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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Ionesco, Bouquet, et l’agonie du Roi...

Ionesco, Bouquet, et l’agonie du Roi...

Je ne sais plus quel philosophe - antique - disait : « Que me fait la mort : là où je suis, elle n’est pas... Là où elle est, je ne suis pas... » ? Tout le problème se situe donc dans le passage de l’un à l’autre état, de la vie à la mort, et dans l’angoisse, souvent teintée de révolte, que cette perspective fait naître parfois en chacun de nous.

Ce thème fondamental de la réflexion philosophique (« Que philosopher, c’est apprendre à mourir. », écrivait Montaigne) n’aura sans doute jamais été aussi richement traité au théâtre, jusqu’ici, que dans la pièce d’Eugène Ionesco.

Le Roi se meurt, dont Michel Bouquet vient de nous donner une si magnifique interprétation. Dans le Royaume, tout se délite, tout se lézarde... Il y a des fissures dans les murs, quantité de toiles d’araignées, et le chauffage ne fonctionne plus... Autant de signes annonciateurs de la mort prochaine du Roi Béranger 1er. La reine Marie, sa seconde épouse, s’en désole et veut lui cacher la vérité. La reine Marguerite, sa première épouse, et le médecin s’accordent pour l’en informer, afin qu’il meure dignement... Mais Bérenger ne veut pas mourir. Il s’indigne, se révolte, supplie, cherche quelqu’un pour mourir à sa place. Marie essaie de le garder en vie par la seule force de l’amour, tandis que Marguerite, en initiatrice, l’oriente dans un rituel de passage vers le « Grand Rien » par la vertu d’un renoncement à tous les liens qui l’attachent à l’existence. Les deux femmes représentent deux philosophies de la vie, opposées, mais pas si antagonistes que cela en fin de compte, car elles sont comme les deux faces, inséparables, d’une même médaille, l’une encore visible, l’autre qu’on voudrait garder à jamais cachée...
C’est entre ces deux faces que se situe la dimension tragique de toute vie consciente... Le roi Béranger 1er - Béranger est le double permanent de Ionesco - n’est qu’un roi de théâtre, dont le reste d’existence n’ira jamais au-delà de la fin du spectacle... Ce roi-là n’a en rien la dimension d’un quelconque roi historique qu’il ne saurait évoquer : sur la scène, il n’est que le représentant de chacun de nous face à une agonie existentielle qu’il nous faut prendre forcément en compte un jour... Les personnages qui l’entourent - la reine âgée, la jeune reine, le docteur, la servante/infirmière, le garde - n’existent théâtralement que pour autant que le Roi est en vie. Après sa mort, ils disparaîtront, s’évanouiront, tout comme la conscience du personnage principal, dont ils ne sont que l’émanation.
Du Roi Béranger, Michel Bouquet donne une interprétation forte et très riche, naviguant sans cesse du grotesque au sublime, de la comédie à la tragédie. Tantôt pitoyable, tantôt ridicule, souvent pathétique, il alterne les mines d’affreux jojo et les « masques » si expressifs du théâtre extrême-oriental. Autour de lui, tous les personnages de sa cour sont excellemment interprétés par Juliette Carré (la Reine Marguerite), Lara Suyeux (la Reine Marie), Jacques Echantillon (le Garde), Jacques Zabor (le Médecin) et Nathalie Niel (Juliette). Le décor sobrement majestueux de Pace, les costumes signifiants de Pascale Bordet et les lumières de Jacques Puisais servent admirablement la mise en scène subtile de Georges Werler.

Henri Lépine

Opéra Théâtre Municipal Avignon - Amis du Théâtre Populaire - les 22 et 23 novembre 2005.


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1 réactions à cet article    


  • (---.---.83.56) 7 décembre 2005 11:59

    Le philosophe antique qui a fait ce commentaire sur la mort : EPICURE

    Cordialement. markof

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