« Je t’ai épousée par allégresse » avec Valéria Bruni-Tedeschi au Théâtre de La Madeleine

Traduit mot pour mot de l’Italien, le titre "Ti ho sposato per allegria" plonge au coeur des années soixante, le couple Giuliana-Pietro marié à Rome depuis à peine une semaine.
Cette décision nuptiale impulsive perturbe a posteriori le discernement de la jeune femme qui s’en confie à Vittoria (Marie Vialle, jeune comédienne fort prometteuse), sa domestique pleine de vivacité et de fantaisie.
D’emblée les personnages apparaissent décalés et laissent s’exprimer leurs pensées latentes au profit ou au détriment, question de point de vue, d’une approche déconstruite de la vie et des sentiments.
Feignant d’être persuadée qu’ils ne sont pas faits l’un pour l’autre, Giuliana cherche à lister les mauvaises raisons de leur union et tente de convaincre son partenaire de l’erreur fatale qu’ils ont commise à l’insu et contre l’assentiment supputé de leurs familles respectives.
Pleine de nonchalance lucide autant que de plénitude, Valeria Bruni-Tedeschi joue le désenchantement programmé, s’interrogeant sur l’avenir d’un engagement dont, Stéphane Freiss, en apesanteur enjouée, confirmerait le bien fondé : "Je t’ai épousée par allégresse" et cette perspective suffit à ma joie et à notre bonheur à venir.
Pour l’heure, sa mère (Edith Scob, cultissime) et Ginestra, sa soeur (Armelle Bérengier, béate de composition) sont attendues pour une visite tant redoutée au jeu de la vérité. Mais c’est paradoxalement, la confusion qui sortira gagnante de cette confrontation où les armes rationnelles vont être contraintes d’abdiquer faute de combattants :
- "Tu ne m’avais pas dit que ta mère était évaporée. Si elle n’était pas évaporée, elle serait insupportable... Par chance, elle est évaporée."
- "Pourquoi tu ne m’as pas raconté que tu t’étais fait psychanalyser ?", lui rétorque Pietro.
- "Il y a beaucoup de choses que je ne t’ai pas racontées... Au fond, nous nous connaissons si peu ! Nous devrions essayer de mieux nous connaître... " propose alors Giuliana.
Cette pièce de Natalia Ginzburg est pleine d’affects à fleur de peau, d’intuitions voilées en butte à l’impudeur du sentiment amoureux, confrontés aux sirènes subliminales du réalisme.
En évitant soigneusement le pléonasme artistique, Marie-Louise Bischofberger imprime à sa mise en scène un vent de folie douce amère aspirant le jeu des comédiens sous un typhon protecteur d’où ceux-ci peuvent se livrer corps et âme aux exaltations d’une subtilité confondante et surtout fort drôle.
affiche © Stéphane Rébillon
JE T’AI EPOUSEE PAR ALLEGRESSE - *** Theothea.com - de Natalia Ginzburg - mise en scène : Marie-Louise Bischof berger - avec Valéria Bruni-Tedeschi, Stéphane Freiss, Edith Scob, Marie Vialle & Armelle Bérengier - Théâtre de la Madeleine -
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