« Ballades avec Brassens » 2019
Notre bon moustachu est de retour. Sans sa pipe – hélas ! – qu’il a cassée en 1981 en plongeant dans le désarroi le cercle de ses amis proches ainsi qu’une foule d’anonymes, soudain sidérés par cette disparition et le vide béant qu’elle laissait dans la culture française. De retour également sans le soutien du talentueux Pierre Nicolas, ce fidèle compagnon de 30 ans* disparu en 1990. Mais n’en doutons pas, les mânes du poète et du contrebassiste seront bien présents sur les différentes scènes des « Ballades avec Brassens » 2019. Elles auront lieu cette année à Saint-Quay-Portrieux (Côtes d’Armor) le dimanche 8 septembre, précédées de deux concerts le vendredi 6 et le samedi 7…
Depuis 2004, ce rendez-vous est devenu incontournable pour de nombreux nostalgiques de Brassens, et pas seulement pour les amis bretons – musiciens, chanteurs ou simples spectateurs – du plus illustre des anarchistes sétois et des résidents estivaux de… Lézardrieux où Brassens se plaisait à contempler de son jardin les eaux du Trieux**. On comptera en effet à Saint-Quay-Portrieux, outre les Bretons, des artistes du Val de Loire, de Normandie et de la région parisienne. On pourra même voir des Suisses en scène, nous informe Ouest-France. Organisée chaque année – en alternance à Rennes et dans une ville des Côtes d’Armor –, la « Ballade avec Brassens » s’est mise au pluriel pour cette 15e édition balnéaire, la côte du Goëlo ayant pris le relais de Saint-Brieuc après la défection de cette ville en 2017, faute d’un soutien suffisant de l’union locale des commerçants. À la manœuvre, les membres de l’association « Le temps ne fait rien à l’affaire » qui ont repris le flambeau après ceux de l’association briochine « Les coquins d’abord », toujours sous la présidence de René Lorre, cheville ouvrière de ces « ballades » en territoire costarmoricain.
Comme lors des précédentes éditions, il y aura quatre scènes pour cet hommage gratuit à Brassens. À Saint-Quay-Portrieux, elles seront disposées aux abords du casino et de sa belle plage de sable fin. Comme le veut la tradition, toutes porteront un nom en rapport avec le répertoire de Brassens. À ce jour, les organisateurs annoncent la présence de 68 groupes totalisant a minima 220 artistes – tous amateurs – qui se produiront le dimanche 8 septembre. Chacun de ces groupes disposera de 15 minutes pour interpréter 3 chansons du poète sétois. Nul doute que la quasi-totalité du répertoire pourra être entendue par le public, et à plusieurs reprises pour les plus populaires des chansons de Brassens. Certaines, nous annonce Le Télégramme, seront même interprétées « en breton et en kabyle ». Et pourquoi pas en castillan pour celles qui ont été traduites et chantées de si belle manière par Paco Ibanez ? Une chose semble acquise : on devrait échapper au « schwyzerdütsch ». Plaisanterie mise à part, les 4 à 6000 spectateurs attendus devraient prendre un grand plaisir à retrouver leurs chansons favorites.
Pour l’heure, Météo-France nous l’assure : la journée de dimanche s’annonce ensoleillée. « L’orage » ne devrait donc gronder que sur scène et « Le parapluie » n’être nécessaire que pour servir d’ombrelle. Organisée, avec l’aide de la municipalité de Saint-Quay-Portrieux et de quelques partenaires locaux, par de nombreux bénévoles, cette sympathique manifestation devrait être ce qu’elle a toujours été depuis sa création : avant tout une fête populaire à l’ancienne, avec ses buvettes, ses galettes-saucisse, ses bolées de cidre, et ses animations pour les gamins. Une fête populaire à des années-lumière des concerts formatés et des productions rigides qui bénéficient des meilleurs relais médiatiques.
À Saint-Quay, comme à Rennes ou naguère à Saint-Brieuc, tout se fera en effet à la bonne franquette dans une ambiance musicale permanente allant des accents joyeux de « La femme d’Hector » jusqu’à la triste évocation de « Bonhomme », en passant par « Les trompettes de la renommée », « La mauvaise réputation » ou la « Chanson pour l’Auvergnat ». Dès midi et jusqu’à 18 h 30, les artistes amateurs présents rendront hommage au regretté moustachu. Ils le feront, comme toujours, avec une grande sincérité, et pour nombre d’entre eux avec un réel talent. Certains se montreront très fidèles à la musique et au phrasé de Brassens. D’autres lui apporteront, ici une touche expérimentale, là des accents jazzy, ailleurs une coloration créole, voire reggae. Il se pourrait même que l’on entende chanter quelques titres a cappela.
Avec tous ces artistes en scène, l’on ne manquera pas de sourire en se remémorant « Les funérailles d’antan », on poussera un soupir de nostalgie sur « La marine », on frissonnera d’horreur avec « Le verger du roi Louis », on prendra fièrement de la hauteur avec « Les oiseaux de passage », on sera émus en écoutant « Le vieux Léon », on chantera en chœur « Les copains d’abord », on se moquera des pandores en savourant l’irrévérencieuse « Hécatombe », on versera une larme à l’évocation du « Pauvre Martin », on se rappellera les occasions perdues de notre jeunesse avec « Les passantes », et l’on applaudira sans réserve la très belle « Supplique pour être enterré à la plage de Sète ».
À noter qu’en préambule à cette journée des « Ballades avec Brassens » sera donné le vendredi 6 septembre à 18 h 30 au casino un apéro-concert gratuit de Ladybug N’Co – un groupe de talentueux récidivistes – qui sera largement consacré à un hommage au poète sétois. Le lendemain, samedi 7 septembre, ce sera le tour de Rodolphe Raffali et de son jazz manouche au Centre des Congrès (prix de l’entrée : 12 euros). Là aussi l’hommage à Brassens sera de rigueur.
Bien qu’absent physiquement de Saint-Quay-Portrieux durant ces trois journées dédiées à sa mémoire, Georges Brassens sera, n’en doutons pas, présent dans toutes les têtes, et sa musique sur toutes les lèvres. Et c’est lui-même qui, d’ores et déjà, parle le mieux de ces « Ballades avec Brassens » devenues, dans l’Ouest, l’incontournable rendez-vous des très nombreux amoureux de l’univers poétique du chanteur disparu : « Ça vous met la joie au cœur, la peine aussi, et c’est bon. »
* Georges Brassens et Pierre Nicolas se sont rencontrés en 1952 à Montmartre dans le cabaret de Patachou. Hasard de l’histoire, le contrebassiste était né en 1921 et avait vécu sa petite enfance dans l’impasse Florimont où le chanteur s’est installé en 1944 dans la petite maison de Jeanne Planche, la « Jeanne » de sa très émouvante chanson éponyme.
* Brassens a possédé à Lézardrieux une maison dont le jardin donne sur les eaux de ce charmant fleuve côtier costarmoricain. Il prenait plaisir à y recevoir des amis en période estivale et à écrire dans la quiétude du lieu.
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