« Chagrin pour soi » concocté par Sophie Forte & Virginie Lemoine au La Bruyère
Le tandem d’écriture théâtrale constitué par Sophie Forte & Virginie Lemoine a, de toute évidence, réjoui les auteures elles-mêmes, au point de les convaincre que l’amusement ressenti devrait être largement communicatif au public.
Il faut dire que, depuis la création de leur pièce en Avignon off 2017, le succès ne se dément point et entraîne même actuellement des prolongations au Théâtre La Bruyère.
Davantage qu’autobiographique, le sujet en est essentiellement universel et intemporel car leur trouvaille est d’avoir imaginé, de manière conceptuelle voire spirituelle, leur personnage principal tout en le faisant incarner par un comédien valorisant sa prise de fonction tant sur le plan charnel qu’émotionnel.
Il s’agit donc du « Chagrin » se présentant avec toutes les prérogatives que l’on est droit de lui imputer selon les circonstances que chacun peut rencontrer dans l’existence.
Grâce à ce parti pris délibéré, place à l’imaginaire, à l’utopie, à la fantaisie qu’un réalisme de façade peut prendre en charge le plus sérieusement du monde.
Ainsi donc Pauline (Sophie Forte) se retrouverait d’un instant à l’autre, sans crier gare, dépourvue de mari à domicile car celui-ci aurait subitement pris la poudre d’escampette en allant voir si l’herbe était plus verte ailleurs qu’au sein du foyer conjugal.
La surprise est totale pour la jeune femme totalement désemparée par cet accident existentiel et néanmoins sentimental, réellement imprévisible jusqu’à ce jour.
Le désarroi lui tombant sur les épaules telle une masse insoutenable, voilà que sonne à la porte un individu bon chic, bon genre et surtout extrêmement convaincant de le laisser entrer dans l’appartement pour rapidement s’y installer sous la mission d’accompagnement de cette âme en peine qu’est désormais Pauline.
C’est ainsi que le Chagrin (Tchavdar Pentchev) aura pris officiellement ses quartiers de résidence avec l’assentiment interloqué de celle qui ne comprend toujours pas ce qui lui arrive.
A partir de cet instant, le rapport de forces qui va s’établir entre la victime abandonnée et le représentant du chagrin sera inévitablement inséré dans un conflit d’intérêts à la fois privés et professionnels.
En effet, d’une part, le chagrin personnifié est forcément entraîné à défendre son job et, d’autre part, Pauline, elle, a légitimement envie de rester libre de ses affects pour diriger sa vie.
Les deux protagonistes apprendront à négocier leurs forces spécifiques pouvant s’affirmer antagonistes mais toutefois, la coexistence prendra forme peu à peu jusqu’à même devenir plaisante.
Ainsi s’organisera un drôle de voyage fantasmagorique où de place en place, les satisfactions reprendront tour à tour leur apanage au point que le chagrin devrait, le cas échéant, faire amende honorable et s’éclipser. Mais qui, en définitive, finira par céder le terrain de prédilection à son alter ego, l’âme abandonnée ou le chagrin ?
Une troisième entité constituera le Tiers, payant de sa personne (William Mesguich ou Pierre-Jean Cherer) en multipliant les rôles, les fonctions et l’interface entre soi et l’autre ; sa mission sera en quelque sorte de représenter le monde tangible, garant d’une projection faisant lien avec la « vraie vie ».
Ainsi donc du « Chacun pour soi et le chagrin pour tous » il faudrait faire évoluer le modus vivendi en « Chagrin pour soi et tous pour Un(e) ». Ce qui, par la suite, pourrait fort bien se synthétiser en méthode pragmatique : « Aide-toi et le ciel t’aidera ».
photos 2 à 5 © Karine Letellier
photos 1 & 6 © Theothea.com
CHAGRIN POUR SOI - ***. Theothea.com - de Sophie Forte & Virginie Lemoine - mise en scène Virginie Lemoine - avec Sophie Forte, Tchavdar Pentchev, William Mesguich en alternance avec Pierre-Jean Cherer - Théâtre La Bruyère
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