit sont progressivement remplacées par les additifs industriels. Plus de saveur signifie moins de produit de base, plus d’alginates ou de lécithine de soja et plus d’exhausteurs de goûts. Même mon chat ne s’y trompe pas ! « Nouveau » tend à signifier : « spécial haut de bilan ». (Si mon chat parlait, il me dirait ainsi. Je le vois bien dans son regard ! )

Un fabricant de biscottes disait à ma grand-mère (ce n’est pas nouveau !) : « Si mes clients savaient ce que je mets dans mes biscottes, ils n’en achèteraient pas ». Maintenant, ils savent.

Les industriels qui essayent de faire rembourser par les mutuelles de santé une partie du prix de leurs produits sous prétexte d’ajout de telle ou telle poudre de perlimpinpin se sont tirés une balle dans le pied. Ils créent un amalgame dont les effets négatifs à long terme seront plus puissants que le bénéfice que le consommateur peut espérer à court terme. Si la mutuelle rembourse ces produits, c’est qu’il s’agit de médicaments. Si l’on achète des médicaments, c’est que l’on est malade. Si l’on est en bonne santé, on n’a pas besoin des produits de la marque. (Sans compter que le jour où ma mutuelle jouera à ce jeux-là-là, j’en changerait pour ne pas payer dans mes cotisations les desserts de personnes ayant perdu toute notion citoyenne.)

Ce qui tue la communication des entreprises, c’est la volonté des communicants de fouiller le cerveau des consommateurs au détriment d’une honnête analyse de leur motivation. S’ils agissaient ainsi, ils devraient reconnaître qu’ils bradent leur crédibilité à long terme au profit d’une rentabilité à court terme.

C’est pour cela que j’ai quitté le métier.


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