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Commentaire de Scipion

sur Un Monty Python contre l'axe du bien


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Scipion (---.---.52.224) 7 mai 2006 12:27

Cher DGA,

AgoraVox est ainsi conçu que votre message du 3 mai 2006 à 22H44 m’avait complètement échappé. Ce n’est donc pas par indifférence que je ne vous ai pas répondu. Pour une fois que je trouve un interlocuteur capable de s’élever au-dessus de l’insulte, de l’éructation et de l’anathème, je ne vais pas risquer de le perdre par négligence...

« Par-delà certaines divergences d’analyse, nous nous retrouvons au moins sur ce constat essentiel : »fiction qui n’est plus tenable« , la démocratie telle que nous (ne) la pratiquons (pas) est au bout du rouleau. (Cette idée est du reste l’une des lignes de force du livre de Terry Jones.) »

Les « politologues » du type Terry Jones me laissent extrêmement perplexes. Je pense qu’ils trouveraient la démocatie très bonne et très efficace si Kerry avait été élu, et qu’il sera pleinement réconcilié avec le suffrage universel quand la bande à Bush se fera retoquer en novembre 2008.

« Que l’élection présidentielle française à venir illustre jusqu’à la caricature cette déréliction est également évident, nous sommes d’accord. »

Il n’y a pas que la présidentielle française. Ce qui se passe en Italie n’est pas mieux, et les Allemands qui votent CDU/CSU avant de se retrouver maqués avec le SPD doivent quand même avoir l’impression qu’on s’est foutu d’eux. Les socialistes, eux, étaient tellement convaincus de se faire éjecter avec pertes et fracas que le fait de rester au pouvoir, même en compagnie de l’ennemi d’hier, doit leur sembler une divine surprise.

« De ce point de vue, peut-être que la seule chose qui nous sépare, c’est une capacité d’indignation (mais je n’en tire aucune gloire). »

L’indignation est une superfluité à laquelle j’ai renoncé depuis longtemps... Renoncé parce que j’ai suffisamment connu ça, pour parvenir à en comprendre l’inanité. Et puis, je me suis rendu compte, aussi, de la superficialité de certaines d’entre elles, que je me montais moi-même en neige pour les besoins de la cause. Ca ne m’a pas donné une haute opinion de celles des autres.

Je le dis tout net comme je le pense : si des gens ont pu survivre des années, dans les camps de concentration, avec un apport énergétique quotidien de 700 et 800 calories, toute personne qui dénonce, avec véhémence, la faim dans le monde, et qui consomme plus de 1’500 calories par jour serait bien inspirée de battre sa coulpe en silence !

« Par contre, je ne vous suis pas quand vous accusez »la démocratie« d’avoir conduit »notre civilisation au bord du tombeau«  : à mon avis, c’est lui faire trop d’honneur ! Je trouve que cette façon de dire les choses vous arrange trop pour être honnête : sur quoi fondez-vous votre conviction que la démocratie serait condamnée à l’échec parce qu’intrinsèquement mauvaise, sinon sur une volonté de justifier votre renonciation et votre individualisme ? »

Je dis « démocratie », il aurait sans doute mieux valu parler des « valeurs » démocratiques. Si on considère le monde autour de nous, on constate qu’il n’y a pas un grand secteur des activités et des réalités humaines, qui ne soient en crise, je n’arrive pas à imaginer que le système politique n’en soit pas responsable, à la fois directement et indirectement. Je pense qu’il est aussi à l’origine de cette perte totale de confiance dans l’avenir qui est, pour une large part selon moi, à l’origine du déclin démographique de nos sociétés.

Et son égalitarisme intrinsèque forcené est à l’origine de dérapages aberrants, dont l’union homosexuelle n’est que l’aspect actuel le plus spectaculaire. Il n’y a pas très longtemps que j’ai acquis la pleine et totale conviction de vivre dans un monde de cinglés. C’est le jour où je me suis avisé qu’en 1979, mon père serait mort, en étant persuadé que j’étais devenu complètement louf’, si je lui avais dit, la veille de sa mort que, vingt-cinq ans plus tard, on parlerait de mariage homosexuel et d’homoparentalité.

Non pas rêveur, non pas utopiste, non pas déconneur, mais complètement fou ! Par la suite, j’ai pu y ajouter d’autres ne nos réalités quotidiennes, auxquelles il n’aurait jamais voulu croire : la notoriété du regrettable Piero Manzoni (Merda d’artista) ; la présence d’un Congolais noir foncé parmi les candidats au titre de Mister Swiss, l’existence d’un groupe « musical » appelé Nique ta mère, l’exposition itinérante des cadavres plastinés de von Hagens, le Quatuor à cordes avec hélicoptères de Stockhausen, vraisemblablement, amateur de copieuses viandes rouges comme il était, la « cuisine » de Ferran Adria...

Cette démocratisation de la dinguerie ne signifie rien d’autre, selon moi, que la disparition du sens commun. Et cette disparition est une conséquence du n’importe quoi sur lequel débouche un système qui prétend gommer les différences, entre l’intelligent et le stupide ; entre le beau et le laid ; entre l’élite et le peuple* ; entre le vrai et le faux ; entre le vraiment génial - pas celui du langage courant, bien sûr - et l’aberrant...

Ma réflexion ne se situe donc pas sur le même plan que la vôtre. La vôtre est politique et en aval, la mienne, plutôt philosophique et en amont. Elles ne s’excluent pas... Et il me paraît clair que si on solutionne les problèmes dont je souligne l’existence, on prévient ipso facto ceux que vous dénoncez...

« Pour finir ce message sur une note plus malicieuse, je constate que la désillusion que vous affichez en matière de »démocratie« n’est peut-être pas si péremptoire qu’il y paraît... »

C’est que je suis, en permanence, à la recherche d’idées, et d’avis, différents pour confronter mes convictions avec celles des autres et découvrir mes points faibles. Si vous avez lu ce qu’on m’adresse, vous comprendrez à quel point je reste sur ma faim.

Et quand je réponds sèchement à un Jojo, ce n’est pas parce que je perds mon sang-froid, c’est dans l’intention de m’en débarrasser, comme on fait un geste très brusque pour se défaire d’un bout de papier collant attaché au talon de sa chaussure...

* Je suis obligé de préciser, pour devancer les petits imbéciles qui foisonnent ici, que je ne me considère pas comme faisant partie d’une élite, mais que ce sont les élites, et non le grand nombre, qui donnent leurs lettres de noblesse aux civlisations, le peuple étant, par la vocation même du nombre, plus porté à détruire qu’à construire.


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