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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Antechrist, déclaration de haine d’un génie possédé

Antechrist, déclaration de haine d’un génie possédé

 Vous avez tous entendu parler du dernier méfait de Lars Von Trier, Antichrist, dont les images trop souvent insupportables ont marqué la croisette et fait le tour de la blogosphère : il faut dire qu’entre l’excision de Charlotte Gainsbourg, l’éjaculation sanguine de Defoe faisant suite à des coups de burins bien sentis sur ses parties et la perforation de son mollet avec l’aide d’une pierre de meule, il y avait de quoi faire, le tout étant par ailleurs souvent montré par de gros plans dramatiques dont le seul but semblait être de nous faire détourner le regard de l’écran et de forcer le réalisateur, impuissant face à cette escalade insensée de violence qu’il ne contrôlait manifestement plus, à enfin arrêter le massacre.

 


Utilisant le film comme thérapie, et les spectateurs comme analystes, le patient danois n’aura cependant pas eu le courage d’attendre le verdict des spectateurs, partant avant la fin de la projection. Cette fuite un peu lâche ne nous aurait cependant pas étonné si nous avions assisté à la conférence de presse donnée le matin même, où le réalisateur n’hésita pas à montrer d’entrée de jeux ses cartes : « je n’ai fait ce film que pour me prouver que j’en étais capable, et je n’ai de comptes à rendre à personne, surtout pas au public. »

Soit. Si l’on entend souvent ce discours de la part de nombreux auteurs, et qu’il se justifie pleinement lorsqu’il est utilisé pour défendre une certaine audace et radicalité cinématographiques, il reste cependant qu’il ne passe pas dans ce cas précis, alors même que Antichrist est à bien des égards l’œuvre de maturité de Lars Von Trier et peut-être même celle de l’aboutissement de sa carrière.

Grand artiste, génie plastique, excellant dans la direction d’acteurs, Lars Von Trier semble être en effet arrivé à synthétiser l’ensemble de ses expériences visuelles et techniques tentées ici et là dans ses films passés, arrivant à une première partie de film qui ressemble beaucoup à ce que l’on pourrait appeler « le film d’une vie », un vrai chef d’œuvre. Jamais n’avait-il poussé aussi loin l’intégration de ses effets visuels dans la trame, jamais la vidéo et le 35 n’avaient été si bien mariés, jamais ses acteurs n’avaient été aussi justes et ses choix visuels aussi bons, et les décors appropriés. Tout semble parfait. Et pourtant.

Tirant les conclusions de ses expérimentations visuelles, techniques et idéologiques de Dancer in the Dark et de Dogville notamment, Lars Von trier aurait donc pu nous offrir son chef d’oeuvre ultime que nous étions en droit d’attendre de lui depuis longtemps. Mais alors que tout tend vers cette « perfectio » (achèvement), c’est par l’idéologie, ou plutôt la pathologie, que tout s’effondre et devient insupportable, voir risible. Car à trop vouloir prendre son pied en accablant ses personnages et le spectateur, Lars Von Trier finit lui-même par perdre l’équilibre et rendre son film irregardable.

Les scènes gore, crues au possible, se multiplient à mesure que le film avance sans que rien ne vienne les justifier, si ce n’est un final visiblement bidouillé à la hâte pour tenter d’introduire une intrigue lynchéenne sous-jacente, que le réalisateur ne tentera cependant même pas de défendre face aux médias tant la ficelle est grosse.

De fait, dans Antichrist et contrairement à ses autres films, Lars Von Trier a très vite fait de rendre accessoires toutes les explications sociologiques ou même métaphysiques des débordements de violence insensés qui peuplent son film, montrant son côté le plus primairement haineux dès l’arrivée du couple de protagonistes dans les bois, leur faisant subir épreuve sur épreuve, douleur sur douleur, ne prenant plus même la peine de cacher sa féroce hantise du genre humain et des relations hommes-femme, hantise que l’on devinait déjà dans ses précédents films, rendant leur vision dérangeante à certains égards, mais qui s’était toujours trouvée limitée par un cadrage narratif, ou tout du moins formel qui l’empêchait de détruire l’œuvre en en devenant le sujet de façon trop apparente.

Faire souffrir et en jouir... sans prendre plaisir

Dans Dogville déjà, Lars Von Trier filmait la descente aux enfers de Nicole Kidman, violée, torturée esclavagisée et ne trouvant d’autre solution que d’ordonner l’extermination de tout son village un déluge de violence tel qu’il en devenait fantasmatique, surréaliste. Mais la courbe scénaristique (une montée précédait la chute) et la forme avant-gardiste et brillante du film réussissaient à faire oublier une vision extrêmiste et quelques peu nauséabonde de la société et de l’humanité, vision qui n’était d’ailleurs pas soulignée par des scènes de violence de la mesure de Antichrist. Dans le cas de Dancer in the Dark, où Lars Von Trier s’attachait à mener pas à pas à l’échafaud une aveugle innocente qui n’avait d’autre tort que celui de vouloir sauver son fils, le réalisateur danois ne semblait pas non plus vouloir laisser un quelconque espoir aux spectateurs, détruisant peu à peu tout ce qui pouvait s’apparenter à une force de vie, esquissant une condamnation sans nuance de tous les humanismes et de la vie elle-même, condamnation pourtant encore suffisamment peu assumée pour sauver le film et permettre à la critique de saluer son génie.

Mais cette obsession constante, qui jusqu’ici était plus ou moins dissimulée, explose ici dans toute sa pureté et finit par rendre insoutenable un film qui ne semble avoir d’autre raison d’être que la volonté de l’auteur d’exorciser ses terribles souffrances en faisant subir à ses personnages et aux spectateurs d’horribles châtiments.

Ne trouvant son salut que dans la destruction de tout plaisir (même dans le sexe), de toute forme de vie dans les personnages qu’il mène inexorablement au purgatoire, Lars Von Trier se fait malgré lui le porteur d’une idéologie insupportable et manichéenne qui contraste avec la fragile ambition qu’il affiche, à savoir se libérer du fardeau de la dépression qu’il porte depuis toujours. Cette vision profondément noire du genre humain qu’il nous inflige, autrefois contrebalancée par son indéniable talent et surtout par ce qui apparaît rétrospectivement comme un intense effort pour ne pas la laisser l’envahir complètement, investi Antichrist et nous touche de plein fouet. Devenus dépotoirs plus que thérapeutes, le film et le spectateur ne bénéficient d’aucune clémence et subissent un déchainement de violence absurde et décousu que le danois, lucide, fini par assumer sans le justifier.

Mais en mutilant ses acteurs, LVT mutile le genre humain, lui fait part de sa détestation la plus sordide, la plus totale. A l’opposé de Nietzsche (à qui il a emprunté le titre du film) et de Bergman, dont il se revendique pourtant l’héritier, Lars Von Trier abandonne l’humanité et les forces de la vie pour se plonger dans les limbes de ses obsessions haineuses, morbides et antédiluviennes (les femmes seraient la réincarnation de Satan...) éloignées de ses contemporains et de tout propos artistique.

 « Ce film a été fait par la main de dieu », dit-il. Eut-il été inspiré par Dieu plutôt que par ses psychoses que la donne ne s’en serait pas vu affectée : le danois, en décidant d’aller jusqu’au bout de ses obsessions sans se mettre aucune limite, a rompu le fragile équilibre qui alimentait son œuvre et s’est laissé posséder, accouchant d’un film excessif, peu inspiré... et profondément inhumain.


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7 réactions à cet article    


  • LE CHAT LE CHAT 3 juin 2009 14:13

    c’est du Lars ou du cochon ? en tous cas , il taille dans le lard !


    • chria chria 3 juin 2009 14:46

      Au moins il aura réussi à vous dégouter, c’est déjà ça...


      • David Meyers 3 juin 2009 14:59

        Oui bon le cinoche a été pris en otage par

        des pseudo intellectuels qui font des films chiants que d’autres pseudo intellectuels font semblant d’admirer

        des marchands de pellicule qui sacrifient les scénarii au profit de bling bling clipo vidéo débile à gros budget

        Ces deux mêmes extrêmistes qui sont protecteur de Hadopi et de ses suites liberticides


        • La Parafe La Parafe 3 juin 2009 15:32

          Le titre exact, c’est bien Antichrist (cf le titre de l’article)...


          • franck2009 3 juin 2009 22:23

            Choisir Charlotte Gainsbourg pour principale actrice....puis qu’elle réussisse à avoir la palme à Cannes aprés Pascal Duquesne..... :)......il y a une cohérence .


            • Butters Butters 3 juin 2009 23:25
              Antechrist, déclaration de haine d’un génie possédéfoutait la paix a dieudo serieux... 

              • étudiant prostitué 4 juin 2009 01:50

                Ces fiottes de critiques dégénérés voudraient imposer leur vision morale à deux balles, à leurs veaux suiveurs.

                Ils veulent tuer, stigmatiser, isoler, diaboliser le gêneur, l’artiste, le visionnaire qui a le don de nous forcer à regarder la réalité et le fond des choses en face quand partout ailleurs règnent mensonges, tabous, refoulements, lâcheté névrotique, raccourcisions conformistes, trucage des apparences et valeurs artificielles.

                Ce n’est que du cinéma, de la tricherie et du vent comme eux, alors si d’aucuns ne peuvent même pas voir et empêche même de voir, c’est grave.

                Ils n’ont qu’à faire médecine pour se rendre plus utiles au progrès, mais ils n’en ont certes pas les moyens.

                L’humanité va bientôt se scinder entre ces pleutres enfermés dans leurs illusions dues à leurs pulsions primitives et leur conditionnement de sociétaires soumis d’une part, et les nouveaux êtres évolués d’autre part, qui auront su franchir le seuil de tous ces interdits masquant et leurrant.

                Le hic c’est que les premiers qui se targuent d’être les apôtres et chantres de l’« humanisme », vont se sentir obligés de censurer, tuer et exterminer les seconds, en tant qu’hérétiques et subversifs néfastes à leurs business et leurs situations de rente...

                Une guerre éternelle.

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