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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Adèle Blanc-Sec » : Besson en cale sèche ?

« Adèle Blanc-Sec » : Besson en cale sèche ?

Adapté de la célèbre BD de Tardi, le nouveau film de Luc Besson, Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, raconte l’histoire rocambolesque d’une jeune journaliste prête à tout pour parvenir à ses fins. Pendant qu’on la suit en Egypte, partie sur les traces d’un pharaon, un œuf de ptérodactyle, âgé de 136 millions d’années, vient d’éclore au Jardin des plantes à Paris, donnant naissance à un oiseau géant semant la panique dans la capitale. En plein Jurassic…Paris, Adèle Blanc-Sec est encore sur le coup.

En général, il est de bon ton, soit de porter aux nues Luc Besson parce qu’il a amené indéniablement du sang neuf dans le cinéma français des 80’s et qu’il tient actuellement, dans la paume de sa main, une bonne partie de la production cinématographique française (par exemple, dans le Grand Journal de Canal +, on accueille Besson comme s’il s’agissait de saint Luc, il s’agit de ne pas froisser sa susceptibilité), soit de le dénigrer en l’accusant de ne réaliser que des films relevant de l’esthétique publicitaire et de ne produire, via EuropaCorp, que des nanars au centuple. Il est vrai que des Taxi, Transporteur, Wasabi, Banlieue 13 et autres Yamakasi 36, en dehors de leur succès au box-office, ne vont pas laisser une trace indélébile (c’est le moins qu’on puisse dire !) dans l’Histoire du 7ième art. Pour autant, j’ai toujours trouvé le cas Luc Besson intéressant dans la cinématographie mondiale. « Louc Bessonne », pour prononcer son nom à l’américaine, reprend les procédés hollywoodiens pour fabriquer des films dans l’Hexagone qui puissent rivaliser avec la planche à billets verts de la Mecque du cinéma ; dans son ouvrage sur Luc Besson (2005), Frédéric Sojcher voit même en lui Un Don Quichotte face à Hollywood. Pour ma part, je n’irais pas jusque-là parce qu’au fil des ans, la singularité filmique de ce cinéaste-tycoon a perdu de sa superbe, pour autant le dénigrer complètement me semble faire acte de paresse.

Avec lui, il s’agit tout simplement de distinguer le bon grain de l’ivraie. Pour le pire, ça donne les produits précédemment évoqués (dont la liste, hélas, n’est point exhaustive !), et, pour le meilleur, il arrive qu’EuropaCorp produise des films d’auteurs, ne manquant pas de qualité, je pense par exemple à Trois enterrements, Quand j’étais chanteur, I Love You Phillip Morris ou encore au documentaire choc sur le massacre des dauphins au Japon, The Cove (2009). En ce qui concerne ses propres réalisations, il y a un Luc Besson que j’apprécie assez : celui qui a de bonnes intuitions, et manifestement le sens du cadre et du rythme. A l’orée des 80’s, Besson a proposé un autre cinéma que celui littéraire et post-Nouvelle Vague qui avait pignon sur rue en France : ses films-prototypes, « à l’américaine » (Le Dernier combat, Subway…), ont montré qu’un cinéma du visuel était possible chez nous et qu’on pouvait sortir de l’énième histoire d’amour d’un couple germanopratin se déchirant dans un 100 m² place de l’Etoile. Son cinéma postmoderne, imprégné de BD et de films US, amenait un vent nouveau dans le cinéma à la française, et ce n’était pas plus mal. Des trognes filmées frontalement, des cadrages insolites, des histoires s’autorisant de nouveaux horizons (des bas-fonds du métro parisien au grand bleu des profondeurs via la Grosse Pomme quadrillée par un tueur mutique) : on pouvait parler d’un parfum de modernité qui planait dans l’air - à la question « Qu’est-ce qu’un style de modernité à l’écran ? », Besson répondait en 1985 au critique Luc Honorez (in Le Soir) : « Placer la caméra et faire des mouvements qui vont droit au but. » Ce Besson-là peut parfois être percutant. L’acmé de sa carrière, selon moi, c’est Léon, son chef-d’œuvre. Un film racé, stylé, émouvant, avec une histoire d’autant plus originale, et osée, qu’elle se déroule sur des terres ô combien puritaines : pensez donc, une histoire d’amour platonique à New York entre la jeune Mathilda et un tueur professionnel adulte. A dire vrai, depuis Léon (1994), Besson a été plutôt décevant. Son Cinquième élément et sa Jeanne d’Arc, entertainments assez basiques, ne cassaient pas trois pattes à un canard ; sa Angel-A, dans un Paris kärcherisé, était d’une pauvreté narrative navrante ; quant à ses Arthur et les Minimoys, j’avoue que leurs images numériques verdâtres et leurs histoires bio-écolo-débilo-chlorophylles me laissent complètement de marbre.

Et voici que nous arrivent Les Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec. Comment dire ? L’image est jolie (bravo au chef-op Thierry Arbogast et au chef-décorateur Hugues Tissandier), la jolie Louise Bourgoin, sans avoir un jeu extrêmement développé (mais bon, c’est une débutante), fait son job, idem pour les autres acteurs du film, l’histoire ne manque pas de rebondissements (de l’Egypte ancienne au Paris haussmannien via le luxuriant Jardin des plantes) et, pourtant, malgré cette somme de points plutôt positifs, la mayonnaise filmique ne prend jamais vraiment, du 1 sur 5 pour moi. Au bout d’un moment, on ne peut que se demander : où est le Luc Besson de Léon ?

Le filmage d’Adèle Blanc-Sec est passe-partout, voire poussif, on n’y sent jamais la virtuosité de filmeur dont a pu faire preuve Besson par le passé. On a l’impression qu’il vise ici, sans trop se mouiller et certainement parce que le film coûte très cher (30 millions d’€), une sorte d’espéranto filmique qui pourra fonctionner à l’internationale. Alors, à coup sûr, pour les étrangers (il suffit de voir comment Spielberg nous représente, nous les Français, dans son Munich, on est en 72 mais il nous plonge dans le Paname canaille d’Edith Piaf !) : ce vieux Paris de cartes postales, via son french cancan, ses tenues et ses moustaches 1900, ne manque pas de séduction. Pour autant, on ne peut s’empêcher de voir dans ce long métrage une espèce de Tour Operator filmique cherchant à nous vendre les mérites de notre capitale (tout y passe ou presque ! Le Musée du Louvre, la place de la Concorde, le Muséum d’Histoire naturelle, le Palais Royal, l’Eiffel Tower et ainsi de suite). Mais, hélas, contrairement à Tardi, Besson n’arrive pas à nous faire sentir l’âme du vieux Paris : les journaux affichés ou placardés sont trop neufs, les décors semblent oublier de nous replacer dans l’esthétique modern style (alors que le dessinateur Tardi, dans ses cases, se délecte à dessiner les volutes des bouches de métro signées Guimard) et, plus embêtant encore, la dimension politique d’Adèle Blanc-Sec, présente en filigrane dans le roman graphique, est quasi absente du film. Le second degré, constamment à l’œuvre chez Adèle, est remplacé ici par l’humour potache estampillé Besson, aïe. Et, sacrebleu, on ne voit pas assez qu’Adèle est une rebelle, une misanthrope détestant les institutions ! Le côté crapoteux des politiques est à peine suggéré alors que c’est une constante chez Tardi, d’autant plus que sa saga Adèle Blanc-Sec couve la Première Guerre mondiale, avec tous ces hommes envoyés froidement au front par les politicards et qui vont servir de chair à canon ; il y a des ombres au tableau de Tardi, n’oublions pas ses obscurs Tueur de cafards, C’était la guerre des tranchées et autres Voyage au bout de la nuit.

On sent que Luc Besson cherche ici à mélanger les genres, à surfer sur une atmosphère poético-scientifique qui parviendrait à nous faire rêver en ratissant large. Mais, de peur de trop perdre son spectateur en route (alors que Tardi aime les histoires à dormir debout), il balise trop le terrain. Trop démonstratif, trop didactique, trop volontariste, on ne peut s’empêcher d’y voir, avec sa voix off et ses explications trop appuyées - cf. le lien charnel entre le ptérodactyle et le savant fou Esperandieu, juste suggéré chez Tardi, est affirmé chez Besson -, un cinéma trop storyboardé, ne s’autorisant pas suffisamment la roue libre et les digressions fantasques du roman-feuilleton ; ce que ne manquait pas de réussir un Podalydès avec son Mystère de la chambre jaune. Voilà le mot mystère est lancé. Besson, à l’aise d’ordinaire dans le noir profond, ne s’autorise pas assez les clairs-obscurs, les zones d’ombre. C’est pourtant là qu’il peut être à son meilleur car, selon moi, ses films les plus aboutis sont ceux qui en disent le moins possible (cf. le tueur taiseux Léon) et ceux qui, ancrés dans le grand bleu abyssal ou le noir mortifère du Mal (Léon), invitent le spectateur à se projeter dedans afin d’y mettre un peu ce qu’il veut. Avec ses Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec, Besson nous dit tout. Du coup, on y perd au change. Le film, trop calé dans le prêt-à-filmer bessonien, perd en mystère ce qu’il gagne en surlignage publicitaire, dommage. Mais, de même que le deuxième Indiana Jones était plus barré et plus noir que le 1ier, il se pourrait bien que le 2ième Adèle Blanc-Sec, à venir semble-t-il, se montre moins formaté que le tout premier - espérons-le. Bref, la suite au prochain épisode, comme l’écrirait Tardi.  

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« Adèle Blanc-Sec » : Besson en cale sèche ?

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27 réactions à cet article    


  • bakounine 20 avril 2010 12:02

    je suis plus que fan de Tardi, et malheureusement Besson n’a rien de commun avec Tardi.
    J’espere que le film ne degoutera pas les personnes qui ne connaissaient pas Tardi d’aller jeter un oeil à ses oeuvres (voir les deux) !!
    Pour le reste peut etre que le film s’adresse au môme (je n’en sais rien) et dans ce cas peut etre qu’ils le trouveront bien.


    • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 12:46

      @ bakounine

      oui, espérons que le film donnera l’envie de découvrir la version originale de Tardi,
      qui a ce parfum des Mystéres de Paris, et peut être aussi la série des Nestor Burma
      et du génialissime « 120 rue de la Gare » á lire et relire.
      Et pour ceux qui penseraient que c’est juste de la BD pour les mômes qu’ils
      se plongent dans « Jeux pour mourir » une histoire de gosses pourtant...
      mais tirée d’un grand roman Noir de Geo Charles Veran,
      Grand Prix de la Littérature Policiére 1950,son seul roman publié.
      Et aussi Tardi-Manchette bien sûr...on est sans doute loin de chez Besson.

      Inconditionel et fanatique également  ! smiley


    • DESPERADO 20 avril 2010 12:24

      J’ai vu le film

      C’est une daube sans nom.
      Pauvre Tardi, il doit certainement avoir besoin de sous, pour laisser Besson massacrer blanc-sec.

      • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 12:50

        @ DESPERADO

        y’a des malheurs sans nom, comme le rachat des droits par Delon de Polars de Manchette pour l’adaptation au cinéma,un massacre aussi.


      • DESPERADO 20 avril 2010 13:49

        Pauvre manchette

        Iceberg Slim aussi est en voie de récupération mercantile.

      • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 15:28

        @ DESPERADO 

        pourriez vous me recommander un bouquin ? je ne connais pas le bonhomme,
        ce que je viens de lire sur le net m’en donne envie,
        merci d’avance.


      • DESPERADO 21 avril 2010 10:30
        Pour Iceberg Slim
        Tout est incroyable dans bibliographie
        Je te conseil « Pimp » et « mama black widow »
        Le premier est une histoire de la ségrégation et du seul métier que les noirs pouvaient pratiquer.

      • LE CHAT LE CHAT 20 avril 2010 13:15

        un ami qui est aller le voir m’a dit que c’était vraiment pas terrible , j’attendrai que ça passe sur Canal ......


        • DESPERADO 20 avril 2010 14:58

          Viviane

          « luc besson est un génie qui en a marre d’être génial »
          J’en suis sûr, un génie, Scorcese à côté c’est un réalisateur de Pub et Chabrol un videaste.

          • DESPERADO 21 avril 2010 10:33

            Viane

            Etre génial est un tempérament ?
            Génial en potentiel ?
            Allez j’arrête sur ce sujet, qui ne mérite pas plus de deux lignes.


          • Castoridae 20 avril 2010 15:12

            Je laisse Adèle à Besson et je garde le blanc-sec.

            Au moins, pas de surprise...

            • Castoridae 20 avril 2010 15:17

              Juste une question à l’auteur : lorsque vous critiquez le fait que les journaux placardés soient trop neufs, vous auriez voulu qu’ils datent de l’époque ?

              Il me semble que c’est précisément le cas, non ?

               smiley

              • Vincent Delaury Vincent Delaury 20 avril 2010 15:29

                Ils sont trop fac-similés. Pas assez « vintage »...


              • Castoridae 20 avril 2010 15:32

                OK      


              • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 15:20

                @ Vlane

                Besson et Scorcese vice et versa ! non mais vous êtes complétement égaré !
                et vous croyez qu’on lui a donné les coudées franches aux States á Scorsese  ! ?
                Si Scorse a subi des échecs commerciaux ( Gangs of New York, Aviator, A tombeau
                ouvert ) il n’a jamais cessé de faire des films denses, tragiques, personnels,
                un reflet d’une Amérique et de ses histoires multiples, Raging Bull, Casino,
                les Affranchis çá vous dit quelque chose ?
                Besson c’est pas grand chose ...


                • LE CHAT LE CHAT 20 avril 2010 16:17

                  la semaine prochaine , on verra Depardieu dans Mammut , on aurait pu appeler le film
                  Gégé gros qui tache !


                  • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 17:12

                    çá éclaboussera davantage qu’une goutte de Besson dans l’ensemble de la production
                    française .


                  • Fergus Fergus 20 avril 2010 17:26

                    Je ne sais pas ce que vaut ce film, mais l’affiche est particulièrement bien réussie !


                    • Lorenzo extremeño 20 avril 2010 18:07

                      @ Fergus

                      bien d’accord avec vous, mais,quel contraste si l’image qui ilustre l’article
                      est effectivement tirée du film !
                      L’Adéle de la BD est d’un érotisme subtil, comme souvent les personnages
                      de femmes sous l’encre de Tardi.Quand il ose le crû dans le Tardi 30/40
                      Futuropolis, ou dans « Ici Même » scénario Forest c’est sans concession
                      au raccolage,pornographie abrupte.

                      Bien á vous.


                      • pigripi pigripi 20 avril 2010 22:32

                        Ce qui m’a frappée dans le film est la lenteur du rythme, un rythme de lecture, comme si on lisait la bd et je pense que c’est intéressant pour les enfants.
                        Je me suis un peu ennuyée mais je ne serais pas aussi sévère, je trouve que c’est bien fait, bien joué même si je n’ai pas été emportée par l’histoire.
                        Je n’aime pas trop la voix de Louise Bourgoin qui cause comme entre copains...ça fait pas journaliste du XIXème siècle...


                        • Aleks 21 avril 2010 01:39

                          J’aime bien l’attaque en règle qui ne dit pas son nom, l’ajout de paragraphes qui n’ajoutent rien à la critique (pas la peine de disserter sur la filmo et le passé et la société de production de Besson pour faire une critique de son dernier film !). On dirait que l’auteur est payé à la ligne.


                          Sur la forme, on ne comprend pas trop l’intérêt du terme « entertainment » en fin de 3ème paragrahe. L’auteur semble jouer au pédant. S’agit-il d’enterrement ? D’internement ? Mais non, tout simplement « divertissement ». Le mot serait trop prosaique, trop commun pour l’auteur ? De même, « kärcherisé » est un autre exemple du pédantisme de l’auteur, alors que l’usage en France est de dire « karcher », prononcé « karcheur ».

                          Sur le fond, je trouve que la comparaison avec l’espéranto est très positive. Quoi de mieux que faire un film destiné à plaire au plus grand nombre. Halte aux films prise de tête, dont il faut deviner les sous-entendus. Vive les films qui en mettent plein les yeux et où l’histoire se suit avec intérêt et plaisir visuel !

                          Le dernier Besson remplit parfaitement son contrat à ce titre. Je ne comprends pas pourquoi il faudrait faire la fine bouche. C’est du bon divertissement, un film familial, du cinéma populaire mais pas de merde. S’il se vend bien à l’international, tant mieux. C’est bien de montrer Paris, la « plus belle ville du monde ». Il faut arrêter d’être masochiste et de la cacher. On va filmer à Paris mais le cacher. Le musée du Louvre, la place Jeanne d’Arc, la Concorde ... sont des personnages à part entière du film.

                          En bilan, j’ai mis 3 sur 4 moi.

                          • Christoff_M Christoff_M 21 avril 2010 03:07

                            Les gens promos un peu vite comme des « grands cinéastes » actuellement...

                            en sont rendus à piquer les meilleures idées au BD ou grandes sagas illustrées qui sont devenus des classiques !!

                            Quel talent !! idem aux states avec Spielberg qui veut acheter les droits de Hergé et autres...

                            Misère intellectuelle du monde dominé par ceux qui ont de l’argent, pas de talent et peu d’idées...
                            à part acheter à coups de millions tout ce qui traine !!


                            • armand armand 25 avril 2010 10:25

                              Je suis fan de Tardi depuis la sortie du premier volume d’Adèle...
                              Le film ? Bof ? Bien ficelé, les reconstitutions sont léchées, le rythme convenable. Alors qu’est-ce qu’il cloche ? (et qui fait que je n’irai pas voir une deuxième fois, alors que les albums, je ne me lasse pas de les relire).
                              Tout, ou presque, a été dit ci-dessus. En particulier l’incapacité de Besson à mélanger le pathos, le dérisoire, le second degré et l’humour comme le fait si bien Tardi. L’absence de la dimension politique idem, sauf de façon parfaitement caricaturale. En somme, des défauts qui étaient déjà bien présents dans l’adaptation des « Brigades du Tigre » d’il y a quelques années.
                              A la décharge de Besson ne serait-ce pas là une des limites du cinéma, qui tend à s’imposer comme forme ultime aux autres arts mais qui, comme la plus belle fille du monde, ne peut donner que ce qu’il a ? En effet, rupture de ton, passage d’un genre à un autre, c’est le privilège de la pageécrite ou du carton du dessinateur. Mais à l’écran...

                              A propos de la « plus belle fille », justement, parlons-en, et c’est là un des défauts majeurs du film. Louise Bourgoin fait ce qu’elle peut. C’est une débutante, elle cause comme une (très) jeune femme de 2010 et non comme une feuilletoniste de cent ans plus tôt, mais elle a de l’entrain, de l’humour, et elle arrive par moments à frôler la misanthropie et l’antiséduction d’Adèle. Mais voilà, rien ne fait oublier la jolie frimousse, notamment aux yeux des hommes, vieux grigous, jeunes scientifiques, momies hors-d’âge. Or, Adèle Blanc-Sec n’est pas jolie, bien au contraire. Et Tardi, au fil des albums, ne cesse de l’enlaidir jusqu’au dernier, où les abus du blanc-sec sur la physionomie un rien bouffie de la journaliste sont patents. Qu’elle exerce, néanmoins, un indéniable sex-appeal sur certains extravagants (dont je suis) ce n’est en rien contradictoire. Après tout :

                              Ce ne seront jamais ces produits de vignettes,
                              Produits avariés, nés d’un siècle vaurien.
                              Ces pieds à brodequins, ces doigts à castagnettes
                              Qui sauront satisfaire un coeur comme le mien.

                              Faire jouer la rousse un peu boulotte, au nez retroussé et à la lèvre boudeuse et revêche par une grande longiligne, comme Besson nous en sort tous les cinq ans, non, ça ne passe pas. L’Adèle de Tardi se coiffe à la hâte de son sempiternel chapeau, enfile chemisier et jupe longue, car il faut bien sortir ainsi vêtue ; celle de Besson de délecte de ses élégantes toilettes. Et les louables tentatives de Mlle Bourgoin pour faire oublier sa joliesse, à coups de brusquerie et de phrases assassines, font d’elle la grande jeune fille toute simple, bien de nos jours, qui s’interdit toute coquetterie sur son lieu de travail. Et non l’enquêtrice solitaire, attablée à minuit devant sa Blickensderfer en grillant clope sur clope, dont le style tient plus de Louise Michel que de la belle Otero.
                              Malgré tout le plaisir que m’a procuré la prestation de Louise Bourgoin - encore une fois, elle fait ce qu’elle peut, ce serait très bien si son personnage était issu du seul cerveau du réalisateur - j’aurais préféré Charlotte Gainsbourg... ou Sylvie Testud.

                              Sans doute que Besson, outre ses goûts personnels, doit tenir compte non pas de la niche d’irréductibles fans de Tardi, mais d’un grand public qui exige qu’à l’écran il y ait un couple jeune et beau selon les canons actuels. Passe encore quand l’action se déroule en l’an 2000, mais c’est génant quand on applique au passé les canons de maintenant. Ainsi, à la télé, Sartre et Beauvoir doivent être beaux et jeunes (ils ont été jeunes, certes, mais jamais « beaux »). J’ai bien aimé la franchise de l’historienne qui a servi de consultante au téléfilm La Commanderie - impossible de faire apprécier à un public moderne les beautés au front épilé et à la bouche en cul-de-poule du (vrai) XIVe siècle. On aura droit à une beauté bien de maintenant, ainsi qu’au jeune premier soigneusement mal-rasé. De même, dans les Tudors, les principaux rôle masculins ont le cheveu ras (comme le Persée du « Choc des Titans ») alors que nous savons que l’époque était plutôt chevelue (coupée au carré) comme nous le montrent d’ailleurs les seconds rôles. En d’autres temps les Hercules de péplum portaient un brushing bien des « Fifties » - on aurait pu espérer cette époque révolue. 


                              • Vincent Delaury Vincent Delaury 25 avril 2010 10:56

                                armand, je vous ai bien lu, c’est intéressant, vous devriez faire de votre propre critique un article pour AV.
                                Cdlt,
                                VD


                              • jourdan 25 avril 2010 16:57

                                Beauvoir pas belle !!! ça va pas, non ?? Simone de Beauvoir était une femme magnifique, avec un visage classique extraordinaire.

                                Sartre a ses côtés, c’était « la belle et la bête » .

                                Quant à critiquer Louise Bourgoin , c’est ridicule car c’est une actrice, elle dit les mots qu’on lui fait dire, ce n’est pas elle qui en décide !


                                • armand armand 25 avril 2010 18:03

                                  Jourdan,

                                  Je plaide coupable pour Beauvoir - seulement elle se donnait un genre passe-muraille qui ne ressemble pas à celui qu’on lui fait endosser dans le téléfilm en question.
                                  Pour Bourgoin, vous noterez que je ne lui reproche rien, en tant qu’actrice - seulement elle ne ressemble absolument pas à Adèle. Remarquez, elle n’est pas la seule (jeune) actrice incapable de se défaire des tics de langage et des attitudes spécifiques de la vingtenaire de l’an 2000.


                                  • verbre verbre 25 avril 2010 22:36

                                    Vu.
                                    Film nullissime. L’art de gaspiller du temps, du pognon, et de ramollir le cerveau.

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