Donné chaque année dans la mythique « salle dorée » du Musikverein de Vienne, le Concert du nouvel an, connu de tous les mélomanes de la planète, est indissociable de la capitale autrichienne. Ce traditionnel rendez-vous musical, servi par le prestigieux Orchestre philharmonique de Vienne, met principalement à l’honneur la famille Strauss dont les valses et les polkas permettent de débuter l’année dans la bonne humeur...
Organisé pour la première fois le 31 décembre 1939, le Concert du nouvel an est très vite devenu un grand classique d’une vie viennoise pourtant déjà riche en traditions. Dès 1958, il était diffusé en Eurovision dans les pays d’Europe occidentale. En 2013, diffusé depuis des années en Mondovision, sans doute aura-t-il approché le cap des 50 millions de téléspectateurs répartis dans près de 80 pays de tous les continents. Un étonnant record pour un concert classique dénué d’œuvres majeures.
Car le fait est que le programme, consacré principalement à des compositions de la famille Strauss, fait la part belle à de la musique légère destinée naguère à faire danser dans les salons bourgeois, mais également à la cour impériale et dans les salles d’apparat des cours princières, et cela sur des rythmes dont les origines sont à chercher dans les cours de ferme. Si Johann Strauss fils, le surdoué de la famille, se taille depuis des années la part du lion dans la programmation devant Johann Strauss père et son frère Joseph Strauss, d’autres compositeurs ont également souvent été à l’honneur. Parmi eux, un autre viennois célèbre, Joseph Lanner, et l’auteur d’opérettes Franz von Suppé dont les œuvres s’inscrivent dans la tradition musicale qui caractérise cet évènement où valses, polkas, quadrilles et galops sont omniprésents.
En réalité, le Concert du nouvel an se déroule en trois actes : une pré-répétition générale est donnée le 30 décembre ; la répétition générale suit le 31 décembre ; enfin vient le grand moment, le 1er janvier à 11 h 15 précises. Trois concerts payants dont le prix des places augmente de manière spectaculaire pour atteindre près de… 900 euros pour les meilleures places le 1er janvier ! Mais peu importe le prix à payer : on vient de très loin, et parfois des antipodes, pour assister à ce concert, comme en témoignent ici et là quelques kimonos japonais.
Le spectacle commence d’ailleurs avant même que ne soit donné le « la » par le premier hautbois comme le veut l’usage. La « salle dorée » du Musikverein (Der goldener Saal) offre en effet un incomparable écrin à ce Concert du nouvel an avec ses stalles en bois et ses dorures, ses grands lustres et les caissons peints de son plafond. Sans oublier le spectacle offert par les spectateurs eux-mêmes, tous rivalisant de chic. À cela vient s’ajouter, chaque 1er janvier, le superbe décor floral offert par la municipalité de la ville italienne de San Remo. Bref, toutes les conditions sont réunies pour que la fête soit la plus réussie possible.
La suite dépend de l’Orchestre philharmonique de Vienne et de son chef. Après que l’Autrichien Willy Boskovsky ait dirigé ce concert durant 25 ans s’est institué une tradition nouvelle, les musiciens du Wiener Philharmoniker choisissant eux-mêmes le chef appelé à les diriger pour le Concert du nouvel an. En 2008 et 2010, c’est le Français Georges Prêtre qui a connu cet honneur. En 2013, c’est un Autrichien qui a été choisi, Franz Welser-Möst*, par ailleurs directeur musical de l’Opéra de Vienne. Un choix particulièrement symbolique dans la mesure où la grand-mère de Welser-Möst possédait le Café Dommayer où Johann Strauss père fit entendre pour la première fois ses valses.
Tradition oblige, pas de révolution cette année dans le programme : une fois de plus, les Strauss ont été à l’honneur. Mais en cette année du bicentenaire de leur naissance, un hommage a été rendu à ces deux géants que furent Giuseppe Verdi et Richard Wagner, le premier sous la forme d’une musique de ballet extraite de l’opéra Don Carlo, le second par le biais de l’ouverture du 3e acte de l’opéra Lohengrin. Deux beaux moments. Après que les musiciens de l’orchestre aient, tous ensemble, souhaité la bonne année au public et aux millions de téléspectateurs, le Concert du nouvel an a pris fin, tradition oblige là encore, par les deux morceaux les plus attendus : Le beau Danube bleu, la plus célèbre des œuvres de Johann Strauss fils, suivi de La marche de Radetzky, de Johann Strauss père, soutenue par les battements de mains enthousiastes d’un public une nouvelle fois conquis.
Gutes und glückliches neues Jahr für Sie alle !
(Bonne et heureuse nouvelle année pour vous tous !)
* Franz Welser-Möst avait déjà été choisi en 2011.
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Bonjour Fergus, En fin d’après midi, sur Arte, hier, était donné le concert de fin d’année de la Fenice...des extraits là aussi... Ca change des si médiocres « prestations » musicales de piètres chanteurs si fort en cour qui colonisent les émissions de variétés...que je ne regarde pas puisque insupportables et à l’oreille et à la vue... Il est des musiciens, des interprètes remarquables et les entendre en pleine journée est bien agréable...
J’avais projeté de parler, parmi les concerts du Nouvel an qui se multiplient, de celui de la Fenice à Venise, mais j’ai complètement oublié. Merci d’y faire référence. J’ai moi aussi regardé Arte avec un grand plaisir. Et entendre ce genre de voix réconcilie en effet avec l’art vocal, si souvent maltraité par la variété et par des « artistes » sans organe ni talent.
PS : une petite remarque gentille ; « incontournable » est pour l’instant l’adjectif à la mode...on l’entend à tout bout de champ...ne pourrait-on dire ici « traditionnel » ?
Vous avez raison, on abuse du mot « incontournable », et moi le premier. Pour autant, il ne peut être remplacé par « traditionnel » dont le sens est moins fort, de nombreux évènements traditionnels n’ayant pas la puissance d’attraction suffisante pour que leur public habituel ne puisse s’en passer.
Bonne et heureuse année, Fergus. Mais il ne faut pas être dupe : 2013 sera très certainement une année difficile ...
Si j’apprécie depuis plus de dix ans le concert du Nouvel An dirigé cette année par un nouveau chef autrichien, celui diffusé par Arte depuis la Fenice hier soir, essentiellement consacré à Verdi, était très agréable à suivre aussi.
Une réserve : pourquoi ces danses aussi bien à Vienne qu’à Venise ? Je crois pas que cela apporte quelque chose.
Je vous présente également mes meilleurs voeux pour 2013 bien qu’il ne faille pas s’attendre, comme vous le soulignez, à un millésime spécialement joyeux.
Comme je viens de l’indiquer plus haut, j’ai moi aussi suivi avec beaucoup de plaisir le concert de la Fenice, très différent de celui du Musikverein. Dans les deux cas, les images de danse ont effectivement été les bienvenues.
Ah ! LE concert du Nouvel An, incontournable ! Je ne l’écoute plus...Les rites immuables et mondains finissent par lasser Je me suis mis un peu de Schubert intime
@Richard Schneider : 2013 ? je ne la sens pas non plus, mais pas du tout...
Très honnêtement, je préfère la programmation de Venise à celle
de Vienne. Mais je regarde quand même le concert du Musikverein, ne serait-ce
que pour le plaisir de pouvoir admirer cette superbe salle. Sur place, elle est
encore plus impresionnante, même sans les fleurs italienne du Nouvel an. En
mars dernier, mon épouse et moi y avons assisté à un concert Mozart donné par
la Staatskapelle de Dresde. Magnifique !
A savoir également concernant le
Musikverein : si les places des grands concerts sont chères (jusqu’à plus de
100 euros), ce qui est inévitable pour assister à la prestation d’un orchestre
de légende, il est possible d’acheter le jour même des places debout au
promenoir pour... 3 euros. Je crois que la même chose existe à l’Opéra de
Vienne.
Ah ! Schubert. Il y a deux jours, j’écoutais la sérénade du Chant du
cygne dans sa version piano et violoncelle par Claire Désert et Anne Gastinel,
à écouter ici,
interprété par Béatrice Berrut et Camille Thomas. Une merveille !
Lénifiant ? Le mot est assez juste. Quant à Welser-Möst, l’avenir dira s’il s’impose comme le grand chef qu’il aspire à être, à l’image de Simon Rattle à la tête du Philharmonique de Berlin depuis une dizaine d’années. Mais le fait d’être invité par le Philharmonique de Vienne est un gage de qualité. Il est vrai que Welser-Möst possède un avantage sur les autres chefs dans la mesure où il occupe la fonction de directeur musical de l’Opéra de Vienne d’où sont issus la plupart des instrumentistes de la Philharmonie.
Bonsoir Fergus, Les postes qu’il occupe démontrent davantage son sens des affaires que de la musique. Ici, du crin-crin de second ordre servie par un chef médiocre, à recommander aux insomniaques, un futur inévitable cd à rembourser par la sécu...
Welser-Möst semble effectivement être un homme d’affaires avisé, ce qui n’est pas forcément incompatible avec un sens aigu de l’excellence musicale. A cet égard, parler de « crin-crin de second ordre » me semble excessif. Si tel était le cas - et cela se dirait dans les milieux musicaux -, Welser-Möst ne serait pas aussi sollicité qu’il l’est par les grands orchestres. Même chez lui, en Autriche, le Philharmonique de Vienne lui tournerait le dos. Rappelons que Le Monde de la musique a classé cet orchestre symphonique au 1er rang européen devant le Concertgebouw d’Amsterdam et le Philharmonique de Berlin. Des formations qui ne peuvent se permettre de dégrader leur image en faisant appel à des seconds couteaux.
Par crin-crin de second ordre, je désignais les oeuvrettes présentées dans ce concert traditionnel. Ce sont des petites formes qu’il faut savoir faire mousser avec goût alors que Welser-Möst les alourdit faute d’idées et de parti pris : c’est sans ferveur ni punch. Parmi ses assez nombreux enregistrements, je n’en ai entendu qu’un seul qui vaille par exception totalement le détour, Lulu de Berg. Un grand chef a un plus assez indéfinissable qui lui fait dominer la musique, hypnotiser l’orchestre et même un très grand comme celui de Vienne peut sonner de façon totalement différente selon la direction. Quant à la carrière des chefs d’orchestre, elle dépend hélas plus souvent de la toute-puissance des agents artistiques imposant leurs conditions aux éditeurs de disques, aux responsables de la programmation des concerts que de la qualité réelle de leurs poulains. Ici comme ailleurs, ne vous laissez pas abuser par les fausses valeurs...
Les concerts du nouvel an se multiplient...sauf à Paris. En guise de concert de nouvel an, nous avons notre traditionnel concert de voitures incendiées. Désespérant....
Oui, ces cohortes de voitures incendiées sont désespérantes, et cela d’autant plus qu’elles pénalisent en tout premier lieu des gens modestes.
Pour ce qui est des Concerts du Nouvel an, Paris a effectivement choisi de ne pas en organiser, et ce n’est pas absurde tant la multiplication de ces évènements tend à les banaliser. La capitale préfère jouer à fond la carte d’autres types d’évènements comme la Fête de la musique, la Nuit des musées ou la Nuit blanche.