L’écrit le plus ancien affirmant que saint Luc aurait peint
les traits physiques de Marie est dû à Theodorus le lecteur,
clerc Bizantin à Sophie de Constantinople et date de 520 environ. Il a écrit :
« Eudoxie envoya à Pulchérie, de Jérusalem, l’image de la Mère de Dieu qu’a
peinte l’évangéliste Luc ».
Eudoxie était l’épouse de l’empereur régnant d’Orient
Théodose II. Pulchérie était la sœur de cet empereur et elle avait fait
construire trois églises à Constantinople et avait fait installer le portrait
envoyé par sa belle-sœur dans la plus importante, celle des Hodigoi, d’où le
nom de ce portrait : Hodigitria.
Dans son livre "II
Primato della Chiesa di Roma" publié en 1991, l’archéologue Margherita
Guarducci a expliqué que cette image
était peinte à l’encaustique sur une planche de bois et qu’il s’agissait d’une imago clipeata, pièce
de bois ronde portant la tête seule, peinte plus grande que nature, complétée
par des artistes locaux qui auraient inséré ce visage dans un tableau plus
important comprenant aussi l’enfant Jésus.
Vénérée par des foules venues même de Russie, d’Egypte ou de
la Péninsule Ibérique, elle a été l’objet de rites particuliers jusqu’en 1453,
date de la prise de Constantinople par les Turcs qui auraient détruit l’image à
coups de hache et l’auraient jetée dans les eaux du Bosphore. Des copies en
avaient été faites, et l’une d’elles, « la Vierge de la Passion », vénérée à
Moscou aurait été l’objet de miracles, mais la plus célèbre est l’image connue
sous le nom de « Notre Dame du Perpétuel Secours » conservée l’église Saint
Alphonse à Rome.
Cette copie aurait été exécutée par le moine saint Lazare
qui a eu les mains brûlées par ordre de l’empereur iconoclaste Théophile. Mais la plus ancienne copie et sans doute la
plus proche de l’original a été découverte à l’église de Françoise Romaine sur
le Forum par Pico Cellini en 1950. Elle se trouvait sous plusieurs autres
madones peintes en superposition à différentes époques.
Pour Margherita Guarducci, cette icône peinte à
l’encaustique serait la copie sur empreinte directe de l’Hodigitria exécutée
entre 438 et 439 à Constantinople puis envoyée à la fille de l’Empereur
Théodose II et d’Eudoxie qui avait épousé l’empereur d’Occident Valentinien III
et qui résidait avec son mari à Ravenne.
Le couple l’aurait apportée à Rome sur le Palatin où l’image
serait restée au moins jusqu’à la moitié du cinquième siècle, pour être
transférée d’abord à Marie Antique puis avec une des « retouches », à Marie
Nouvelle ensuite appelée Françoise Romaine.
Mais du tableau original, de cette Hodigitria de
Constantinople, il ne reste plus rien, plus rien que des copies, même si une rumeur
qui remonte au début du dix-neuvième siècle prétend que le dernier empereur
d’Orient Baudouin II, fuyant Constantinople en 1261, avait emporté avec lui la
tête de l’Hodigitria et que la famille d’Anjou, l’ayant obtenue par héritage,
avait créé, pour elle et avec elle, la grande icône du Sanctuaire de
Montevergine près d’Avellino : le bois sur lequel est peinte la tête de la
Vierge serait de nature différente, et des traces de peinture plus ancienne
seraient apparues sous la peinture médiévale de l’icône.
Or, aucun élément factuel ne vient étayer cette rumeur.