« Kigali, des images contre un massacre » : pouvoir des images, puissance du cinéma ?
Ce qui m’a frappé dans le documentaire de Jean-Christophe Klotz, Kigali, des images contre un massacre (2006), diffusé sur Arte le 13 novembre à 22 h 15 et en salles aussi, après, au cinéma, c’est la volonté du journaliste de s’interroger sur le détournement sémantique des images, sur le pouvoir (ou non) de celles-ci et sur les puissances symboliques du cinéma. Que montrer ? Comment filmer ? A quoi ça sert d’informer ? Ce qui est frappant, c’est la présence manifeste du hors-champ, on ne voit pas le massacre des Tutsi en 1994 par les extrémistes Hutu (et, pour cause, puisqu’il y a une pénurie d’images d’archives du génocide lui-même, moult journalistes et mainstream mass media sont arrivés après "la bataille") mais cela apparaît rapidement comme un choix d’auteur. Plutôt que l’entreprise d’une plus-value visuelle et le choc des photos à l’appui (qui peut tourner fissa au voyeurisme et au commerce), on affronte - loin des vices de la surenchère de l’information télévisée - le poids des mots / maux, la puissance de la parole, des témoignages, et c’est encore plus fort, plus effrayant, plus pénétrant. On le sait, le danger, c’est la fascination du spectacle de la guerre, de la violence. Bien loin du tout-spectaculaire à
Son film est un cri du cœur mais c’est aussi et surtout un regard désenchanté, quasi aquoiboniste, sur le métier de gouverner (des politiques) et sur son métier d’informer. Au départ, l’information, c’est un geste politique mais le travail de l’info, comme le montre Kigali..., n’a eu aucun impact (politique) sur le cours des choses. Silence de l’opinion internationale. Ni Bill Clinton ni Mitterrand, malgré le cri d’alarme de certains - notamment d’un Kouchner, poignant, qui raconte tout cela, la gorge serrée -, n’ont bougé le petit doigt ou alors quand c’était trop tard. Dans le film, on apprend que plus de 800 000 personnes, avant le début de l’opération Turquoise de l’armée française, sont déjà mortes. Et pourquoi ? Parce qu’il y aurait des images plus bankables, plus divertissantes que d’autres, hélas. Pour de grosses chaînes de TV, un reporter occidental amoché (Klotz a vécu dans l’objectif de sa caméra mais aussi dans sa propre chair le génocide rwandais), c’est plus "vendeur" qu’un Envoyé spécial (annonciateur) sur le drame... à venir. En France, ce n’est qu’à partir de l’opération Turquoise qu’on a montré des images du Rwanda. Eh oui, des troupes françaises qui "paradent", en vue de protéger les civils et de distribuer l’aide humanitaire, c’est, pour la une des JT, cinégénique (!) et ainsi, on fait bonne figure, on se donne bonne conscience mais c’est trop tard, le massacre où l’on s’entretue à coups de machettes, de marteaux et de clés à molette a déjà eu lieu. Or
1 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON