Ce sont amis que vent emporte...
Ce poème de Rutebeuf date du 13ème siècle et pourtant, comme il nous semble familier et proche ! Un poème qui évoque plusieurs thèmes éternels : les malheurs d'un poète, sa solitude, la fragilité de l'amitié, la pauvreté, la misère de l'artiste, de l'homme de plume...
Poésie personnelle, lyrique, ce texte adapté par Léo Ferré nous touche, nous émeut dans sa simplicité : le poème s'ouvre sur une question qui traduit un désarroi : "Que sont mes amis devenus Que j'avais de si près tenus Et tant aimés ?"
L'emploi de la première personne, tout au long du texte, signe bien une oeuvre lyrique où le poète se confie, évoque ses sentiments.
Le vent d'hiver devient le symbole de l'infortune du poète : il a dispersé tous les amis si chers à Rutebeuf, ces amis étant assimilés à des feuilles mortes emportées par le vent...
C'est, du moins, la raison pudiquement invoquée par le poète : "je crois que vent les a ôtés."
Le vent, associé au temps qui passe, a fait son oeuvre : le verbe "défeuiller" souligne le dépouillement, avec son préfixe négatif.
Mais un autre motif a pu faire fuir les amis : la pauvreté qui est devenue un véritable ennemi pour Rutebeuf, elle est personnifiée et présentée comme une puissance qui "fait la guerre" au poète.
L'hiver aggrave toute la misère et les difficultés auxquelles est confronté l'écrivain...
Pourtant, Rutebeuf, plein de pudeur, refuse d'évoquer toutes les péripéties de ses malheurs et de ses mésaventures.
Les adverbes d'intensité "si", tant" soulignent la force de ces amitiés d'autrefois : elles semblaient si solides.
Et toutes sortes d'épreuves viennent s'accumuler : la pauvreté, mais aussi la vieillesse qui n'est pas directement évoquée, mais suggérée par les expressions "pauvre sens et pauvre mémoire", Rutebeuf associant, ainsi, sa misère matérielle à sa misère physique et morale.
Le refrain, sous forme de question, revient pour souligner la disparition des amis, comme emportés par le vent... comme s'ils avaient été "trop clairsemés", les voilà dispersés par les souffles furieux du vent.
Une expression qui introduit une nouvelle personnification "l'amour est morte" vient ponctuer le texte, soulignant la tristesse.
On perçoit un être accablé, mais aussi une grande pudeur dans l'expression même si le langage est parfois cru, populaire et direct pour évoquer la violence des éléments : "Et droit au cul quand bise vente Le vent me vient, le vent m'évente..."
La version chantée par Léo Ferré s'achève sur une note, peut-être, optimiste : on entrevoit un espoir de fêtes pour les lendemains du poète... Mais, en fait, il ne reste, sans doute, à l'auteur qu'une espérance bien illusoire en un avenir meilleur !
Le blog :
http://rosemar.over-blog.com/article-ce-sont-amis-que-vent-emporte-122904736.html
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