Contre les enfants du millénaire
Les enfants du millénaire risquent de se réveiller avec la gueule de bois après la lecture de l’essai pamphlétaire de Marc Obregon, Contre les enfants du millénaire. Le sous-titre annonce la couleur également, Chroniques d’une chute perpétuelle. Le but n’est pas de cultiver la juste mesure, de participer au débat ou d’apporter sa pierre à l’édifice. Le but n’est pas non plus de tout détruire. Il est simplement de montrer qu’il n’y a rien. Rien à détruire car tout est faux. « Si grand remplacement il y a eu, c’est celui du réel. »
L'auteur n’a pas beaucoup de mal à révéler le règne du faux dans notre société car il n’y a même plus dissimulation. Le pouvoir lui-même joue sa propre caricature quand Macron célèbre son élection devant la pyramide du Louvre pour transformer de façon automatique tout opposant en complotiste. Le monde est une farce qui s’auto-célèbre et donc ne se cache plus. Marc Obregon manie la langue comme un fleuret, ce qui ne l’empêche pas d’assommer à coups de massue, pour nous faire sortir de notre confort où nous nous divertissons de nous-mêmes, « Tous égaux dans le tout à l’ego ». Tout ce qui nous entoure y passe : nos villes qui nient la cité ; nos corps qui ne connaissent plus la pesanteur et la mort ; L’Europe qui se pose en fiction finale ; nos jouissances qui sont désormais codées par la pornocratie ambiante ; nos divertissements qui ne sont que l’expression du syndrome Peter Pan cher à Agamben. La gifle qu’Obregon donne aux enfants perpétuels, hors-sol et sans ciel, nourris aux jeux vidéo, aux séries télévisées, est salutaire. « L’ère du je » est terminée !
L’outrance de Marc Obregon, qui n’est pas sans rappeler un certain Nabe, lui permet d’être vrai, dans sa chair, en évitant le piège de la dialectique du système mondial qui joue avec les mots et inverse les définitions. Contre les enfants du millénaire semble prendre davantage d’épaisseur et de poids à mesure que le monde devient sa propre caricature. Il n’a jamais été aussi démasqué qu’à l’heure où quelque crise sanitaire joue les troubles fêtes et le pouvoir se donne l’illusion tautologique d’être fort. Si Obregon manie l’outrance, ce n’est pas seulement pour la jouissance intellectuelle des adultes et le réveil brutal des enfants du millénaire, c’est aussi pour nous amener au poème. Tout le pamphlet y converge, nous cheminons ainsi de la colère à une sorte de dandysme qui est aujourd’hui sans doute une façon de sanctuariser dans sa chair une part de civilisation, et la réalité métaphysique de l’être.
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