Jeanne, une pucelle très convoitée
C’est la foire d’empoigne pour le 1er Mai qui vient : Le FN s’est attribué la légende de Jeanne d’Arc, Sarko veut la récupérer, évoquant le « travail vrai », dans un esprit pétainiste, impliquant l’idée qu’il y aurait un « travail faux », et les syndicats veulent simplement continuer de commémorer le sacrifice de grévistes américains, morts ce jour là, pour défendre nos droits.

Il est probable qu’ils sont encore nombreux ceux qui ignorent aujourd’hui l’origine de cette manifestation, née à Chicago, à l’époque où se syndiquer n’était pas vraiment facile. lien
C’est en 1886 que le journal anarchiste « The Alarm » organisa un mouvement de grève en faveur de la journée de 8 heures, lequel fut suivi par 340 000 travailleurs, paralysant 12 000 entreprises dans tous les Etats-Unis. lien
5 ouvriers et 7 policiers y laissèrent leur peau.
Ces ouvriers ne voulaient pas « travailler plus pour gagner plus », seulement travailler moins pour gagner autant.
En 1890, Louise Michel et quelques autres descendirent dans la rue pour continuer ce combat dans les rues de Vienne, sous-préfecture de l’Isère, et un an après, l’armée tira sur la foule faisant 10 morts à Fourmies, dans le Nord (8 avaient moins de 21 ans). lien
Mais quid de Jeanne « la bonne Lorraine » ?
Nos livres d’histoire sont pleins de ces légendes qui veulent à tort que Napoléon ait été un homme respectable, au-delà de tout soupçons, alors qu’il avait dans sa jeunesse, et plus tard, la haine des Français, (voir mon article « Napoléon le menteur ») et que nombreuses de ces victoires furent en réalité des défaites, erreurs historiques dues au fait qu’il était souvent le propre rédacteur de sa légende, que Félix Faure soit mort d’une attaque cardiaque dans son bureau élyséen, alors que chacun sait maintenant qu’il était mort dans une autre pièce de l’Elysée, dans les bras de sa maitresse (lien), que Kennedy est mort assassiné par un fou, alors que l’on commence à savoir qu’un complot avait été mis en place pour le faire taire définitivement, (lien) et que Coluche serait mort d’un simple accident de moto. lien (voir aussi cet article)
Mais revenons à Jeanne d’Arc ?
Une fois de plus, c’est Henri Guillemin, historien détesté par la caste des historiens « honorables », parce qu’il cernait au plus près la vérité, défiant la « vérité officielle », qui nous donne des éléments de réflexion.
Tout d’abord elle ne s’appelait pas Jeanne d’Arc, et Guillemin affirme que si, à l’époque, quelqu’un l’avait appelé comme ça, elle ne serait même pas retournée.
Ensuite il faut savoir que la France que nous connaissons aujourd’hui n’était pas celle de Jeanne : à l’époque, la France ce n’était que Paris, l’Ile de France, et quelques départements autour de Paris.
Tout autour de ce territoire étriqué, des barons se battaient pour élargir leurs emprises.
Pour bien comprendre la situation de cette France, il faut savoir que Philippe le Bel ayant vu tous ses descendants disparaitre les uns après les autres, fut contraint de choisir l’un de ses neveux pour lui succéder.
Or il avait marié l’une de ses filles à Edouard II, Roi d’Angleterre, et l’enfant de celle-ci devint à son tour Roi d’Angleterre sous le nom d’Edouard III.
Ce dernier est donc à la fois Roi d’Angleterre mais aussi petit fils de Philippe le Bel, et donc de fait Roi de France potentiel.
Philippe le Bel en cédant la couronne à un neveu éloigné, Charles V, se trouve en bute à un successeur plus proche d’Edouard III, lequel revendique à raison la couronne française.
Des guerres en découleront donnant la victoire à un camp, puis à un autre, dans lesquelles s’illustrera entre autre un certain Du Guesclin.
Après diverses péripéties, la fameuse « Guerre de cent ans » le litige perdure et un descendant du Roi anglais va reprendre la bataille à son compte, écrasant en 1415 le camp français à Azincourt.
Un traité sera signé en 1420 entre les 2 camps, Charles VI et Henri V marient leurs enfants : la fille de Charles VI au fils d’Henry V.
Nait de cette union Henry VI, qui logiquement sera le nouveau roi de France et d’Angleterre, au grand dam d’un certain Charles VII qui revendique le trône et qui ne contrôle qu’une toute petite partie du pays.
De plus la situation religieuse est au diapason de ces conflits, puisqu’à l’époque, on ne compte pas moins de 3 papes (lien) les monastères étant devenus des lieux de prostitution, et de trafic en tout genre, où le luxe s’étalait sans honte.
C’est dans ce paysage complexe qu’apparait en 1428 une petite paysanne, qui elle, a vraiment la foi, une certaine Jeanne d’Arc. lien
Le problème c’est que l’histoire qui nous a été racontée n’est pas vraie, l’un des responsables de cette légende embellie travestissant la réalité, étant le célèbre Michelet, ce qui fera dire à Paul Claudel « Jeanne d’arc a plus ou moins disparu dans sa légende » et Bernard Shaw d’ajouter « elle est recouverte d’un badigeon défigurant ». lien
Gustave Rudler, professeur d’histoire de la littérature française, va démontrer que l’histoire que fait Michelet de Jeanne d’Arc n’est pas fondée, et il énonce les différentes gaffes de ce dernier, qui au lieu de se baser sur les textes anciens, reprend des textes plus récents, sujets à caution, comme par exemple, le récit d’un tailleur audacieux qui aurait posé sa main sur celle de Jeanne, ce qui lui aurait valu une belle gifle, alors qu’en réalité, suite à une erreur de traduction, il s’agissait d’un sein, et non pas d’une main. lien
L’écrivain Laurent Henri dénonce aussi les erreurs historiques de Michelet dans son ouvrage « Gustave Rudler, Michelet historien de Jeanne d’Arc : « Michelet (…) cet amoureux des textes se servait des premiers textes venus à sa portée, il ignorait comment on établit un meilleur texte par l’étude comparée, la recherche de la provenance, des copies d’un original, bref par tout ce travail de la critique d’érudition grâce auquel l’historien s’achemine vers une approximation de la vérité ». lien
C’est l’occasion de saluer le travail méticuleux de l’historienne Régine Pernoud qui a décrypté la vie réelle de Jeanne, séparant le crédible, l’authentique, du reste, en s’appuyant sur des documents d’époque. lien
Henri Guillemin apprendra ainsi que quantités d’histoires racontées sur Jeanne d’Arc sont totalement fausses : elle n’a jamais acheté de maison à Orléans, elle ne s’est jamais échappée de la tour d’où elle était retenue prisonnière à l’aide d’une corde, mais elle avait seulement tenté de se suicider en se jetant dans le vide.
Autre surprise, elle doit son nom à un poète orléanais qui l’en affubla en 1576, et lors de son procès, lorsque les juges lui demandent son nom, elle répond « mon père était nommé Jacques Tarc » (lien) et lorsque le Roi l’anoblira, il lui donnera comme nom Day, puis plus tard De Lys mais jamais D’arc.
Guillemin va lever d’autres lièvres, démontrant que Jeanne n’a jamais été de sang royal, que sa date de naissance n’est pas la bonne, qu’elle n’est pas Lorraine, et que lorsqu’elle avait 15 ans, elle avait un amoureux, voulait l’épouser, et celui-ci ira jusqu'à la trainer en justice lorsqu’elle refusera le mariage pour lequel elle s’était engagée, mettant à mal la légende de « la pucelle ».
Ce serait pour suivre les voix qu’elle avait entendu lorsqu’elle avait 13 ans, qu’elle aurait décidé à rompre avec son fiancé. lien
Mais on peut aller encore un peu plus loin, car s’il faut en croire les historiens Régine Pernoud et Michel Lamy, rien ne prouve que Jeanne ait bien été brûlée en 1429 en place publique : personne n’a vu son visage, couvert par un capuchon, de plus la place du marché sur laquelle eut lieu l’exécution était fermée au public, et la foule se trouvait à 100 mètres du bûcher. lien
Encore plus surprenant, les archives d’Orléans évoquent 3 visites de Jeanne dans leur ville en 1431, 1432 et 1435, donc après son exécution.
Les notables qui étaient présents l’ont formellement identifié, et enfin une autre archive raconte son mariage avec le seigneur Robert des Armoises, un peu plus tard, rendant improbable le terme « pucelle ». lien
On est donc très loin de l’image d’Epinal d’une « Jeanne d’arc voulant bouter les anglais hors de France », symbole repris par des mouvements d’extrême droite assimilant à tort cette femme légendaire à une lutte de mauvais aloi contre l’immigration.
La totalité de cette histoire racontée par Henri Guillemin est sur ce lien.
En attendant, il semble bien que le candidat sortant soit tombé bêtement dans un piège involontaire que lui aurait tendu le PS, puisque lors d’une réunion interne, des membres de ce parti auraient suggéré à leur candidat une « fête de la gauche » le 1er mai, information ayant fuité, mais finalement abandonnée par Hollande.
Toujours dans sa logique d’affrontement, Sarközy aurait donc saisi l’occasion pour lancer son idée d’une « fête du vrai travail », se trouvant du coup en porte à faux autant avec le FN qu’avec les syndicats. lien
On ne sait pas qui, des syndicats qui vont manifester le 1er mai pour la défense de leurs droits, du FN qui va fêter une Jeanne qui ne leur appartient pas, ou de Sarközi qui joue son va-tout pour garder sa place, gagnera, ce qui est certain, c’est que dans sa tombe, Jeanne doit doucement rigoler, car comme dit mon vieil ami africain : « plus le singe monte au cocotier, plus il montre son derrière ».
L’image illustrant l’article provient de « jesusfilsdedieu.blogspot »
Olivier Cabanel
Articles et informations
Ouvrages de Régine Pernoud sur Jeanne d’Arc
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