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Ça ira (1) fin de Louis

Ça ira (1) fin de Louis, mise en scène Joël Pommerat, avec Saadia Bentaïeb, Agnès Berthon, Yannick Choirat, Eric Feldman, Philippe Frécon, Yvain Juillard, Anthony Moreau, Ruth Olaizola, Gérard Potier, Anne Rotger, David Sighicelli, Maxime Tshibangu, Simon Verjans, Bogdan Zamfir

Tournée en France

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Photo Elizabeth Carecchio

Au commencement, était la dette de l’État. Avec la dette, le discours du chef de l’État, la recherche du financement ou de la dissimulation de cette dette.

L’équipe gouvernementale arrive en costumes actuels. Un des premiers principes est donné d’emblée : le spectacle parle de la Révolution, le spectacle parle de nous aujourd’hui. Ou bien, le passé ne passe pas, il reste et stagne ; ou bien, la dette actuelle est un bon point de départ pour une révolution, prenons modèle.

Rapidement, on entend des applaudissements dans la salle. Après un moment de surprise et de doute (dois-je applaudir aussi ? Sommes-nous comme à la télévision, à manifester accords et désaccords en immédiateté ?), je comprends qu’il y a des comédiens dans la salle. En effet, le spectacle se jouera tout du long dans une porosité permanent entre la scène et les spectateurs.

Nous sommes bien pris à partie, le public est considéré comme logeant dans le lieu de l’action, même s’il n’y participe pas plus que d’habitude.

L’idée mise en œuvre est claire : superposer, confondre presque, la période révolutionnaire de 1789 et notre époque.

Exit aussi les noms des protagonistes de la Révolution. Necker se nomme Müller, Sieyès Lamy… Ils n’ont pas non plus des noms d’hommes politiques d’aujourd’hui. Un entre deux.

Trois choses débordent, à mon sens, cette équivalence des époques :

d’une part, la technique vocale : les acteurs ont des micros, se battent pour prendre le micro, font taire les autres parce qu’ils ont le micro… (que Müller regarde sa montre ne change que peu de choses à l’affaire, mais micros/hauts parleurs, si)

d’autre part, la fonction du costume. Sous l’Ancien Régime, les costumes du peuple travaillant et ceux des nobles ne se ressemblaient pas. Les nobles tenaient à ce que leur noblesse saute aux yeux. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui, les riches s’habillent de qualité, certes, leurs vêtements sont plus neufs que ceux des travailleurs ou chômeurs, mais ce sont les mêmes. Pas de sans-culottes de nos jours !

enfin, la place des femmes. Les femmes ont dans ce spectacle la place qu’elles ont aujourd’hui. Pas d’histoire dans la lutte pour l’égalité des sexes. Cette égalité n’est pas dans les problèmes, elle est hors-discours.

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Photo Elizabeth Carecchio

 Ça ira (1) fin de Louis est une performance théâtrale. C’est une fête. Les personnages accourent de partout, il se passe toujours quelque chose, beaucoup de voix, beaucoup de mots, beaucoup de passions. Cependant, le plateau, immense aux Amandiers de Nanterre, est nu. Costumes gris sur fond noir. Fête théâtrale sans aucun apparat visuel ! Là, chapeau !

Dans ce prisme, (je ne critique pas le fait qu’il y ait un prisme, je n’adhère pas à ce prisme d’équivalence des époques qui me paraît conservateur) les acteurs de l’action politique sont figés dans leurs postures. Les événements qui se passent et qu’ils créent ne les transforment pas. Ce qui induit une certaine répétition des discours, un stéréotype des positions politiques.

Cette représentation de la Révolution manque, à mon sens, l’essentiel : comment les acteurs de 1789, les citoyens, les événements qu’ils créent et qui les dépassent, tissent peu à peu l’institution du gouvernement de nos affaires communes par la communauté de tous, sur qui se gouvernement s’applique. Comment la société se crée elle-même sans cesse en tant que société et prend conscience des obligations qui en naissent (obligation pris ici dans son sens initial du lien social, du latin ligare).

Cette conception tacite d’un temps figé fait revenir fréquemment les mêmes types de scènes : la difficulté de parler, l’envie d’en venir aux mains, l’interruption des discours par des invectives, avec ces agglomérats de députés autour d’une ou d’un des leurs qui tente de parler malgré l’empêchement dont elle, il est l’objet. Le son du spectacle, le tempo, le débit est toujours sensiblement le même, avec des ruptures par les scènes de la vie familiale de Louis.

Sur le même thème, j’ai un souvenir ébloui de Notre terreur monté par Sylvain Creuzevault où l’on ressentait pleinement cette indétermination fondamentale, matrice des événements révolutionnaires et de leurs acteurs, lesquels en étaient effrayés et fonçaient tout de même. Que le Bicentenaire de 1989 ait contribué à figer l’idée de la Révolution dans un passéisme glorieux type anciens combattants, c’est possible, néanmoins la vision de la Révolution portée par Ça ira (1) fin de Louis est tout aussi dogmatique et dans une certaine analogie conventionnelle avec l’esprit et les événements de notre époque. Ceci dit, c’est un authentique regard-recréation d’artiste et j’irai voir le numéro 2.

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Photo Elizabeth Carecchio
Louis et Marie-Antoinette

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