« Bernadette de Lourdes » Le Spectacle Musical, sous lumière céleste, de Paris vers Broadway
Alors que le 12 février 2018 débutait la carrière médiatique de ce spectacle musical grâce à un showcase organisé dans la chapelle du Val-de-Grâce, c’est pourtant seulement 5 années plus tard que, pour 5 représentations au Dôme ex Palais des Sports, le public parisien allait pouvoir enfin apprécier ce projet artistique ayant été programmé, dès l’origine, pour une montée en puissance selon des étapes bien calibrées de Lourdes à Paris en passant par une prochaine tournée hexagonale & internationale en perspective de Broadway... avec d’ores et déjà en bonus plusieurs représentations supplémentaires ajoutées pour juin 2024... de nouveau au Dôme de Paris.
C’est donc ainsi que les cinq principaux chanteurs comédiens (Eyma Scharen, Sarah Caillibot, David Ban, Christophe Héraut, & Gregory Deck) étaient déjà présents dès la prise de contact initiale au Val-de-Grâce avec leur présentation de quelques extraits emblématiques comme « Aquero » et « Allez dire ».
C’est bien entendu déjà Eyma, âgée alors de 16 ans, qui incarnait Bernadette Soubirous avec toute la candeur parfaitement maîtrisée indispensable à cette interprétation de la jeune bergère à la fois fascinée et déterminée par sa destinée mariale.
Mais, précisément, celle-ci ne sera pas en mesure de nommer ou d’interpréter le sens des 18 apparitions successives, à partir du 18 février 1858, dont elle affirmera avoir été témoin et même sujet d’un choix électif sans raison réellement signifiante.
C’est pourquoi le spectacle synthétisera ce phénomène inexpliqué en l’intitulant « Aquero », c’est-à-dire « Celle-là... » en patois.
Tout le mystère de cette représentation théâtrale va se déduire de ces prémices qui feront de Bernadette une porte-parole divinatoire sans qu’elle ressente le besoin de justifier ses dires autrement qu’en rapportant aux autorités qui l’interrogeaient les désidératas de l’Apparition céleste...
A aucun moment ne sera franchit le pas religieux ou même transcendantal qui ne saurait appartenir à la jeune fille de 14 ans alors que celle-ci mettra un point d’honneur à ne transmettre, face aux forces coercitives de dénégation à la fois familiales et institutionnelles, que ce qu’elle aura vu et entendu.
Il s’agit donc bel et bien de l’histoire de Bernadette Soubirous avec son père, sa mère et ses deux sœurs au sein d’une famille extrêmement pauvre sur laquelle les événements de la grotte de Massabielle vont avoir de considérables répercussions.
Ainsi le livret musical composé par Grégoire sur des textes de Lionel Florence & Patrice Guirao reprendront, un à un méthodiquement, les diverses facettes du psychodrame sociétal déclenché par la succession des apparitions d’ « Aquero » avec son souhait persistant d’élever une chapelle près de la grotte afin d’en faire un lieu de rassemblement universel.
Entre une mère effarée par les rumeurs pouvant susciter la destruction de la cellule familiale tout en implorant que sa fille se rétracte, un père tout aussi désemparé mais prêt néanmoins à croire sa fille adorée, des sœurs quelque peu envieuses de la notoriété acquise par leur aînée, des enquêteurs et autres responsables administratifs, politiques et ecclésiastiques entraînés dans les affres du tourbillon idéologique avec des conflits d’intérêts surgissant de toute part, Bernadette restera imperturbable dans ses déclarations toujours fidèles à rapporter le « factuel » dont, malgré la foule des pèlerins convoqués, elle restera la seule témoin et dépositaire de la parole mariale.
Pour ensuite passer d’Aquero à Marie, il n’y aurait eu qu’un pas mais ce sera pourtant l’obstacle principal à franchir pour fédérer les multiples expertises sur un accord que les diverses autorités finiront néanmoins par admettre... mettant du même coup fin à la saga personnelle de Bernadette à Massabielle.
Tout le processus de reconnaissance collective aura été basé sur la parole d’une adolescente inspirée par un idéal qui la dépasse en se faisant le relais d’une force mystique irradiante pour valider un contrat moral entre l’indicible et le prosaïque.
Convaincus de l’énergie tellurique du message et de son magnétisme spectaculaire, les producteurs Eléonore de Galard & Roberto Ciurleo ont mis en place un dispositif vertueux devant entraîner le concept de perfection vers l’absolu dans tous les domaines de la réalisation artistique pour aboutir à une panoplie du dépassement de soi, de volonté humaniste, de transgression vers le merveilleux, de mélodies lancinantes qu’au bout de la chaîne créatrice les interprètes incarnent avec une évidence tellement naturelle que sa puissance fédératrice n’aurait d’égale que son impact sur le public.
Nous en voulons pour preuve le charisme intuitif d' Eyma imprimant sur son personnage insaisissable par ses proches et tous les scrutateurs du comportement, une sorte d’angélisme déterminé à ne laisser quiconque saborder son rôle d’influenceuse sans aucune borne infranchissable.
Sa voix limpide au-delà de toute mue qui serait malvenue, transgresse allègrement l’ensemble des contraintes techniques que l’on imagine pléthoriques pour parvenir au miracle d’être à la tête d’un chœur où chaque rôle joue et chante sa partition en fusion avec les ailes invisibles qui les portent tous vers un au-delà divin mais si proche d’Aquero !
Au Dôme de Paris, la grotte représentée à l’identique, selon une échelle à 80% de ses dimensions réelles, suscite un réalisme dont l’esthétique procure un sentiment d’authenticité et dont l’imaginaire s’empare pour conforter l’empathie et la bienveillance face à une « persévérance éthique » sans faille, véritable enjeu de cette Comédie musicale sans la moindre chorégraphie et mise en scène sur le tempo de la persistance par Serge Denoncourt.
Le public est fasciné par la qualité des voix et la puissance musicale qui peut, notamment, rendre poignante les supplications d’une mère prônant le reniement dans la chanson « Ma Fille ». L’argumentaire pousse en effet chacun, de façon souvent contradictoire, à penser contre soi-même de façon à s’élever au-dessus des contingences terre à terre et le souffle musical, en stand-by récurrent, est sollicité en permanence pour prendre l’envol nécessaire afin de se hisser bien au-dessus du spéculatif rationnel.
Ainsi, quand le père s’interroge humblement sur ce que sa condition de n’être qu’un homme, avec son cortège de faiblesses et de lâchetés, pourrait contrarier la mission de sa fille dont il a, par ailleurs, beaucoup de mal à comprendre les modalités, apparaît ainsi en creux le questionnement introspectif qu’il va lui falloir surmonter de manière vitale... pour ouvrir grandes les portes d’un défi pouvant appeler à l’unisson, la foi et l’amour.
« Madame » fabuleux hymne dédié en miroir poétique se présente alors comme une prière destinée à la transcendance pour qu’elle demeure attentive au péril implicite de l’humanité qui, elle en retour, célèbre et respecte sa qualité de guide universel « Madame qui un jour m’avait élue... je vous bénis et vous salue ».
La boucle est ainsi bouclée, « Bernadette de Lourdes » avec plus d’une vingtaine d’artistes interprètes en osmose sur scène pourra enfin laisser la destinée miraculeuse se mouvoir de ses propres ailes sur orbite sidérale afin d’ aller dire en chœur, passionnément, au monde entier : « Ave Maria ! ».
photos 2 à 4, 6 & 7 © Laurent Attias / Huguette & Prosper
photo 5 © Mathieu Poirier
photos 1, 8 & 9 © Theothea.com
BERNADETTE DE LOURDES - **** Theothea.com - de Lionel Florence & Patrice Guirao - musique Grégoire - mise en scène Serge Denoncourt - avec Eyma Scharen, Sarah Caillibot, David Ban, Christophe Héraut & Gregory Deck ainsi que Inès Jeannet, Laure Giordano, Daniel Defilipi, Guillaume Muller, Cédric Pelzman & Damien Sargue... - Après Résidence à Lourdes, La Tournée, selon une quarantaine de dates 23-24, a débuté et se clôturera au Dôme de Paris.
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