Frank Hovart, le photographe qui a raconté la tristesse et la splendeur de Paris
Le noir et blanc de Frank Hovart est magique. Comme peu d'autres, il raconte l'atmosphère d'une rue ou d'un intérieur, les humeurs des sujets représentés, le temps de l'histoire. Dans tout cela, l'influence du film documentaire, un genre qu'il affectionnait, est évidente.
Une exposition exceptionnelle au château de Tours retrace l'œuvre du grand photographe d'origine italienne (Abbazia, 28 avril 1928 - 21 octobre 2020) dans les années 1950 à 1965. Une période de quinze ans pendant laquelle, entre l'Asie, Londres, Paris et la Belgique, il a affirmé une personnalité hors norme en tant qu'auteur de mode et photographe-reporter. Sa carrière débute à Milan en 1951 et se poursuit au Pakistan, en Inde et en Angleterre dans les années suivantes. Ses clichés sont publiés par de prestigieuses revues internationales et lui valent une participation à la célèbre exposition « The Family of Man », présentée au Museum of Modern Art (MoMa) de New York en 1955. Il s'installe à Paris en 1955, commençant à se faire remarquer grâce à ses photographies au téléobjectif, qui capturent des scènes d'une rare intensité et apportent sur les attitudes et l'atmosphère de la ville un regard très différent du romantisme mis en avant par les soi-disant "photographes humanistes". La même fascination que l'on retrouvera plus tard dans ses images de mode pour les magazines Jardin des Modes, Vogue et Harper's Bazar, ainsi que dans les clichés autour du monde réalisés entre 1962 et 1963.
Cette "cartographie introspective" (comme il écrit le commissaire de l’exposition, Virginie Chardin) est dessinée par des jeux de regards, des vies de prostituées, des spectacles nocturnes de mannequins qui donnent leur complicité au photographe, des corps mélancoliques et des troubles amoureux. Dans les années 1950, Hovart crée également plusieurs sujets sociaux pour Réalité, notamment sur la banlieue parisienne, Londres ou le Borinage. En 1956, à la demande d'un magazine américain dans le Paris by night, Frank Hovart se rend dans les coulisses du cabaret de strip-tease Le Sphinx, place Pigalle. Il érige les strip-teaseuses en maîtres du spectacle, en renvoyant à leur passive et pathétique solitude les spectateurs-voyeurs. Cette série lui vaut de commandes de Jour de France pour la rubrique intitulée “Soirées de Paris” avec de sujets sur Françoise Sagan et Bernard Buffet au théâtre des Champs-Élysées, Coco Chanel se cachant dans un escalier pour observer son défilé ou les spectateurs du Lido et des Folies Bergères. Les images de cette série seront rassemblées dans le livre de 1962 J'aime le strip-tease, aux graphismes étonnants de Jacques Plancherel. En 1957, Hovart obtient un engagement avec le magazine Jardin des Modes. Il travaille au Leica et en lumière naturelle. Bientôt, Frank Hovart devient le représentant d'un “reportage de style” dans la mode.
En 1962, le magazine allemand Revue lui propose de réaliser un reportage sur les grandes villes non européennes. Dans ce voyage, qui dura de 62 à 63, Hovart laisse libre cours à son inspiration et à ses obsessions profondes, rapportant l'une de ses œuvres les plus personnelles et les plus réussies. Plus tard, il expérimente les domaines de l'autobiographie photographique et du documentaire et ce n'est que quarante ans plus tard qu'il rassemblera dans un livre un livre autoédité avec une sélection de ses images de voyage accompagnées de notes écrites. C'est pourquoi des clichés en grande partie inédits sont présentés dans l'une des salles d'exposition.
Réalisée à partir des archives que le photographe a laissées dans sa maison-atelier de Boulogne-Billancourt, l'exposition comprend plus de 170 tirages d'époque et modernes et est accompagnée de documents et de publications originales, apportant un éclairage nouveau sur l'un des protagonistes de la photographie française et européenne. Elle comprend des clichés célèbres, mais aussi des photos moins connues et même inédites. Le panneau explicatif de l'exposition indique que tous les tirages ont été réalisés sous le contrôle de Frank Hovart ou du Studio Frank Hovart, représenté par sa fille Fiammetta Hovart.
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