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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « Festen » Sidération Familiale à L’Odéon Berthier

« Festen » Sidération Familiale à L’Odéon Berthier

Quand le Théâtre a rendez-vous avec le Cinéma, cette rencontre devrait se jouer « gagnant-gagnant » pourvu que le fond et la forme puissent s’y compléter en donnant à l’un et l’autre ce supplément de sens dont chacun des deux Arts serait en attente latente.

 

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FESTEN
© Simon Gosselin

  

Dans cette perspective, il est indéniable que la conception scénographique de son « Festen » donne, à Cyril Teste, beaucoup de pertinence à sa réalisation éminemment sophistiquée qui, non seulement, associe les techniques respectives du spectacle vivant et de l’audiovisuel mais les intrique au point de les dualiser en temps réel sous une exclusive entité.

Néanmoins, la véritable problématique est de savoir si l’une et l’autre de ces deux disciplines y perdent un peu voire beaucoup de leur spécificité ou de leurs prérogatives en s’associant à part entière et réciproque ?

Autant le dire tout de suite, la question restera sans réponse décisive à l’issue de la fascinante représentation de « Festen » aux Ateliers de l’Odéon Berthier.

Le spectateur est encore sous le choc de ce spectacle à l’esthétique polymorphe auquel tous les sens participent en contribuant à son atmosphère froide mais impressionniste induite par une multitude d’artifices se conjuguant au naturel complexe.

Mais, dans le même temps, la haute technicité de ce système global pourrait avoir paradoxalement empiété sur la profondeur abyssale des sentiments et ressentiments familiaux pourtant soulevés avec une intensité faramineuse.

 

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FESTEN
© Simon Gosselin

  

En effet vider, au détour d’une phrase d’un discours d’anniversaire célébrant la soixantaine paternelle, le sac de l’inceste familial, sans crier gare, plonge brutalement tous les convives dans un état de sidération à hauteur du secret bien gardé ou tout au moins à l’égal de son silence tacite jusque-là si bien partagé.

Ainsi les deux jumeaux, le frère et la sœur, auraient été les victimes d’un père paradoxalement si soucieux de la réputation de sa dynastie, dans le cadre de cette demeure prestigieuse de la haute bourgeoisie acquise depuis près de quarante-cinq ans.

Mais qui plus est, le récent suicide de Linda s’avère être la principale pièce à conviction que Christian souhaite clamer haut et fort afin de pouvoir libérer sa sœur, au-delà de sa vie brisée, des chaînes fantomatiques la rattachant à ce passé indélébile et fondamentalement coercitif.

Car, bien sûr, le déni était, jusque-là, le dernier rempart bien ancré au sein du patrimoine mémoriel que chacun contribuait à maintenir à sa façon avec la complicité de l’épouse et mère au sommet de la défense maritale protégeant l’ensemble de la pyramide généalogique.

Et bien malgré la formulation à voix distincte de ces mots d’accusation radicale, l’absence générale de réaction semble n’être que la seule manifestation en écho à cette révélation impossible à admettre.

Il faut dire que, quand la caméra filme en direct et en gros plan l’expression des visages se sachant ainsi scrutés, cela n’invite pas forcément à la libération des consciences même lorsque le virtuel impliqué par la vidéo est ici au cœur de la règle du jeu.

  

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FESTEN
© Simon Gosselin

  

C‘est pourquoi la dichotomie peut tranquillement s’installer sournoisement entre le texte de Thomas Vinterberg et les adaptations théâtrale, scénographique, olfactive, culinaire, florale, sonore… captées en direct live sous le focus implacable de la steadicam.

Tout se passe, alors, comme si les émotions étaient à leur comble, projetées sur grand écran surplombant le plateau mais qu’en même temps l’ensemble du dispositif technique venait à la fois en renforcer les stigmates tout en les édulcorant par cette diversité de transmission au public… quelque peu débordé par le trop-plein.

Il reste que domesticité et membres de cette famille évoluant dans un rituel tellement ordonné, à l’image d’un héritage socioculturel très classe à préserver coûte que coûte, semblent se prêter au sacrifice suprême que seuls des damnés en puissance peuvent avoir la volonté de perpétuer… jusqu’à l’implosion.

Ce spectacle serait ainsi à considérer comme une démarche expérimentale permettant de pousser l’âme humaine, par l’exacerbation, jusque dans ses retranchements ultimes afin d’observer les éventuels points de rupture.

Souhaiter y associer Théâtre & Vidéo pour parvenir à forcer les témoignages tentant de relever ce défi apparaît comme une cohérence qu’au pire les spectateurs de Festen ne peuvent démentir mais qu’au mieux ils peuvent apprécier comme une réalisation ambitieuse, tellurique et poignante.

  

Photos 1, 2 & 3 © Simon Gosselin  
photo 4 © Theothea.com
    
FESTEN - ***. Theothea.com - de Thomas Vinterberg & Mogens Rukov - mise en scène Cyril Teste - avec Estelle André, Vincent Berger, Hervé Blanc, Sandy Boizard ou Marion Pellissier, Sophie Cattani, Bénédicte Guilbert, Mathias Labelle, Danièle Léon, Xavier Maly, Lou Martin-Fernet, Ludovic Molière, Catherine Morlot, Anthony Paliotti, Pierre Timaitre, Gérald Weingand et la participation de Laureline Le Bris-Cep - Théâtre de l'Odéon Berthier

  
  

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FESTEN
© Theothea.com

  


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