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Commentaire de argoul

sur Les bons (sentiments), la brute (altermondialiste) et l'OMC ?


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argoul (---.---.18.97) 15 décembre 2005 10:59

Je me réjouis de constater que le débat reste de haut niveau, ce qui me rassure (si nécessaire) sur les capacités à réfléchir de mes concitoyens. Bravo ! Evitez cependant les attaques personnelles, souvent infondées, et qui n’ajoutent rien au débat. Vous ne combattez pas le Diable - vous participez au forum démocratique, nuance. Pour cela, il faut développer des arguments et les soumettre au test des autres. Argumentons donc : SUISSE - Vous voudrez bien noter que ce pays fait partie de l’OMC depuis l’origine, comme la France. La différence est qu’il vit la démocratie d’une façon plus concrète et plus complète que nous, je le sais pour y avoir travaillé. La responsabilité citoyenne n’est pas qu’un discours pour fin de banquet mais se traduit par des votations régulières, par une conscience civique de chacun et par des négociations posées et argumentées dans les instances internationales. Le siège de l’OMC est d’ailleurs à Genève. Les Suisses défendent leurs intérêts, mais rien à voir avec les braillards franchouillards. Pas de manifestants adeptes de l’Appenzell ou du vin des coteaux genevois comme ceux du Roquefort ou de la piquette du Languedoc ! Les Suisses savent retrousser leurs manches au lieu d’accuser de tous les maux les Américains ou les multinationales. Ils ont su créer une industrie qui reste, une pharmacie qui compte et des assurances dont on ne fait plus la réputation, tout comme vous le dites. Mon article portait sur la stupidité des contestations médiatiques mais concrètement inefficaces des alter français. La Suisse, vous avez raison, est le parfait contre-exemple qui marche ! ALTER DANS LE MONDE - Le commentateur a tout à fait raison de pointer la faible audience de « nos » altermondialistes dans le reste du monde. Le gauchisme archaïque et télévisuel bovésien compte de moins en moins. Déjà, à Seattle, 95% des manifestants étaient des syndicalistes américains (des Etats-Unis) et pas des partisans de Jo Bové... Regardez le Brésil de M. Lula : il défend ses intérêts, il pointe nos contradictions entre un discours chiraquien ronflant de bons sentiments et la prosaïque réalité de la politique agricole protectionniste défendue par le même - il a raison. Vous notez « les valeurs de la modernité telles qu’on les conçoit chez nous » et c’est exactement ce que je répète à longueur d’articles sur Agoravox : ces valeurs ne sont souvent pas « universelles » (sauf quelques-unes comme le travail des enfants et la libres expression démocratique) mais liées à notre histoire occidentale. Nul doute que l’émergence de pays tels que la Chine, l’Inde, le Brésil, demain la Russie, le Nigeria, l’Iran, la Turquie, vont changer les formes de la mondialisation. Celle-ci n’est pas une « idéologie » mais un mouvement depuis la préhistoire, né de la curiosité pour l’autre et pour l’ailleurs, du désir d’acquérir par échange des biens inconnus. Ne pas confondre ce mouvement avec l’idéologie « américano-libérale » (qui n’est pas non plus TOUT le libéralisme) qui règne aujourd’hui parce qu’il émane de la puissance la plus forte, « l’économie-monde » dominante. Cela va changer. Et nul doute que les valeurs issues des autres civilisations qui deviennent économiquement puissantes vont peu à peu s’imposer dans le débat. Où sont les valeurs « européennes » dans le monde qui vient ? Elles restent éclatées entre les petits pays comme la France et l’allégeance aux USA pour d’autres. Ce n’est pas comme ça que l’on construit l’avenir, la Suisse, la Suède, nous montrent que l’on peut être « petit » et savoir garder son originalité dans un monde qui se transformera toujours. Que faisons-nous, en France, pour cela ? Bavasser pour « changer le monde », carrément, au lieu d’entreprendre de changer ce qui est à notre portée, dans nos écoles, nos laboratoires, nos entreprises, nos banlieues ? Le capitalisme restera, comme outil, mais sera utilisé par d’autres mains et interprété par d’autres esprits. Là encore, le capitalisme n’est pas une « idéologie », la preuve est qu’il est utilisé par les Etats-Unis « ultra »-libéraux comme par la Chine communiste, par certains pays islamiques intégristes comme par les social-démocraties scandinaves. Une idéologie, c’est l’« américano-libéralisme », il faut bien cerner les problèmes. USA - Croire que ce pays peut être « ruiné » par un ouragan est un peu léger ; il ne faut pas prendre ses désirs (inconscients ?) pour la réalité. Les infrastructures dépendent trop souvent des états et pas de l’Etat fédéral et, aux Etats-Unis comme en France, les intérêts électoralistes court terme font trop souvent oublier l’intérêt général - surtout lorsqu’il concerne « les banlieues », là-bas comme ici. Il ne faut pas confondre non plus OMC (qui régule les échanges) et FMI (qui contrôle le système financier international), je le dis pourtant clairement dans l’article ! Je ne crois pas, comme vous, à une conférence mondiale des bonnes volontés (convoquée par QUI ?) mais bien plutôt, comme vous le notez, aux intérêts mutuels du développement. Vous en faites des « principes », ce qui est une vision très « gauche morale à la française » mais ne me paraît pas avoir beaucoup d’échos dans le reste du monde (voir le commentaire sur les alters, plus haut). LIBERALISME - Il n’est PAS « un nouveau modèle qu’on nous propose », comme le dit un commentateur (décidément, l’enseignement des collèges français est d’une indigence...) QUI nous le proposerait ? QUI élaborerait dans l’idéal un tel « modèle » ? Le libéralisme est un mouvement historique d’épanouissement de l’homme que l’on peut faire remonter aux premiers débats sur l’organisation de la cité en Grèce (antique, programme de 6ème). Plus proche de nous, il a couru via la critique éthique de la société de son temps chez Montaigne, par les réflexions sur la liberté sous l’autocratie louisquatorzième chez des auteurs tels que Montesquieu, Voltaire et plus tard Rousseau, Diderot. Ce libéralisme des Lumières (celles de la raison, pas des ampoules électriques) a conduit à la monarchie parlementaire anglaise, à la Révolution américaine, à la Révolution française de 1789. Il n’est pas tombé du ciel ni découvert dans un quelconque grimoire comme un « modèle » de maquette à assembler. Le socialisme humaniste (via les Radicaux) l’a repris à son compte jusqu’à Karl Marx lui-même (voir le dernier livre de Jacques Attali) avant d’être biaisé par l’interprétation du marxisme des syndicats bismarckiens, aboutissant à l’archaïsme de la gauche française actuelle. Tout le reste de la gauche européenne, en revanche, a fini par condamner cette voie sans issue. Monique Canto-Sperber, dans un livre rendu compte sur Agoravox par l’un de mes articles, l’explique très bien. Vous vouliez sans doute parler de libre-échange commercial ou de mercantilisme - ce n’est pas la même chose ! Ce n’est surtout pas un « modèle » qu’on appliquerait comme un règlement d’administration, mais les conséquences d’un intérêt mutuel : si vous voulez vendre ce que vous savez produire (des avions, des vaccins, des livres, des services), il vous faut accepter d’acheter ce que l’autre produit mieux que vous (des ordinateurs, des crevettes, du maïs, des films, que sais je encore ?). Ne croyez pas non plus que pour réussir, il faille « de l’argent au départ » : comparez la Chine ruinée d’après Mao avec l’Arabie Saoudite richissime avec son pétrole : qui a réussi ces dernières années, selon vous ? On peut aussi comparer l’Argentine riche des années 30 et la Corée pauvre à la même date. Les « plus forts » sont les plus habiles, pas les plus brutes, comme en classe ou dans le reste de la société. C’est pourquoi la critique violente par la « manif » qui veut rejouer la prise de la Bastille me paraît une voie sans issue et c’est l’objet de l’article. Pour réussir, pas la peine de danser devant les télés. Comme partout, il faut travailler, argumenter, convaincre. Pas faire le clown.


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