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Commentaire de Philippe VERGNES

sur Cantat, ce sombre héros de l'amer


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Philippe VERGNES 16 mars 2018 19:56

@ alinea,


En complément des réponses de velosolex à votre commentaire de 14:54 qui soulève mine de rien toute la problématique du passage à l’acte auto ou hétéro-agressif, tout va dépendre du contexte et de nombreux autres facteurs en fait. C’est ce qui rend ce genre de situation très difficile, voire impossible à prévoir ou à évaluer correctement (du moins en l’état actuel de nos connaissances).

Un « pervers narcissique » peut parfaitement en venir à se suicider, mais si tel est le cas, c’est que sa défense perverse aura échoué et que sa proie lui aura échappé ou serait en passe de le faire (d’où aussi le retournement du passage à l’acte auto-agressif au passage à l’acte hétéro-agressif). Si tel est le cas, il aura donc décompensé en psychose. C’est pour ce genre de détails, tout en subtilité et en nuances, que la théorie de la perversion narcissique de Racamier a toute son importance, car s’il décompense en psychose (bien souvent paranoïde - à ne pas confondre avec paranoïaque - ou pire encore), c’est qu’il a cessé d’être pervers narcissique et a évoluer dans le sens d’un « régrés » pour sombrer en psychose. Il n’y a que les repères que donne Racamier dans sa grille des dégradés de dénis qui puissent permettre de s’y retrouver, car c’est la nature des dénis rencontrés qui va donner les indications nécessaires pour suivre ce mouvement de « dérive psychopathologique » (cf. schéma).

Mais avant d’en arriver au passage à l’acte auto-agressif, il y a fort à parier qu’un(e) pervers(e) narcissique aura maintes fois effectué des tentatives de suicides (ou, s’il n’est pas arrivé jusque-là, il en aura menacé sa proie). C’est ce que Paul-Claude Racamier appelle la suicidose dont je n’ai encore pas parlé dans mes articles, car elle est très fortement liée aux notions d’expulsion psychique et de deuil originaire qu’il me fallait expliquer en premier lieu avant d’aborder les explications de ce « phénomène » (qui se retrouve plus souvent, mais pas uniquement, dans la perversion narcissique féminine que Racamier nomme « phalloïde »).

Il faut savoir que plus la rapidité de passage d’un dégradé de déni à l’autre est rapide, plus les chances de suicides d’un individu en proie à des souffrances psychiques risquent le passage à l’acte auto- ou hétéro-agressif. Celui-ci dépendra donc de nombreux paramètres que l’on ne maîtrise pas encore correctement cliniquement (contexte, entourage, soutien, etc.)

Quoi qu’il en soit, la défense perverse narcissique consiste en la capacité de se décharger de ses propres conflits interne et de les expulser ailleurs... bien souvent chez une seule proie, pour les petits « pervers », parfois chez un peuple tout entier chez les grands pervers paranoïaques (qui est l’aboutissement le plus réussit de la perversion narcissique).

Un évènement dramatique peut donc bien le plonger dans son vide sans qu’il puisse avoir recours à son issue de secours habituelle (qui est celle de « vampiriser » une proie), mais c’est tout de même un cas relativement rare, bien que la prise de conscience de cette problématique par de plus en plus de monde peut entraîner en retour une récurrence de passage à l’acte auto- ou hétéro-agressif.

Il faut bien comprendre que nous touchons là au domaine de l’émotionnel (le don sacré) clivé et chassé de notre esprit pour laisser place au rationnel (le serviteur fidèle), mais que celui-ci a plus d’un tour dans son sac pour se rappeler au bon plaisir du cliveur. C’est à cette problématique que l’on pense également lorsque il est question d’alexithymie.

Bref, c’est un sujet au cœur des préoccupations actuelles de nombreux chercheurs, mais chacun œuvrent de leur côté et il faudrait des polyconceptualistes monotechniciens, comme les nomme Henri Laborit, pour établir des liens entre toutes ses différentes notions : « Nous avons assisté en effet à la construction d’une tour de Babel dans laquelle grouillait une population de plus en plus nombreuse de spécialistes qui n’arrivaient plus à échanger une seule information, car leurs langages étaient tous différents. […] Ce sont les concepts et les langages du plus grand nombre possible de disciplines, et non les techniques, qu’il est nécessaire d’acquérir pour ce qu’il est convenu d’appeler l’interdisciplinarité ; nous avons de plus en plus besoin de polyconceptualistes monotechniciens. »

C’est devenu un problème crucial des sciences à l’heure actuelle comme l’avait anticipé également Edgar Morin dans son livre Science avec conscience paru en 1982. Il reste donc du pain sur la planche pour mieux connaître cette problématique.

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