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« L’Éveil du Printemps » L’adolescence en plein émoi à La Comédie-Française

De Lars Norén avec « Poussière » à Frank Wedekind avec « L’Éveil du Printemps » s’exalte, à rebours de la chronologie, le suc de la nature humaine permettant la transgression des normes jusqu’à l’accomplissement intégral des pulsions existentielles et inverses.

 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Theothea.com

  

Durant ce premier semestre 2018, Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, a donné son imprimatur pour une remontée à contre-courant, au travers du prisme générationnel de la Troupe, sans occasionner pour autant une nouvelle bataille des Anciens et des Modernes.

D’abord, parce que leurs créations respectives et successives ne donneraient pas lieu à la constitution d’un ghetto des âges mais, bien au contraire, à leur assimilation, fût-elle contrariée.

Mais surtout parce qu’en valorisant globalement « l’expérience » d’un côté et « la fougue » de l’autre, il était indéniable que ces composantes se retrouveraient, à parts sublimées, dans les deux mises en scène chorales, celle « onirique » de Lars Norén, puis celle « mentaliste » de Clément Hervieu-Léger.

 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

En l’occurrence, dans cette perspective psychique et intellectuelle de l’œuvre subversive de Wedekind, il lui faudrait au pensionnaire-metteur-en-scène élire une scénographie qui, de bout en bout, marquerait les consciences et les confondrait en une entité sans réelle échappatoire.

Alors, ce que d’aucuns percevraient comme un immense et imposant tunnel sans sortie de secours deviendrait, par la grâce du démiurge (Richard Peduzzi), le miroir d’une caverne socratique où chaque Sisyphe aurait son rocher à remonter vers l’air libre bien qu’en ce labyrinthe bleu-grisâtre modulable à souhait, très peu d’aspérités objectives autoriseront l’héroïque escalade vers l’autonomie émancipatrice.

Les voilà donc tous ces jeunes gens emplis de sève pulsionnelle pris au piège du grand carcan institutionnel, social, familial, éducatif, psychologique sans que la dimension maïeutique puisse imposer sa loi fondatrice de chacune des personnalités en devenir.

Les voilà livrés à eux-mêmes, c’est-à-dire tout à la fois confrontés à leur ignorance chronique, à leur imaginaire en roue libre, à leur délire en exultation fébrile, à leur aspiration à jouir, à leur tentation destructrice, à leur culpabilité latente, bref à leur candeur inextinguible sans que la main de leurs aînés ne leur soit tendue au travers d’une confusion organisée sur scène par l’autoritarisme des adultes… quasiment a dessein !

 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

Aussi les voici ces ados, interprétés délibérément par des comédien(ne)s (Georgia Scalliet, Sébastien Pouderoux, Christophe Montenez, Rebecca Marder, Pauline Clément, Julien Frison, Gaël Kamilindi et Jean Chevalier) ayant dépassé pour leur propre compte, depuis plusieurs années, ce stade évolutif vers la maturité, de telle façon que ces rôles de composition reflètent incontestablement une réelle part de leur vécu personnel… au diapason d’un empirisme professionnel permettant la distanciation profitable à une émotion désormais domptée.

L’amour, l’amitié, l’enthousiasme se mueraient en dépit, abandon, désespoir sous le poids d’une sexualité envahissante et tellement non maîtrisée que la violence, les mutilations, le suicide deviendront les fers de lance d’un absolu transcendé jusqu’à son retournement en son contraire.

Précédant Freud dans son exploration factuelle et conceptuelle de la psychanalyse, Frank Wedekind, en s’emparant, dès 1890, des tourments et angoisses de l’adolescence, ouvrait grande la porte aux pulsions de vie et de mort qui allaient structurer quelques années plus tard les schémas théoriques de l’inconscient, du moi et du surmoi.

 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française

  

Vue du XXIème siècle débutant, il est néanmoins fort surprenant de considérer que malgré toutes les vicissitudes évoquées par le dramaturge germanique concernant cette méconnaissance vertigineuse des « choses de la vie » par la jeunesse de l’époque (fin du XIXème), celle-ci semblait atteindre sa propre « fureur de vivre » dans une « mixité » totalement assumée et au sein d’une « verbalisation » active des affects.

Par conséquent, si « L’Emile » de Jean-Jacques Rousseau a considérablement imprégné notre sensibilité envers une pédagogie dédiée à « L’éducation idéale », nous nous rappelons qu’il y a 50 ans à peine, c’est-à-dire en 1968, l’enseignement garçons-filles était loin d’être généralisé en France… tout en conservant à l’esprit que l’enfermement sur soi ou, plus précisément, « l’autisme » reste une donnée essentielle de l’expression sociale.

De fait, serait-ce seulement pour un meilleur exposé de ses thèses originellement décrétées « scandaleuses » à tort que l’auteur aurait ainsi entremêlé jeunes hommes et jeunes filles conversant ostensiblement sans aucune retenue ni pudeur contraignantes ?

Mais surtout ne s’avérerait-il pas que l’usage de la Parole était, à l’époque, paradoxalement moins « conditionné » et « formaté » qu’aujourd’hui ?

 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Theothea.com

  

On est légitimement en droit de s’interroger et, en tout cas, ceci expliquant peut-être cela, cette différenciation essentielle contribue-t-elle sans doute à produire, à juste titre, sur l’entendement de la plupart des commentateurs contemporains, la consensuelle impression de modernisme voire d’avant-gardisme ainsi suscitée par « L’Éveil du Printemps ».

  

   
photos 2, 3 & 4 © Brigitte Enguérand, coll. Comédie-Française
photos 1, 5 & 6 © Theothea.com
      
L'ÉVEIL DU PRINTEMPS - ***. Theothea.com - de Franck Wedekind - mise en scène Clément Hervieu-Léger - avec Michel Favory, Cécile Brune, Éric Génovèse, Alain Lenglet, Clotilde de Bayser, Christian Gonon, Julie Sicard, Serge Bagdassarian, Bakary Sangaré, Nicolas Lormeau, Georgia Scalliet, Sébastien Pouderoux, Christophe Montenez, Rebecca Marder, Pauline Clément, Julien Frison, Gaël Kamilindi, Jean Chevalier et les comédiens de l’académie de la Comédie-Française Matthieu Astre, Robin Goupil, Aude Rouanet, Juliette Damy, Alexandre Schorderet - Comédie-Française Salle Richelieu

  
  
 

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L’ÉVEIL DU PRINTEMPS
© Theothea.com

   

  


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