La femme « hystérique » très tendance en cette fin d’année
Coïncidence étonnante, trois films, sortis la même semaine, mettent en scène des femmes hystériques en cette fin d’année cinématographique : « Augustine », de Jean-Claude Monod et Jean-Christophe Valtat, « A dangerous méthod », de David Cronenberg, et « Hystéria », de Tanya Wexler, que les distributeurs français ont choisi de rebaptiser d’un titre plus racoleur : « Oh my God ! »...
Trois films très différents, tant sur le fond que sur la forme : l’un montre les profonds bouleversements qu’a connus le traitement scientifique des affections mentales dans le dernier quart du 19e siècle en France ; le second, tiré d’une excellente pièce de Christopher Hampton, porte sur l’émergence, à l’aube du 20e siècle, de la psychanalyse à travers les rapports de Carl Gustav Jung, de sa patiente et maîtresse Sabina Spielrein, et de Sigmund Freud ; quant au troisième , il raconte comment, dans la prude et compassée Angleterre victorienne, le traitement de l’hystérie a pu conduire à l’invention du... vibromasseur.
Disons-le tout net, « Augustine » – réalisé en 2002 et ressorti cette semaine, peut-être pour bénéficier du coup de projecteur donné par l’actualité cinématographique sur l’hystérie – n’a strictement aucune chance de réaliser un carton au box-office. Non que le film soit mauvais – les rares critiques et les spectateurs qui l’ont vu sur Arte en 2005 affirment l’inverse –, mais en raison de son caractère didactique, pour ne pas dire délibérément documentaire. Les réalisateurs, eux-mêmes de formation scientifique, ont d’ailleurs tourné en noir et blanc pour renforcer l’impression d’images d’archives donnée par les rapports de la jeune Augustine avec le Professeur Jean-Martin Charcot, l’éminent neurologue de la Salpêtrière, et ses collaborateurs à une époque où l’on avait entrepris, pour mieux comprendre l’hystérie d’en photographier les différentes phases. Et si, pour combler les lacunes de la biographie d’Augustine et étoffer le scénario, les réalisateurs ont pris la liberté de créer un personnage d’employé de laboratoire amoureux de la jeune femme ou de lui inventer une amie musicienne, c’est uniquement dans le but de donner du relief à sa personnalité pour sortir du cadre des seules expérimentations, ne pas rester concentré sur les exhibitions des malades ou les traitements par l’électricité, la métallothérapie et l’hypnose, si chère au Pr Charcot. L’hypnose qui permettra, ultérieurement, de démontrer que l’hystérie relève moins de la médecine que de la psychanalyse.
La psychanalyse, précisément l’héroïne du deuxième film. Inutile de s’étendre sur ce nouvel opus de David Cronenberg « A Dangerous Method ». Deux excellents articles, publiés la semaine dernière sur AgoraVox, en dressent de pertinentes critiques : Je t’aime moi non plus... et autres transferts et contre-transferts, par Valerianne, et « A Dangerous Méthod » par le Docteur Cronenberg, par Vincent Delaury. Le film, comme la pièce* de Christopher Hampton qui l’a inspiré, met en scène ces deux géants de la psychanalyse que furent Sigmund Freud et Carl Gustav Jung. Mais c’est le personnage de Sabina Spielrein qui lui donne tout son relief en permettant d’aborder, autour de son cas, la sexualité, les rapports sadomasochistes, et même la judaïté.
Reste le troisième film : « Oh My God ! ». Dans une Angleterre victorienne à la Dickens, il relate l’histoire vraie du Dr Robert Dalrymple et de son jeune collaborateur, le Dr Mortimer Granville. Spécialisé dans les massages intimes visant à soulager les tourments de ses hystériques patientes, le Dr Granville doit renoncer à exercer sa « médecine » pour cause de... crampe handicapante de la main droite. C’est alors qu’il décide d’adapter le plumeau électrique inventé par l’un de ses amis, Edmund St John Smythe, au traitement de ses patientes. Ainsi naît le vibromasseur ! Le film ne se résume évidemment pas à cela, car il montre également sans complaisance l’Angleterre des quartiers populaires où sévissent la pauvreté, l’alcoolisme et la prostitution. Mais il a le mérite de mettre le doigt, si l’on peut dire, sur l’étroite relation entre l’hystérie et la sexualité, l’une pouvant résulter des frustrations de l’autre.
Rappelons que l’hystérie est une névrose résultant d’un conflit psychique pouvant déboucher sur différentes manifestations allant de troubles bénins (palpitations, douleurs ovariennes, gorge nouée) à des états de transe à contenu possiblement violent ou érotique, en passant par des phases de tétanie ou de convulsions de type épileptoïde.
Rappelons également que l’hystérie n’est pas l’apanage des femmes même si elles en sont beaucoup plus atteintes que les hommes. Peut-être cette identification entre l’hystérie et la femme tient-elle à la confusion qui en a été faite depuis l’antiquité, l’origine du mot hystérie étant « hustera », autrement dit « matrice ». Ce qui démontre que des siècles de croyance peuvent parfois tenir à un mot.
* « The Talking Cure » a été jouée en 2009 au théâtre Montparnasse par Samuel Le Bihan et Barbara Schulz sous le titre « Paroles et guérison ».
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