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La mission

Une ville. Un homme. Une mission...

Répondant au coup de sonnette, une vieille femme, tout habillée de noir, entrebâilla la porte. Elle appuyait son corps voûté sur une canne. Son pied droit et ses mains étaient agités de légers tremblements. Sans doute souffrait-elle de la maladie de Parkinson. Difficile de lui donner un âge. Les profondes rides qui découpaient la peau parcheminée de son visage et le chignon à l’ancienne qui tirait sur l’arrière de sa tête une chevelure grise jaunie par le temps trahissaient pourtant un long parcours dans ce monde. Seul son regard pétillant conservait un éclat de jeunesse.

Le visiteur, un homme d’environ quarante ans, mince et nerveux dans son manteau de loden vert, agita sous le nez de la vieille femme une carte barrée d’un bandeau tricolore. 

─ Madame veuve Cadillon ?

─ Mélanie Cadillon, veuve Petitjeannot, précisa la vieille dame. Ce pauvre Norbert est décédé en 89, la même année que Tristan, mon brave petit teckel. Officiellement, il a été emporté par une rupture d’anévrisme. Pas le teckel, mon mari. En réalité, il était complètement rongé par le calva. Pour Tristan, c’était le diabète. Il est mort en regardant un documentaire animalier à la télé. Pas mon mari, le teckel. Depuis, j’ai repris mon nom de jeune fille. Plus par coquetterie que par nécessité. Mais je vous embête avec mes histoires. Que puis-je pour vous, Monsieur ?

Un long miaulement court-circuita la réponse du visiteur. Un chat angora tout de beige vêtu avait surgi du corridor pour venir se frotter affectueusement contre la jambe de Mélanie. Deux autres félins – l’un roux, l’autre tigré – se précipitèrent à leur tour pour quémander une caresse à la maîtresse des lieux. Resté en retrait, un jeune griffon contemplait le tableau à travers la cascade de poils qui lui couvrait les yeux. 

─ Je vous présente Cirrus, Nimbus et Stratus, dit Mélanie. Tous mes chats portent des noms de nuage. Je les appelle comme ça en hommage à Norbert, rapport à son métier : il était agent de maîtrise à Météo-France… Ce sont des jeunes chats très câlins, comme vous pouvez le constater. Très câlins mais aussi très espiègles. Ils adorent faire les fous avec mon chien Attila. Naturellement, ça ne va pas sans quelques bêtises de temps à autre, alors je dois les gronder, et parfois les punir. Mais je ne leur en veux pas. Sans eux, ma vie serait bien monotone. Vous avez des bêtes, monsieur ?

─ Heu… non, je n’en ai jamais eu… Excusez-moi, je me suis trompé d’adresse.

Sans plus d’explication, le visiteur tourna les talons et disparut sous le regard perplexe de la vieille dame. Passé l’angle de la rue, il s’arrêta et sortit un calepin de cuir noir muni d’un petit crayon de la poche intérieure de son manteau. D’un geste précis, il raya de sa liste la première maison. Puis il rangea soigneusement le calepin et se remit en route.

Après dix minutes de marche, il fut devant la deuxième maison. Celle-ci jouxtait le mur sud de l’ancien monastère des Cordeliers dont les bâtiments les moins vétustes avaient été annexés par l’hôpital. Abandonnés à eux-mêmes, les plus délabrés achevaient d’agoniser sous l’assaut conjugué des lierres et des sycomores. La maison, sobre et modeste, se caractérisait, comme celle de Mélanie Cadillon, par des volets rouges. Elle était séparée de la rue par un jardinet sans charme. La boîte à lettres indiquait : Arlette et Patrick Monistrol. Le visiteur sonna. Sans succès. Il s’apprêtait à faire une nouvelle tentative lorsqu’un voisin, encore vêtu de sa robe de chambre, l’en dissuada depuis le perron de son pavillon :

─ Inutile d’insister, ils sont partis à Twickenham.

─ Twickenham ?

─ Ben oui, quoi, Twickenham. C’est dans la banlieue de Londres : la Mecque du rugby anglais. Vous n’suivez pas l’actualité ? L’Angleterre reçoit la France cet après-midi pour la première place du Tournoi. Si vous voulez mon avis, ça va saigner ! Et croyez-moi, tels que j’connais les rosbifs, ça s’annonce plutôt duraille pour nos p’tits coqs. Remarquez, on n’a rien à perdre : après tout, ce sont eux les favoris…

─ Si je vous suis bien, ces Monistrol sont des supporters. 

─ Vous pouvez même dire des inconditionnels du XV de France. Tenez, y’a pas deux mois, ils étaient à Dublin pour voir nos p’tits bleus se chicorer avec les Irlandais et leur fighting spirit. 29 à 6, qu’on leur a mis… Les Monistrol, on les a même vus en gros plan à la télé, avec leurs joues tricolores et leurs bérets. Mais attention, ce ne sont pas des simples supporters : ces deux-là sont aussi des pratiquants assidus. Même Arlette, avec ses cinquante kilos toute mouillée. Talonneuse, elle joue. On croirait pas, à la voir comme ça. Pensez-donc : une petite bonne femme tout ce qu’il y a de tranquille. Eh bien, je me suis laissé dire que sur un terrain de rugby, c’est une féroce. D’ailleurs, faudra que j’aille voir ça un de ces quatre. Une mêlée de gonzesses, avec tous ces croupions en l’air, ça doit être plutôt croquignolet comme spectacle, hein, qu’est-ce que vous en dites ?

─ Je crains fort de n’avoir aucun avis sur la question.

─ Je vois : vous n’aimez pas le sport, hein, c’est ça ? Enfin, ça m’regarde pas… En attendant, ils rentrent demain soir, les Monistrol. Vous voulez que je leur laisse un message ?

Le visiteur déclina l’offre :

─ Ce ne sera pas nécessaire, je repasserai. 

Après avoir salué le voisin, il sortit son calepin et raya la deuxième maison.

La troisième maison était située à l’extérieur de la cité médiévale, en contrebas des remparts. C’était l’ancienne demeure du bourreau, une vieille bâtisse du 15e siècle à pans de bois dans laquelle s’étaient succédé des générations d’exécuteurs des hautes œuvres. Inhabité durant fort longtemps, le vieux logis aux volets rouges, que l’on disait hanté par les mânes sanglantes de ses occupants, avait été sommairement maintenu en état par la municipalité, plus par superstition que par souci de conservation du patrimoine. Jusqu’au jour où Liam Ferguson, un jeune artiste écossais, avait tourné le dos à la grisaille d’Edimbourg pour venir s’installer en France. La « maison du bourreau » était en vente. L’Écossais l’avait acquise pour une bouchée de pain à la grande satisfaction des édiles, ravis de se débarrasser enfin de cet encombrant fardeau.

Malgré la fraîcheur ambiante, porte et fenêtres étaient grandes ouvertes sur la rue. Elles déversaient, à grands renforts de décibels, une bouillie musicale agressive caractérisée par des basses lourdes et des riffs de guitare sursaturés. Le visiteur esquissa une grimace de souffrance. Il détestait le hard rock. Une musique de drogués et de dégénérés ! Un bref instant, il fut tenté de fuir. C’était évidemment impossible : sa mission lui imposait d’aller de l’avant. Une cloche de quart en bronze marquée « HMS Caledonia » tenait lieu de sonnette. L’homme au loden dut l’agiter à plusieurs reprises pour se faire entendre du propriétaire.

Come in, mon porte est toujours open ! lança, avec un fort accent d’outre-Manche, une voix puissante et rigolarde.

Répondant à l’invitation, le visiteur gravit les marches érodées par des siècles de piétinement. Parvenu sur le seuil, il s’arrêta, stupéfait. Jamais encore il n’avait vu un tel capharnaüm. Mi habitation, mi atelier, la pièce disparaissait sous un fatras hétéroclite où se mêlaient des ustensiles de ménage, des fringues, de la bouffe et d’innombrables accessoires de peinture. Debout devant son chevalet, le peintre Fergus, un grand gaillard à la chevelure rousse, probablement héritée de ses lointains ancêtres vikings, travaillait à sa dernière création. Vêtu d’une salopette usagée et d’un vieux pull moucheté de taches, il étalait, à larges coups de couteau, des tartines de pâte sur une toile de grande dimension. Suspendues à des cimaises ou posées à même le sol dans un désordre indescriptible, d’autres œuvres du peintre étaient exposées. Le visiteur promena un regard effaré sur ces explosions de couleur, ces déchirements de formes, ces abstractions grotesques. De l’art, ça ? Ces immondes vomissures ? Ces révoltants dégueu-lis ? Les doigts de l’homme se crispèrent au fond de la poche sur la crosse de son Beretta.

─ Je trouve my inspiration dans le music, dit Fergus sur un ton jovial : heavy metal, punk, trash. Peut-être vous connaître my favourites : Black Sabbath, Anthrax, Sex Pistols, Mötörhead. Ah ah ah… Wonderful ! Ah ah ah… Spécialement Ministry. J’adore Ministry, le music qui rend crazy. Ah ah ah… Do you like my work ?

Une poignée de secondes s’écoula. Sans la moindre réponse. Étonné du mutisme de son visiteur, l’Écossais détourna les yeux de sa toile pour découvrir son visage. La pièce était vide : l’homme au loden vert avait disparu.

Cent mètres plus loin, d’un coup de crayon appliqué, il rayait de son calepin la troisième maison de la liste. 

La quatrième maison avait été naguère le presbytère de l’église Saint-Georges avant que celle-ci ne soit transformée en centre culturel. Une croix métallique sur le crépi de la façade en rappelait la fonction première. Initialement destinée à un curé solitaire, c’était paradoxalement une grande bâtisse, lourde et trapue, plutôt faite pour abriter une famille nombreuse. Elle était ceinturée par un jardin où prédominaient les arbustes persistants : rhododendrons, véroniques et millepertuis. Un espace de jeux avait été aménagé au cœur de la pelouse. Il comportait une balançoire, un panneau de basket, un tape-cul et une cabane en bois du même rouge que les volets de la maison. Pour l’heure, une gamine d’une dizaine d’années se balançait mollement tandis qu’un adolescent maigrichon bricolait en râlant le dérailleur d’un VTT. À la vue des enfants, le visiteur faillit faire demi-tour. La gamine ne lui en laissa pas le temps.

─ Marie, Roger, y’a quelqu’un ! s’exclama-t-elle d’une voix perçante.

Une femme entre deux âges parut sur le seuil de la maison.

─ Bonjour, monsieur, c’est à quel sujet ?

Le visiteur, pris de court, présenta sa carte.

─ Heu… ce sont vos enfants ?

La femme se déplaça jusqu’au portail pour éviter d’être entendue des jeunes.

─ Les nôtres sont désormais adultes, répondit-elle. Le plus jeune fêtera ses vingt ans le mois prochain ; il est câbleur à France Télécom… Comme vous le voyez, je n’en ai pas terminé pour autant avec les gamins : nous sommes famille d’accueil ; nous prenons en charge ceux qui nous ont confiés par l’Aide Sociale à l’Enfance. Dans la plupart des cas, la vie ne leur a pas fait de cadeau. Entre l’alcoolisme, les viols, les coups, l’inceste, on peut même dire que certains d’entre eux ont vécu des moments terribles. Si je vous racontais… Que se passe-t-il, il y a un problème ?

L’homme s’empressa de la rassurer :

─ Non, non, ne vous inquiétez pas, tout va bien. Simple erreur d’adresse.

Quelques instants plus tard, il rayait la quatrième maison de la liste.

Un grand mail orné d’érables séparait l’église Saint-Georges du lycée Montesquieu. Le cours Sully constituait l’un des lieux de promenade favoris des jeunes mères de famille et des pensionnaires de la résidence de retraite Saint-Vincent. En cette matinée de samedi, les larges allées du mail étaient quasiment désertes. À de rares exceptions près, seuls les vieux, poussés par l’habitude, étaient venus s’asseoir sur les bancs de pierre. Quelques-uns, munis de miettes de pain, attiraient vers eux moineaux et pigeons. La plupart, totalement inactifs, regardaient avec fatalisme s’enfuir le temps. L’homme au loden vert ne les vit pas, pas plus qu’il ne vit le couple d’amoureux enlacés, ou les deux SDF qui tendaient machinalement la main vers lui. L’homme pressait le pas vers le quartier des Minimes dont les venelles, passé l’établissement scolaire, s’étageaient entre la place du Martray et le bief du moulin. 

Implantée au cœur de ce quartier, la cinquième maison était mitoyenne d’un bar à vins très prisé des amateurs, autant pour la qualité de ses produits que pour la chaleur de son cadre, caractérisé par une monumentale cheminée de pierre et un spectaculaire plafond à caissons de chêne. Il s’agissait de deux constructions jumelles à encorbellements. L’une était équipée de volets rouges, l’autre de volets bleus. Toutes les deux occupaient la rive sud d’une petite place pavée dominée par les frondaisons d’un tulipier ramené d’Amérique deux siècles plus tôt par un aventurier local.

Ornée d’un cor postal, la boîte à lettres indiquait « Sharon et Francis Heurtebize ». Elle mentionnait aussi « Amnesty International » et « Ligue des Droits de l’Homme ». Le visiteur réprima une grimace d’agacement. Une nouvelle fois ça n’allait pas coller. Pas question pour autant de renoncer sans vérifier. Il appuya longuement sur la sonnette. Sans plus de succès que chez les Monistrol. Qu’à cela ne tienne, le bar était ouvert et le patron coopératif.

Moins de cinq minutes plus tard, il n’ignorait plus rien des Heurtebize et de leur engagement militant dans les associations dont ils présidaient les sections locales. Pire : ces deux-là étaient comédiens amateurs et faisaient partie d’une troisième association : « Le rire médecin ». Tous les samedis matin, ils quittaient leur domicile et se transformaient en clowns pour apporter un peu de joie aux mômes cloués par la maladie sur leur lit d’hôpital.

Dépité, l’homme au loden raya de sa liste la cinquième maison.

Viabilisé en trois phases successives au cours de la dernière décennie pour faire face au développement constant de la commune, le lotissement du Pré-aux-Clercs avait peu à peu grignoté les terrasses cultivées qui montaient naguère du Moulin des Aubiers jusqu’au Bois de la Commanderie.

La sixième maison était implantée en lisière du bois, tout en haut du lotissement. Entièrement appareillée de briques et de bois, et curieusement décorée de bois de cerfs, elle n’avait rien de commun avec ces habitations sans charme qui avaient poussé comme des champignons sur la colline jusqu’à venir la tutoyer. Et pour cause : la sixième maison n’était autre qu’un ancien relais de chasse dont le rouge des volets tranchait avec le vert du feuillage alentour. Un relais moins destiné, persiflaient les mauvaises langues, à accueillir les chasseurs au retour des battues qu’à abriter les parties fines d’une brochette de conseillers généraux beaucoup plus portés sur la gaudriole que sur la réglementation de l’ensilage du maïs ou l’entretien des rivières de 2e catégorie.  

Il va de soi que tout cela était de l’histoire ancienne.

Guillaume et Laurence Friconnet, la quarantaine dynamique, s’activaient dans leur jardin. Accroupi près d’un tas de pierres, le mari bâtissait avec rigueur et méthode un muret en limite de leur terrain. À quelques pas de là, son épouse préparait avec application le ciment des joints. Vêtus de bleus professionnels, ils travaillaient en musique, au rythme métissé d’une formation afro-cubaine, sous l’œil indifférent d’un labrador.

─ Félicitations, dit l’homme au loden, du vrai travail de pro ! Vous êtes de la partie ? 

Les Friconnet eurent un sourire amusé.

─ Pas vraiment, répondit le mari. Encore que, pierre après pierre, jour après jour, nous sommes également des bâtisseurs dans notre genre. À cette différence près que nous ne travaillons ni le granit, ni le calcaire, mais la matière humaine. Nous sommes des bâtisseurs du savoir…

─ Mon mari veut dire des profs. Nous enseignons tous les deux à Montesquieu, lui la philo et moi la biologie.

─ Raison de plus pour vous féliciter !

─ Merci du compliment, concéda le philosophe. Cela dit, la maçonnerie, du moins celle que nous pratiquons à notre modeste niveau, n’a rien de particulièrement difficile. En fait, c’est comme en amour : il suffit de se lancer. Au début, on tâtonne, on expérimente, on fait quelques erreurs ici et là. Puis on progresse. Peu à peu, on maîtrise mieux ses outils. L’expérience aidant, on finit par y prendre un réel plaisir… Exactement comme en amour !

─ Vous n’imaginez pas, précisa l’épouse, dans quel état on a repris ce vieux pavillon de chasse. Il nous a fallu deux ans de travaux pour lui redonner sa vie et son éclat antérieur. Croyez-moi, ça n’a pas été sans mal, mais ça en valait vraiment la peine… Je vous proposerais bien d’y jeter un coup d’œil, si ça vous intéresse, mais vous savez ce que c’est : le ciment n’attend pas. Si vous repassez par ici un prochain jour, n’hésitez pas à venir nous voir…

─ Je n’y manquerai pas, répondit le visiteur. Bon courage !

La sixième maison fut à son tour rayée sur le calepin.

Une seule maison restait sur la liste. La septième. Forcément la bonne. Dans quelques minutes la mission serait enfin accomplie. Si Dieu le voulait. L’homme au loden vert plongea sa main droite dans la poche du manteau. Une nouvelle fois, sa main se crispa sur la crosse du Beretta.   

Étirée le long de la rivière dans le prolongement du complexe sportif, la Résidence du Stade alignait en deux rues parallèles, l’une dédiée à Michel Jazy et l’autre à Alain Mimoun, une quarantaine de pavillons des années soixante. Une dizaine d’entre eux, disséminés dans le lotissement, avaient été construits sur une butte artificielle, moins pour disposer d’un garage en sous-sol que pour répondre à la mode du moment. Ce n’était pas le cas de la septième maison. Bâtie de plain-pied, c’était une modeste villa rectangulaire de type Phénix dont le crépi blanc commençait à s’effriter par endroits en laissant apparaître les joints qui unissaient les dalles de béton.

Contrairement à la veille lors du repérage, les volets rouges étaient clos. L’homme en fut vivement contrarié. Où diable étaient partis les occupants ? Et pour combien de temps ?

La réponse lui fut donnée par une voisine, sortie dans son jardin battre des tapis à grands coups de tapette :

─ La maison n’est pas à vendre ! lança-t-elle sur un ton peu amène.

Primo, je ne suis pas là pour acheter. Secundo, pour quelle raison serait-elle à vendre ? répliqua le visiteur en exhibant sa carte.

La femme se radoucit instantanément à la vue du bandeau tricolore.

─ Ben, à cause de l’attentat, pardi ! Ce brave monsieur Leibowitz, si c’est pas malheureux ! Quant à cette pauvre Léa, je n’vous dis pas l’horreur ! Eux qui avaient économisé sou par sou pour aller en Israël. Des années qu’ils en rêvaient. « Un jour, on ira fêter Rosh-ha-Shana avec les cousins de Haïfa » qu’ils disaient. Rosh-ha-Shana, c’est le Nouvel an juif. Avec Étienne – c’est mon mari, il travaille à la SNCF –, on a eu beau leur dire que c’était très dangereux, vu la situation politique, y’a rien eu à faire, ils n’ont pas tenu compte de nos conseils de prudence : dès qu’ils ont eu l’argent du voyage, ils sont partis pour Haïfa.

─ Que s’est-il passé ?

─ Une kamikaze palestinienne s’est fait exploser dans leur bus pour venger son frère tué dans un raid israélien contre le Hamas. Une fille de vingt ans ! Vous vous rendez compte ? Ça faisait pas deux jours qu’ils étaient là-bas. On a vu les images à la télé : un vrai carnage ! Jacob Leibowitz a été tué sur le coup, complètement déchiqueté par la bombe. Paraît qu’on a retrouvé sa tête dans la cour d’une école voisine. Remarquez, d’une certaine manière, Jacob a eu de la chance, comparé à Yaël. La pauvre a eu un bras arraché et des terribles lésions internes. Elle a dû souffrir le martyr. Tout ça pour mourir une semaine plus tard, la veille de Rosh-ha-Shana.

─ La maison semble pourtant occupée, observa l’homme après un bref silence ; elle était ouverte hier après-midi, et les abords sont parfaitement tenus.

─ Je vous assure qu’elle est inoccupée : depuis le drame, personne n’habite là. Vous êtes sûrement passé lorsque Daniel, le fils aîné des Leibowitz, est venu aérer la maison. Il vit avec sa femme dans le quartier des Minimes. C’est également lui qui entretient le jardin. D’après lui, sa sœur Salomé doit venir s’installer ici dans quelques semaines. Mais je n’y crois pas trop : faudrait déjà qu’elle trouve un boulot à Rigny. Et ça c’est loin d’être gagné, vu qu’elle est infirmière et qu’on parle de transférer près de vingt pour cent des lits à la préfecture. Un vrai scandale. D’ailleurs, il y a une pétition qui circule. Si vous voulez mon avis… 

Coupant court aux confidences de la voisine, le visiteur remercia et s’éloigna en direction du stade. Bien que cela fût inutile, il s’arrêta un instant pour sortir son calepin. D’un geste précis, il raya la septième maison.

Midi venait de sonner au clocher de la collégiale Saint-Vincent. Revenu sur le cours Sully, l’homme au loden marchait d’un pas mécanique, sourd aux bruits de la ville. Sans cesse il ressassait le problème, sans parvenir à comprendre pourquoi sa mission avait échoué. Le message délivré par la voix revenait en boucle le tourmenter : « La personne à éliminer habite dans cette ville. Une maison aux volets rouges. Sa vie est un échec total, un lamentable désastre. Ta mission est simple : tu dois anéantir ce parasite ! Tu reconnaîtras facilement cette personne : Elle est égocentrique, avare et misanthrope, incapable du moindre sentiment d’altruisme. Elle déteste les enfants et les animaux. Elle déteste également le sport, les activités manuelles, et de manière générale tout ce qui est frivole ou marginal. Elle juge l’art contemporain grotesque et décadent. Elle n’aime que deux choses : l’ordre et Bach. Lorsque tu auras trouvé sa maison, exécute-la sans la moindre pitié ! »

Non loin de là, le capitaine de gendarmerie Pelletier recevait un appel téléphonique de Paris :

─ Commissaire Padovani de la brigade criminelle. L’un de mes officiers, Antoine Keller, a disparu depuis trois jours. Son appartement est vide et son portable muet. Cet homme a souffert, dans le passé, de psychose hallucinatoire. Pour simplifier, disons qu’il entendait des voix. D’après les médecins, ça n’avait rien d’une affabulation, il entendait réellement ces voix. Sans percevoir, bien sûr, qu’elles n’étaient que l’écho de sa propre pensée. Personne dans son entourage professionnel ne s’est rendu compte du problème à l’époque : ni le discours ni les actes de Keller ne semblaient altérés. Jusqu’au jour où l’une de ses voix lui a ordonné d’abattre les chiens, tous les chiens de la ville, au motif qu’ils sont facteurs de désordre et de souillure. En moins de vingt minutes, armé d’un Manurhin, il a exécuté onze clébards dans le parc des Buttes Chaumont sous les yeux horrifiés de leurs maîtres. Par chance, il a pu être maîtrisé assez rapidement par des flics de la BAC en patrouille dans le secteur. Naturellement Keller a été immédiatement suspendu de ses fonctions et interné dans un hôpital psychiatrique. Il en est sorti au bout de six mois. Après deux ans de traitement, les toubibs l’ont déclaré définitivement guéri, et Keller a réintégré la Crim’ avec la bénédiction de la commission médicale. Pour être franc, j’aurais préféré qu’il soit réaffecté ailleurs : Keller n’a pas d’amis chez nous, c’est un solitaire taciturne et psychorigide, un maniaque de l’ordre. Il semble en outre n’avoir jamais eu la moindre relation amoureuse. Cela dit, c’est aussi un flic très efficace, doté de remarquables capacités d’écoute… Je ne vous cache pas, capitaine Pelletier, que sa disparition m’inquiète au plus haut point. J’ai peur qu’il n’ait rechuté. Si c’est le cas, on peut craindre n’importe quel débordement, d’autant plus qu’il dispose de son arme de service.

─ Je vois. Et vous pensez que ce Keller pourrait se trouver dans notre secteur ?

─ À vrai dire, je n’en sais strictement rien. Mais je viens d’apprendre que Keller possède une résidence secondaire à Rigny, une petite maison de ville qui aurait appartenu à l’un de ses parents. Voyez s’il est là et rappelez-moi aussitôt, nous aviserons sur la suite à donner.

─ Pas de problème, commissaire, j’envoie un véhicule de patrouille. Donnez-moi l’adresse…

Entre-temps, l’homme au loden avait poursuivi son chemin, de plus en plus abattu par son échec. Sans même s’en rendre compte, il était parvenu rue des Ménétriers. Immobile devant le n°12, il contemplait avec incrédulité les volets rouges de sa propre habitation. Soudain, son visage s’apaisa. Après s’être soigneusement essuyé les pieds sur le paillasson, il franchit le seuil. La porte en chêne se referma sur lui. 

La détonation retentit au moment précis où le break de la patrouille stoppait devant la maison de Keller. En un clin d’œil, la porte fut enfoncée, libérant les accents baroques d’une cantate de Bach. Les gendarmes découvrirent, affalé sur un fauteuil de cuir élimé, le cadavre d’un homme vêtu d’un manteau de loden vert. Sa main droite serrait la crosse d’un pistolet automatique. Un Beretta 92F, notera le brigadier Cazenave dans son rapport.

Figé dans la mort, le cadavre semblait sourire. Mission accomplie.


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23 réactions à cet article    


  • gruni gruni 17 décembre 2014 09:15

    Bonjour Fergus


    Une fiction intrigante de bout en bout. Il faut pas mal d’imagination pour sortir un texte comme celui là.
    Je me permets juste une petite remarque. Je ne crois pas qu’un policier avec un aussi lourd passé psychiatrique serait réintégré dans la Crim. Mais je peux me tromper. En tout cas ta nouvelle se lit avec plaisir et curiosité. Merci

    • Fergus Fergus 17 décembre 2014 09:43

      Bonjour, Gruni.

      Merci pour ton commentaire. Non, tu as raison, un flic avec un passé psychiatrique de ce genre n’aurait sans doute pas été réintégré à la Crim’, aussi grandes soient ses qualités professionnelles. Sans doute aurait-il été déplacé dans une unité territoriale plus modeste et moins en vue.

      Je profite de ce commentaire pour ajouter ceci, oublié hier à la fin de mon texte :

      Autres nouvelles :

      La troisième cible (octobre 2014)

      Le corbeau de Chabrillac (février 2014)

      C’est un Juif, monsieur le commissaire (mai 2013)

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      Sharon la flamboyante (octobre 2012)

      Le motard (août 2012)

      Le rêve brisé de Nathalie (mars 2012)

      La jeune fille au scarabée (février 2012)

      Trois petits lits (septembre 2010)

      La mort au coin de la rue (avril 2010)

      Les pleurs d’Amélie Poulain (janvier 2010)

      L’orchidée et l’artichaut (octobre 2009)


    • bernard29 bernard29 17 décembre 2014 11:01

      Très bonne histoire, bien menée, Fergus. 

      Et puis, ça fait plaisir de constater qu’il y a encore un peu de conscience professionnelle à la Crim.


      • Fergus Fergus 17 décembre 2014 11:26

        Bonjour, Bernard.

        Merci. Pour ce qui est de la Crim’, je ne crois pas que ce soit là qu’il faille rechercher les dérives les plus discutables du métier de flic.


      • Fergus Fergus 17 décembre 2014 11:38

        Bonjour, Constant.

        « jusqu’à l’attentat à Haifa qu’est venu tout gâcher ».

        Pourquoi gâcher ? Parce que les victimes sont des Juifs, victimes d’une action terroriste palestinienne ? Cela n’a-t-il pas existé ? Certes, j’aurais pu tout aussi bien choisir des Palestiniens de France en visite à Gaza et massacrés lors d’un raid de Tsahal. Mais cela ne change rien sur le fond : j’ai voulu évoquer des victimes de la géopolitique, et peu importe le camp de victimes ou celui des bourreaux.

        J’ajoute à cela qu’à titre personnel, je me situe depuis très longtemps du côté des Palestiniens - spoliés, humiliés et parfois massacrés -, et non du côté d’Israël, surtout depuis que le processus engagé par Itzhak Rabbin est mort avec lui au profit d’une fuite en avant de colonisation de la Cisjordanie encouragée par des gens comme Sharon et surtout le tandem Netanyahou-Liberman.

        Tout cela pour dire qu’il n’y avait dans ce texte strictement aucun message politique.


      • Fergus Fergus 17 décembre 2014 12:45

        @ Constant.

        Je vous lis et j’avoue que les bras m’en tombent, tant les arrière-pensées que vous me prêtez sont éloignées de ce que je suis et de ce que je pense.

        Et cela d’autant plus que j’ai écrit une première version de cette nouvelle il y a une dizaine d’années, autrement dit bien avant que je sois inscrit sur le site d’AgoraVox. Quant à être publié et lu, j’y pensais d’autant moins que ce texte - comme d’autres - est resté durant des années dans mes tiroirs sans avoir jamais été proposé à qui que ce soit.


      • Fergus Fergus 17 décembre 2014 13:37

        @ Constant.

        Rassurez-vous, je ne suis pas froissé. Je comprends d’ailleurs très bien votre réaction, tant je suis moi-même très choqué par la situation des Palestiniens dont Israël persiste à réduire les droits et à spolier les territoires en violation de toutes les résolutions des Nations-Unies depuis des décennies.

        Bonne journée.


      • bakerstreet bakerstreet 17 décembre 2014 12:07

        Bravo pour cet histoire !

        Ceci dit, je ne crois pas qu’un psy déclarerait ou pourrait déclarer, sauf en se prenant pour dieu, ce qui le ferait passer lui aussi de l’autre coté, que quelqu’un est définitivement guéri...

        Surtout un psychotique..Bien sûr,dans la police comme ailleurs on peut trouver des malades. Je veux dire de vrais malades. 
        La paranoïa peut être un avantage dans certaines professions, car ceux qui en souffrent ont classiquement ces signes : Méfiance, rigidité, hypertrophie du moi...En conséquence, les métiers dits de l’autorité, leur sont ouverts...

        Si la personne ne souffre pas d’un délire trop envahissant, et qui offre l’apparence de la réalité, il faudra pas mal de temps avant qu’il ne décompense ou que l’on ne le prenne en faute. 

        • Fergus Fergus 17 décembre 2014 12:53

          Bonjour, Bakerstreet

          Merci pour ce commentaire, et notamment pour ces intéressantes réflexions sur la personnalité des psychotiques.

          Pour ce qui est du psy qui déclare « apte à reprendre le service » un policier atteint de délire à un moment donné, je me suis appuyé, en écrivant une première version de cette nouvelle il y a une dizaine d’années, sur un cas réel relayé par la presse. Aussi surprenant qu’il puisse être, ce cas de figure est donc possible.


        • bakerstreet bakerstreet 17 décembre 2014 14:31

          Apte à reprendre le service, ça ne veut pas dire que c’est un certificat de rédemption. 

          La maladie reste là, plus ou moins cachée, et tant que le malade est suivi, prend son traitement s’il doit en prendre un, ne rencontre pas de stress, ne traverse pas de crise, ça peut le faire. 

          Tous ceux qui ont des traits parano, ne sont évidemment pas des malades ; la police et l’armée seront pour eux des terrains d’actions privilégiés, puisqu’ils pourront développer leurs névroses, qui seront comme autant d’avantages...
          Le délirant paranoïaque c’est une autre paire de manche. Si les arabes deviennent vos boucs émissaires, (ou les juifs sous le troisième reich), passe.....Si c’est des martiens, alors évidemment ça se corse pour vous, vous n’êtes plus crédible. 
          La crédibilité, c’est ce qui fait preuve. 
          Problème, souvent elle est très prégnante. Quand il y a invasion de la psyché, avec voix, l’aspect délirant va devenir difficilement canalisable, et révéler la maladie de façon manifeste. 
          Mais c’est rarement si simple

        • Fergus Fergus 17 décembre 2014 16:07

          @ Bakerstreet.

          « l’aspect délirant va devenir difficilement canalisable, et révéler la maladie de façon manifeste »

          En général, oui. Mais les facultés de dissimulation sont parfois tellement remarquables chez certains malades qu’on ne les découvre véritablement qu’après un passage à l’acte (pas forcément dramatique, d’ailleurs).


        • bakerstreet bakerstreet 17 décembre 2014 16:48

          Sauf que ça peut être très dramatique


        • juluch juluch 17 décembre 2014 13:10

          Bonjour Fergus.


          Une sacré histoire intrigante jusqu’à la fin.

          Ceci étant , une simple remarque en passant, je pense pas qu’un psychiatre réintégrerai un policier psychotique.

          mais s’en enlève rien à cette nouvelle bien écrite.

          Les description des habitants et leur petite vie raconté au personnage principal sont touchantes.

          Merci pour le partage.
           smiley

          • Fergus Fergus 17 décembre 2014 13:33

            Bonjour, Juluch.

            Merci pour ce commentaire.

            Pour ce qui est du flic réintégré, je n’aurais sans doute jamais imaginé cela si un tel cas n’avait été évoqué dans un article de presse il y a une dizaine d’années. Cela dit, je reconnais que c’est surprenant.

            Pour ce qui est de ma motivation en écrivant ce texte, je reconnais prendre beaucoup de plaisir à décrire les petites villes et le profil de leurs habitants.


          • Loatse Loatse 17 décembre 2014 13:39

            Bravo Fergus, quel talent pour faire durer le suspens ! j’ai envisagé une expropriation collective sans pour autant pouvoir en définir les critères,. un contrat (quand le beretta est entré en scène) ; une élimination d « inactifs » selon des critères définis par un quelconque despote au pouvoir...


            Un instant s’est superposé à votre récit, ce film avec poelevoorde vu récemment dont j’ai oublié le titre (une société ou chacun est chez soi du fait d’un taux de chomage massif, des enseignes de magasins qui se disloquent, quelques rares consommateurs qui s’empressent de faire leurs courses dans une zone commerciale à l’abandon)..

            Un monde renfermé sur lui même... au centre du scénario un marginal ou considéré comme tel (la nuance est importante)

             Ce qui est surprenant ; le petit grain de sable dans votre histoire, c’est l’absence totale de méfiance des visités et leur commune manie de s’épandre ou se répandre sur leur vie ou celle de leurs voisins absents.. Malgré leur apparente bonhommie, leur apparent dévouement (aux enfants abandonnés, à cet organisme des droits de l’homme).. Aucun ne s’est vraiment enquis de savoir qui il était, n’a à aucun moment dans votre récit fait montre d’intérêt pour sa personne... un vague « si vous repassez par là » n’hésitez pas à venir nous voir« et qui n’engage à rien me laisse à penser que là aussi, cet anonyme le restera ; destiné à rester le dépositaire de la vie des autres...

            Du coup j’en suis venue à me demander une fois la lecture achevée et l’énigme apparemment résolue si finalement il n’est pas le seul être »normal« de ce petit monde (fictif ?) dans lequel les chiens peuvent encore espérer recevoir une réelle attention (car ils ne parlent pas ?)

            ce qui expliquerait le pourquoi de cette élimination de ces » meilleurs amis de l’homme« tenus en laisse par leurs maitres)...et qui pouvait laisser présager »le pire« ... 

             »Pour être franc, j’aurais préféré qu’il soit réaffecté ailleurs : Keller n’a pas d’amis chez nous, c’est un solitaire taciturne et psychorigide, un maniaque de l’ordre. Il semble en outre n’avoir jamais eu la moindre relation amoureuse. Cela dit, c’est aussi un flic très efficace, doté de remarquables capacités d’écoute"

            Mais qui donc était réellement disposé à écouter keller, à lui manifester de l’intérêt.... ?





            • Fergus Fergus 17 décembre 2014 14:02

              Bonjour, Loatse.

              « Ce qui est surprenant ; le petit grain de sable dans votre histoire, c’est l’absence totale de méfiance des visités et leur commune manie de s’épandre ou se répandre sur leur vie ou celle de leurs voisins absents. » 

              Sans doute faut-il voir là le résultat de ma propre expérience, car depuis que je vis en Bretagne - pays d’ouverture et de convivialité s’il en est -, c’est à des gens comme ceux-là que j’ai affaire. Cela dit, ils ne se « répandent » pas de manière négative. Quand à ne pas chercher à en savoir plus sur l’homme qui les interroge, c’est lié à son statut de policier (il montre sa carte à plusieurs reprises), et lorsqu’il y a une invite, c’est lui qui élude.

              « écouter Keller », ce n’est pas évident : les personnes dans son genre, psychorigides et introverties, ne font en effet rien pour susciter les échanges, hors ceux que peuvent nécessiter les contingences de service.


            • bakerstreet bakerstreet 17 décembre 2014 14:21

              A vrai dire cela ne m’a pas dérangé, bien au contraire, car donnant au récit une ambiance étrange, un peu faite de cauchemar, à la Hitchcock

              Faire un récit, c’est comme pour une toile. 
              On peut respecter les couleurs et les conventions, mais au total, c’est le charme qui vous envahit ou pas, qui va faire la différence. 
              Et il faut parfois casser les conventions, et les portes, instaurer un climat, sans tirer la sonnette. 

              Quand à la réalité elle est très relative. 
              Je vous dirais que je connais des histoires qui sont si peu crédibles que j’hésiterais à les raconter, de peur qu’on me prenne pour un écrivain de gare, abusant du mélo

            • Loatse Loatse 17 décembre 2014 15:27
              ies personnes dans son genre, psychorigides et introverties, ne font en effet rien pour susciter les échanges, hors ceux que peuvent nécessiter les contingences de service.

              les « huitres » quelque soit leur aspect, provoquent aussi paradoxalement l’ envie d’en forcer quelque peu la carapace pour vérifier si à l’intérieur ne se cache pas une perle.. même petiote...

              D’ou mon trouble devant la description de ce personnage, dark de chez dark.. ;) réduit à sa fonction, à sa pathologie..

              J’aurais aimé en savoir plus.. vous avez suscité mon intérêt non seulement pour l’intrigue bien menée mais aussi pour ce personnage énigmatique, et ce d’autant plus que la dimension psychologique bien que non développée est bien présente dans votre nouvelle..

              que j’ai appréciée, il va de soi.

              Un roman en vue ? ;)

              ps : sans en faire une généralité, ici en provence, bien qu’empreints d’une apparente bienveillance, les rapports entre autochtones et « nouveaux venus » restent souvent superficiels ce qui est d’autant plus flagrants dans les petits villages ou l’esprit de clan règne..

              En bretagne certes les autochtones ne sont pas aussi extravertis, mais cette réserve qui surprend au premier abord et que l’on peut confondre avec de la froideur ou de l’indifférence, une fois tombée m’a réservée de belles surprises, celles d’amitiés généreuses et solides comme.. le granit de leurs maisons :)




            • Fergus Fergus 17 décembre 2014 16:01

              @ Loatse.

              « J’aurais aimé en savoir plus »

              Cela impliquerait que je me sois lancé dans l’écriture d’un « roman », mot que vous citez vous-même un peu plus loin. Ce n’est pas mon projet, mais pourquoi pas ?

              Cela dit, l’exercice de la nouvelle m’intéresse tout particulièrement car il faut raconter une histoire et créer une atmosphère qui tiennent la route en quelques pages. Pas toujours évident, mais le challenge en vaut la peine, même si l’on écrit sans objectif d’édition.

              Pour ce qui est des échanges sociaux en Bretagne, le fait est qu’ils sont en général très faciles. Il n’est même pas rare de tutoyer des gens rencontrés quelques minutes plus tôt, ou d’être invité à boire un café ou un apéro par des inconnus dès lors que l’on a engagé une conversation.


            • Emmanuel Aguéra Emmanuel Aguéra 17 décembre 2014 19:41

              Pas mal ficelé, Fergus, ça sent l’envie de papier, c’est rare avec moi.


              • Fergus Fergus 17 décembre 2014 19:47

                Bonsoir, Manu.

                Qu’entend-tu par là ? L’envie de lire des bons vieux romans non stockés dur une liseuse ? Pour ma part, je reste fidèle aux bouquins en papier. C’est une sorte de besoin physique.


              • doctorix, complotiste doctorix 18 décembre 2014 06:14

                Vous allez rougir : on dirait du Simenon.

                Merci pour le moment, comme disait l’autre.

                • Fergus Fergus 18 décembre 2014 09:07

                  Bonjour, Doctorix.

                  Merci pour le compliment. Mais je n’ai évidemment aucune prétention à me comparer à des écrivains comme Simenon dont les situations et les personnages sont si finement ciselés.

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