Du tuba au bouzouki : des concertos… déconcertants
Tous les amateurs de musique ont en tête quelques-uns de ces concertos qui ont contribué à enrichir notre patrimoine culturel. Des concertos écrits principalement pour les instruments de l’orchestre classique, mais aussi pour l’orgue et surtout le piano, devenu dès la fin du 18e siècle l’alter ego de l’instrument roi : le violon. Le répertoire ne se limite toutefois pas à ces incontournables : on y découvre en effet que les compositeurs ont, depuis des siècles, voulu mettre en valeur bien d’autres instruments, parfois très surprenants...

Outre le violon et le piano, qui se sont taillé la part du lion en matière de répertoire concertant – concertos et symphonies concertantes –, il a été écrit de très nombreuses partitions pour le violoncelle, la flûte, le hautbois, la clarinette, la trompette, tous instruments de l’orchestre classique. Comparés à ces privilégiés, le cor, le basson, mais surtout la contrebasse et l’alto, également présents dans l’orchestre classique, ont été nettement moins bien servis, même si le grand Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) lui-même s’est attaché à mettre en valeur – et avec quel talent ! – les deux premiers, imité pour leur instrument, par Domenico Dragonetti (1763-1846) et Giovanni Bottesini (1821-1889), virtuoses de la contrebasse, ou par Franz Anton Hoffmeister (1754-1812), auteur de deux concertos pour alto et orchestre. Les timbales, grandes oubliées du répertoire, ont, quant à elles, dû attendre l’époque contemporaine pour bénéficier d’un rôle de soliste, grâce au compositeur et percussionniste américain William Kraft (né en 1923).
D’autres instruments ont, au fil du temps, été intégrés à l’orchestre, fut-ce de manière occasionnelle, voire le temps d’un concert. Parmi eux, le trombone, superbement mis en valeur dans quelques œuvres allant de Léopold Mozart (1719-1787) à Nikolaï Rimsky-Korsakov (1844-1908), et le contrebasson, longtemps délaissé avant d’être mis à l’honneur par le compositeur finlandais contemporain Kalevi Aho (né en 1949). Autre intermittente : la harpe, particulièrement chère au Bohémien Jan Křtitel Krumpholz (1740-1790), mais dont les deux partitions de référence sont incontestablement le magnifique concerto de François Adrien Boieldieu (1775-1834) et le merveilleux double concerto de Mozart où elle est associée à la flûte. Sans oublier la mandoline, superbement servie par Antonio Vivaldi (1678-1741) et Johan Nepomuk Hummel (1778-1837). Ou bien encore la guitare et le luth, autres instruments à cordes pincées, dont les partitions sont le plus souvent des transcriptions, à l’exception notable des compositions de Mauro Giuliani (1781-1829) et de Joaquín Rodrigo (1901-1999), auteur du très célèbre concerto pour guitare dit « d’Aranjuez ». Voisine du luth, la balalaïka elle-même n’a pas été oubliée dans les partitions de créateurs contemporains comme le Russe Sergueï Vassilenko (1872-1956) ou l’Estonien Eduard Tubin (1905-1982), contrairement au grand absent des répertoires : le banjo.
Poursuivant l’exploration de nouvelles sonorités concertantes, les compositeurs se sont également tournés vers d’autres instruments hauts en couleur : le saxophone, joliment mis en valeur par Alexandre Glazounov (1865-1936) ; le tuba, élevé au rang de soliste grâce à des créateurs comme les Britanniques Ralph Vaughan Williams (1872-1958) et Edward Gregson (né en 1945) ; plus méconnues du grand public, les ondes martenot, instrument électronique inventé en 1928 par Maurice Martenot, pour lequel plusieurs compositeurs ont écrit, notamment André Jolivet (1905-1974) et Marcel Landowski (1915-1999).
Plus marginaux encore, mais non moins surprenants, les concertos composés pour Christoph Willibald Glück (1714-1787) pour le glassharmonica (également appelé vérillon) et par Johann Georg Albrechtsberger (1736-1809) pour la... guimbarde, ce très modeste instrument populaire que l’on fait résonner dans sa bouche et pour lequel le compositeur allemand s’était pris de passion en réussissant à le transcender, associé à la mandore, dans de fort séduisantes œuvres. Ou bien encore le très joli concerto pour galoubet-tambourin du très talentueux Michel Corrette (1707-1795). Et que dire des concertos contemporains pour marimba (ou xylophone) de Darius Milhaud (1892-1974) et pour cymbalum de Détlef Kieffer ? Ou bien encore des partitions écrites par le Grec Anestis Athanasiou pour le bouzouki et par le Brésilien Túlio Augusto pour la gaïta, sans compter celle du percussionniste américain Anthony Di Sanza pour le darbouka.
D’autres instruments populaires ont eu droit aux faveurs des compositeurs, à commencer par l’accordéon auquel le Russe Nikolai Chaikin (1915-2000) a consacré un superbe concerto, imité plus tard par Richard Galliano (né en 1950). Quant à son cousin dans la famille des « soufflets » le bandonéon, c’est tout naturellement à Astor Piazzolla (1921-1992) qu’il doit d’être devenu concertant. Autre instrument populaire s’il en est, l’harmonica n’a pas été oublié, plusieurs compositeurs ayant écrit des œuvres pour lui, notamment Heitor Villa-Lobos (1887-1959) et Michael Spivakovsky (1919-1983). Mais l’un des plus anciens instruments populaires à avoir eu l’honneur d’être promu au rang de soliste est sans conteste la... vielle à roue (ou musette), grâce notamment à Joseph Bodin de Boismortier (1689-1755), Michel Corrette – encore lui ! – et l’immense Joseph Haydn (1732-1809).
Sans doute ce petit tour d’horizon rapide est-il fort incomplet tant les instruments sont nombreux et grande la curiosité des compositeurs pour les sonorités inhabituelles. Sans compter les défis, plus ou moins audacieux, que certains aiment à s’imposer. Mais aussi peu exhaustif soit-il, ce panorama montre que la musique est vivante et s’enrichit au fil du temps d’œuvres nouvelles, parfois étranges, souvent séduisantes, toujours intéressantes.
Quelques liens musicaux :
concerto pour mandoline en ut de Vivaldi (1er mvt)
concerto pour trombone de Léopold Mozart (2e mvt)
concerto pour harpe de Boieldieu (3e mvt)
concerto pour accordéon de Chaikin (2e mvt)
concerto pour marimba de Milhaud (3e mvt)
concerto pour bandonéon (1er mvt)
concerto pour harmonica de Spivakovsky (1er mvt)
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Galabru, on l'aime ou on l'adore !
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