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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > George Wyman, génial concepteur d’une œuvre unique

George Wyman, génial concepteur d’une œuvre unique

On le sait tous, la célébrité de certains créateurs est parfois basée sur une œuvre unique dont la notoriété franchit les frontières et suffit à inscrire le concepteur au panthéon des artistes de génie ou des visionnaires. Tel est le cas de George Wyman, peu connu en Europe, mais dont le nom reste attaché, aux États-Unis, à l’histoire de l’architecture de ce pays...

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Bradbury Building

Rien ne prédisposait le jeune George Wyman à marquer l’histoire du 1er art : l’architecture. Né à Dayton dans l’Ohio en 1860 de Gustavus J. Wyman et Ellen J. Rutledge, il prend pourtant, dès la fin de sa scolarité, le chemin du cabinet d’architecture de son oncle Luthor Peters où il se familiarise avec les techniques de la conception des habitations et des ouvrages d’art. Mais George Wyman ne possède pas les diplômes qui pourraient lui permettre de voler de ses propres ailes et de signer des créations personnelles : dans le cabinet de l’oncle Luthor, il n’est par conséquent qu’un employé parmi d’autres.

En 1891, George Wyman, attiré par le dynamisme de la Californie, décide d’aller tenter sa chance à Los Angeles. Il est embauché comme dessinateur au cabinet du jeune mais très ambitieux Sumner Hunt, de cinq ans son cadet. Dès l’année suivante, en 1892, Sumner Hunt est sollicité pour un ambitieux projet par Lewis Bradbury, un puissant promoteur immobilier ayant fait fortune dans l’exploitation minière. L’homme veut construire, sur un terrain du centre-ville, un édifice de prestige destiné à accueillir, sur cinq niveaux, des sièges sociaux et autres locaux d’affaires ou de commerce. Âgé et malade, Lewis Bradbury tient à faire de cet immeuble une réussite telle qu’elle perpétuera son nom dans le futur, bien après qu’il ait disparu. Le contrat est d’importance. Sous la houlette de Sumner Hunt, chacun se met aussitôt au travail.

Malheureusement pour Sumner Hunt, Lewis Bradbury n’est pas convaincu par le projet de l’architecte, manifestement pas à la hauteur des ambitions du promoteur car trop conventionnel, trop imprégné de l’air du temps. L’homme d’affaires se montre en revanche très intéressé par des croquis de George Wyman qu’il a pu examiner en visitant les bureaux. Tellement intéressé que c’est au dessinateur et non à l’architecte que Lewis Bradbury entend confier la conception du prestigieux siège social qui doit sortir de terre à l’angle de South Broadway et de la 3e rue. George Wyman craint toutefois, par manque de qualification et en l’absence de toute référence préalable, de ne pas être à la hauteur de la commande : il refuse dans un premier temps de s’engager dans l’aventure.

Or, il se trouve que George Wyman et son épouse sont médiums. Lors d’une séance de spiritisme sur une table dédiée à la communication avec l’au-delà et dotée d’un système d’écriture automatique, ils entrent en contact avec le très respecté frère aîné de George, Mark Wyman, décédé six ans plus tôt. Pressé de donner un avis, Mark se montre enthousiaste et convainc par écrit son frère qu’il connaîtra le succès grâce à ce projet. Rien ne prouve que l’anecdote soit véridique – pas même le fameux message entré plus tard en possession du petit-fils de George Wyman, l’éditeur de science-fiction Forrest J. Ackerman –, mais le fait est que George Wyman se ravise et donne son accord à Lewis Bradbury. Dès lors, il devient l’architecte du futur building.

 

De Blade Runner à The Artist

Si George Wyman a fait preuve d’imagination et d’un vrai talent pour concevoir le Bradbury Building, il n’est pas moins avéré qu’il a puisé une partie de son inspiration dans un ouvrage de science-fiction publié en 1887 : Looking Backword, d’Edward Bellamy. Peut-être avait-il sur sa planche à dessin quelques esquisses liées à cette lecture lors de la venue de Lewis Bradbury, ce qui pourrait expliquer l’engouement soudain de l’homme d’affaires pour le travail d’un simple collaborateur. Le livre mettait en effet en scène une civilisation utopique dans les années 2000 : il y était décrit un bâtiment commercial caractérisé par un vaste hall empli d’une lumière reçue non seulement des fenêtres situées sur les côtés de l’édifice, mais surtout d’un dôme de verre. Une vision futuriste qui rejoignait sans doute la volonté intuitive de Lewis Bradbury.

C’est très exactement ce que George Wyman décide d’entreprendre : créer un building doté d’un grand atrium destiné à servir de puits de lumière à travers une charpente d’acier et de verre. Comme dans le roman d’Edward Bellamy, il utilisera en outre des couleurs murales réfléchissantes et non absorbantes afin de diffuser le maximum de lumière dans l’atrium. Encore faut-il soutenir ce dôme de verre, lui conférer la solidité nécessaire sans nuire à la pénétration de la lumière. Rien de tel pour cela qu’une structure métallique, mais les aciéries américaines ne sont pas à la hauteur de l’ambition. Qu’à cela ne tienne, Lewis Bradbury ne regarde pas à la dépense et fait venir d’Europe les meilleurs aciers pour construire l’édifice et renforcer les fondations.

Le résultat est une merveille architecturale qui, depuis son inauguration en 1893, continue de ravir les visiteurs et de flatter la fierté des Californiens. On peut certes s’étonner d’un tel engouement en découvrant l’extérieur de l’édifice, construit dans un style bâtard – Néo-Roman pour les uns, Néo-Renaissance pour les autres – qui, habillé de brique et de terracotta, faisait fureur alors. Mais il suffit de franchir l’entrée du building et de déboucher dans l’atrium pour être subjugué par la splendeur du lieu. Sous le vaste dôme de verre et d’acier, éclairés par une généreuse lumière naturelle, ce sont en effet un escalier monumental, de magnifiques galeries et deux étonnants ascenseurs qui s’offrent à la vue du visiteur. Tout ici est d’une insigne beauté que la fuite du temps n’a jamais pu altérer : les balustres et les colonnes en acier ; les décorations de fer forgé réalisées en France ; les main-courantes, les plafonds et les revêtements muraux en bois ; les hauts-reliefs sculptés dans la pierre et les dallages de marbre belge des escaliers.

Le Bradbury Building, beaucoup d’entre nous le connaissent, au moins partiellement, sans le savoir. Et pour cause : s’il a souvent servi de décor aux séries TV américaines, on peut également admirer cet édifice dans plusieurs films, et notamment dans Blade Runner de Ridley Scott et, plus près de nous, The Artist de Michel Hazanavicius (la scène de l’escalier). Des images du Bradbury Building sont en outre disponibles dans un court-métrage intitulé Los Angeles plays itself.

Quant à George Wyman, on n’en a plus entendu parler. Malgré des cours d’architecture postérieurs à la réalisation de son chef d’œuvre et en dépit de la renommée que lui a valu le Bradbury Building, nulle construction d’envergure ou de prestige n’a plus été signée de sa main. Étonnant destin, non ? D’autant plus étonnant que c’est à un message de l’au-delà que l’on doit le joyau architectural qu’est le Bradbury Building. Après tout, il suffit d’y croire !

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Bradbury Building
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Bradbury Building

Autre article sur l’architecture :

Hundertwasser ou l’architecture conviviale (mars 2013)

 


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18 réactions à cet article    


  • jako jako 27 décembre 2013 10:50

    Merci Fergus, plutôt joli l’intérieur. Cela me rapelle le familistère de Godin


    • Fergus Fergus 27 décembre 2013 11:07

      Bonjour, Jako.

      Ah ! le familistère de Godin : un sujet que j’ai en projet pour un prochain article.


    • jako jako 27 décembre 2013 12:01

      Ce serait super merci d’avance, et bonnes fêtes à vous et votre famille.


    • Fergus Fergus 27 décembre 2013 19:58

      Bonsoir, Jako.

      Je vous souhaite également une excellente fin d’année et une Saint-Sylvestre festive et apaisée, loin du tumulte et des polémiques que connaît notre pays.


    • Kookaburra Kookaburra 27 décembre 2013 10:57

      Difficile de situer cet étrange édifice dans l’histoire de l’architecture. Avec la coupole et les ascenseurs, je pensais d’abord à l’Art Nouveau, mais non, ce n’est pas ça. Mais quelle fascinante histoire ! Merci Fergus.


      • Fergus Fergus 27 décembre 2013 11:09

        Bonjour, Kookabura.

        Merci à vous pour la visite. Le fait est que cet édifice est inclassable. Cela ne le rend que plus intéressant encore.


      • brieli67 27 décembre 2013 12:06

        Comme on se retrouve sur un air de GARDEN CITY

        ça ressemble aux vues de cour intérieure de QHS pharaonique marmor faux-bronze strass

        faisanderie républicaine de luxe réservée au gibier- de haute-volée et des perdreaux (et inversement)

        Tapie, Pasqua, Cahuzac, Guéant (père et fils) Sarkosy ( père, frère, fils, cousin, gendre, compagnon ....) liste à rallonge

         !! on vit une époque formidable !!

        nb : On ment pour se protéger et on prend les autres pour des demeurés. Moi, ça me fatigue. On ment dans le monde politique : voir Jérôme Cahuzac, le 4 décembre 2012 : « Je n’ai jamais disposé d’un compte en Suisse ou ailleurs à l’étranger. Jamais ». Il dit ça en nous regardant presque dans les yeux. Pas de honte pour dire le contraire et faire des aveux ensuite ? Le bonhomme est pourtant sain d’esprit puisque l’ancien ministre du Budget, radié du PS, aurait déclaré : « c’est moins grave de mentir pendant 15 secondes devant 57 députés que de mentir depuis un an sur l’état de la France, comme le fait François Hollande », c’est une déclaration de J.C. selon Le Figaro. On ment pour faire bonne figure ou même quelquefois pour nuire mais ça, c’est une autre histoire.


        • Fergus Fergus 27 décembre 2013 13:36

          Bonjour, Brieli.

          J’avoue ne pas voir le rapport entre le Bradbury Building et Garden City (merci pour le lien sur cet ahurissant établissement).


        • berry 27 décembre 2013 12:42

          Ca ne vaut pas le château de Chambord ou les monuments de la Renaissance en Italie, mais pour des ploucs américains, en 1893, ça devait faire son effet.
           


          • Fergus Fergus 27 décembre 2013 13:31

            Bonjour, Berry.

            Merci pour ce commentaire constructif et ces comparaisons pertinentes.

            Les « ploucs américains » : à rapprocher des ploucs français qui ont admiré l’architecture du Grand palais lors de son inauguration en 1900 !


          • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 décembre 2013 17:58

            J’aime l’intérieur ,au moins un batiment à visiter à LA ...(je déteste cette ville smiley ) .


            • Fergus Fergus 27 décembre 2013 18:13

              Bonjour, Aïta Pea Pea.

              Le Bradbury Building vaut effectivement nettement plus pour son atrium que pour son aspect extérieur assez peu séduisant. Quant à South Broadway, cette partie de la ville vaut surtout pour ses théâtres.


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 décembre 2013 18:24

              Colonnes en fonte ,beau travail sur le fer forgé ,ça me plait ...
              Quelques années plus tard ,avec l’art nouveau on atteindra des sommets .
              Pour LA ,c’est une ville ou je m’y sent mal ,mais en attente d’un autre avion dans l’aérogare ; j’y peut rien ...Tout le contraire de San Francisco .


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 décembre 2013 18:26

              « meme en » ...


            • Fergus Fergus 27 décembre 2013 19:20

              @ Aïta.

              « Des sommets avec l’Art Nouveau ».

              100 % d’accord avec cette affirmation. Avec un faible, en ce qui me concerne, pour l’architecture d’Otto Wagner et, en déco, le style Tiffany ou les illustrations de Mucha et de Steinlen.

              Bonne soirée.


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 27 décembre 2013 19:34

              Salut Fergus (oublié tout à l’heure smiley ) .
              Le premier mouvement total ,de l’architecture extérieure -intérieure jusqu’au « design » des objets courants ...Avant le « Bauhaus » .


            • olivier cabanel olivier cabanel 27 décembre 2013 19:24

              merci Fergus

              cette belle histoire m’en rappelle une autre...
              j’ai vécu en effet un histoire assez identique...
              mais l’aventure a tourné dans un autre sens.
              que je ne regrette pas, même si l’architecture continue a me passionner.
               smiley

              • Fergus Fergus 27 décembre 2013 20:08

                Bonsoir, Olivier.

                Voilà qui est intriguant...

                Même pour les non-spécialistes dont je suis, l’architecte - rencontre de l’art et de l’ingénierie - est un univers effectivement passionnant

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