L’île d’or au Soleil
D’Ariane Mnouchkine Une création collective du Théâtre du Soleil, en harmonie avec Hélène Cixous
Pour le générique complet :
https://www.theatre-du-soleil.fr/fr/a-lire/generique-du-spectacle-4310
Depuis deux ans, Ariane Mnouchkine et sa troupe multinationale du Théâtre du Soleil ont préparé ce spectacle et ne l’ont montré que lorsque le public pouvait se rassembler sans trop de contraintes.
Comment échapper au covid et aux tourments qu’il nous occasionne ? Cornélia a sa façon de faire : trouver une île pour y rêver-créer-diriger un spectacle. Cette île est japonaise. Nous sommes dans ce rêve, nous voyons ce spectacle.
Divers lieux, avec leurs ambiances, avec leurs problèmes, leurs souffrances, leurs « mœurs », leurs modes de lutte, résistance… circulent rapidement. Chaque situation critique est jouée par des comédiens ou des compagnies du pays concerné… la lutte pour la démocratie d’Hong-Kong, par La démocratie, notre désir troupe de Hong-Kong ; les exilés afghans par La diaspora des abricots, troupe afghane en exil ; le conflit israélo-arabe traité de façon comique, par Le grand théâtre de la paix, troupe proche-orientale… Il y a deux étranges Français, nus, la troupe Paradise Today (nom bien français comme il se doit) c’est-à-dire revêtus d’une combinaison couleur peau, avec des sexes cousus par-dessus. Ils font rire, je n’ai pas bien perçu ce qu’ils faisaient, quelle histoire ils racontaient.
Les comédiens viennent installer les espaces théâtraux nécessaires avec des praticables à roulettes : un jacuzzi, une librairie, un théâtre de marionnettes, un hôtel… D’autres éléments de décors proviennent des tissus symbolisant la mer et sa houle, des dromadaires, des cerisiers en fleurs, le volcan Fuji, une voiture décapotable roulant dans la steppe, un hélicoptère (pour la fuite de Carlos Ghosn, ici déguisé en geisha)…
L’île est la métaphore du théâtre, qui (hormis le théâtre de rue, peut-être) est une boite fermée, de lumières artificielles et « parlantes », et cette clôture a pour fonction de dire le monde. Rien de mieux qu’une île pour rassembler le monde entier sans trop s’imposer pas son soi-même, par sa culture. Rien de mieux qu’un lieu isolé pour ressembler au monde en son entier.
La langue est traitée d’une façon assez bizarre, les verbes sont rejetés à la fin des phrases. Il n’y est pas dit : « j’ouvre la porte pour te faire entrer » mais « la porte pour te faire entrer j’ouvre ». C’est assez déroutant, on comprend malgré tout ce qui se dit, cette transposition grammaticale semble liée à la langue japonaise. Beaucoup de passages sont dans diverses langues, sur-titrées, on manque de savoir à quel moment lever les yeux pour lire.
Les visages sont couverts d’un masque souple qui autorise une certaine expression du visage tout en rapprochant les comédiens et leurs personnages de la forme marionnette.
L’île d’or a l’allure d’une revue de presse : et là, et là, que se passe-t-il ? qui va mal ? Il manque une idée directrice.
Le lien, comme dans la chambre en Inde, se fait par Cornélia : femme aux cheveux blancs, double d’Ariane Mnouchkine, là, elle erre sur un lit d’hôpital à roulettes, avec un soignant à ses côtés.
L’autre lien est dans l’action d’une maire qui se bat contre un projet immobilier et pour le maintien d’un festival. Un affairiste brésilien veut construire un hangar pour faire un casino… menaçant l’équilibre ancestral et la vie des pêcheurs.
Sans doute trop modélisé sur La chambre en Inde, L’île d’or manque de fond. Il y a trop de dispersion et des contenus plutôt faibles, proches de ce que l’on pense quand on ne pense à rien. On y voit trop la fatigue de la répétition, même variée.
On peut dire, à l’inverse, que c’est un moment de théâtre pur, de par la diversité des décors, situations, personnages, des registres, par les scènes qui jouent le démontage du théâtre comme celle où le dromadaire se casse sur scène, montrant son mécanisme comique.
Comme au Music-Hall ou au cirque, il y a beaucoup à voir et à entendre, beaucoup de spectaculaire, pour un sens, malheureusement, assez léger.
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