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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Chloé Réjon, la « Lulu » de Stéphane Braunschweig

Chloé Réjon, la « Lulu » de Stéphane Braunschweig

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LULU
photo © Elizabeth Carecchio

De Nora à Lulu, Chloé Réjon trace un chemin de femme-enfant qui sied à Stéphane Braunschweig, en quête de continuité psychanalytique entre Ibsen et Wedekind.

Voilà que Nora qui, s’émancipant radicalement au terme d’une lutte intérieure d’avec ses tuteurs traditionnels, est désormais projetée dans une tragédie-monstre où elle est censée imposer sa loi aux fantasmes de tout exotisme.

En effet, du masculin au féminin va se tisser une toile libidineuse sur laquelle se projette en vrac toutes les pulsions du désir auquel Lulu entend soumettre son bon plaisir.

« I can get no satisfaction » pourrait cependant se psalmodier le leitmotiv ascendant des happenings successifs qui tentent d’enchanter le lupanar fantasmagorique de la femme devenue fatale, plus ou moins à son insu.

A l’instar de Sacher Masoch, obéissant à la nécessité littéraire de se soumettre au joug récurrent d’une posture féminine dominante, autoritaire et glaciale, Wedekind théâtralise la transgression de l’interdit en une fascination totalitaire à l’égard du sexe se résolvant inéluctablement dans l’anéantissement.

Paradoxalement cette pulsion de mort à l’œuvre universelle et intemporelle dans les relations humaines, apparaît, ici, sous une forme esthétique distanciée, ludique voire humoristique qui pourrait constituer le vade mecum du bon vivant… sans illusion sur son sort.

Toutefois, en faisant le choix de la version primitive réadaptée, in extenso et brut de décoffrage, d’emblée censurée à la publication en 1894, Stéphane Braunschweig a pris le parti d’une création de quatre heures incluant accomplissement et déchéance qui, après l’entracte, menace d’exténuer le spectateur tant celui-ci, d’abord porté par le nuage amoral des cycles luxuriants de l’imaginaire débridé et joyeusement meurtrier, est confronté dans un deuxième temps à l’abstraction morbide et sordide du sexe réduit à son réalisme organique, voire sanguinolent.

Des miroirs enjôleurs de Berlin aux bas-fonds de Londres, en passant par les néons voluptueux de Paris, la scénographie de la tournette sexuelle poursuit, ainsi, sa ronde lubrique mais essentiellement maléfique jusqu’à en broyer, par force centrifuge les cinglant comme des mouches, l’ensemble de ses prétendants au plaisir sans cesse escompté mais toujours frustré.

Surplombant les planches de ce jeu théâtral, un portrait de la belle hétaïre peint par l’un de ses amants, artiste transi d’amour exclusif et inconditionnel, sublime cet espoir de Nirvana en toisant, goguenard, sa descente aux enfers.

 

photo © Elizabeth Carecchio

 
LULU - ***. Theothea.com - de Frank Wedekind - mise en scène : Stéphane Braunschweig - avec Jean-Baptiste Anoumon, John Arnold, Elsa Bouchain, Thomas Condemine, Claude Duparfait, Philippe Faure, Philippe Girard, Christophe Maltot, Thierry Paret, Claire Rappin, Chloé Réjon, Grégoire Tachnakian & Anne-Laure Tondu - Théâtre de la Colline

 


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