« La Révolution silencieuse », ou le prix de l’éveil des consciences
« La Révolution silencieuse » (Das schweigende Klassenzimmer) est le titre d’un film allemand de Lars Kraume sorti en France le 2 mai 2018. Inspiré d’une histoire véridique, ce film nous transporte en Allemagne de l’Est dans la ville de Stalinstadt en 1956, l’année du soulèvement des Hongrois contre l’occupant russe. Un évènement qui va bouleverser l’existence des élèves de terminale d’un lycée populaire et de leurs familles...
Dans « Friz Bauer, un héros allemand » (Der Staat gegen Fritz Bauer) sorti en 2016, Lars Kraume traçait le portrait d’un homme courageux et opiniâtre : le procureur général qui, dans les années 50, a entrepris la traque d’Adolf Eichmann, puis organisé sa capture par les agents du Mossad, malgré la frilosité des autorités, plus promptes à persécuter les homosexuels qu’à regarder en face le passé nazi de l’Allemagne.
Avec ce nouvel opus, c’est dans une ville industrielle d’Allemagne de l’Est, Stalinstadt, que le réalisateur plante sa caméra, et plus précisément dans une classe de terminale où deux garçons, à l’occasion d’une incursion à Berlin-Ouest – le mur ne sera construit qu’en 1961 – découvrent avec stupéfaction la bande d’actualité d’un cinéma de quartier.
Revenus à Stalinstadt, les deux garçons, profondément choqués, apprennent à leurs condisciples que, sous la houlette des intellectuels et des étudiants, les Hongrois se sont insurgés contre la présence russe sur leur sol. Une insurrection qui a occasionné de la part des troupes d’occupation soviétiques une répression sanglante : le bilan s’élève à plusieurs centaines de morts ; parmi eux, le grand footballeur et capitaine de l’équipe nationale Ferenc Puskás*. Consternés, les 19 élèves décident à la majorité d’observer deux minutes de silence lors du premier cours à venir.
Deux minutes de silence, très mal vécues par le professeur d’histoire, qui mettent dans l’embarras le directeur de l’établissement, un ancien ouvrier communiste. Mais cela va beaucoup plus loin car cette « protestation » dépasse le cadre du lycée et va être à l’origine d’une enquête conduite par une glaçante Conseillère de l’Éducation, diligentée par le ministre en personne. L’enquêtrice – aux allures de policière de la Stasi – et le ministre de l’Éducation – un militant communiste torturé par les nazis – voient dans le silence des élèves l’amorce d’une « contre-révolution » induite par les « fascistes » qui agissent en Hongrie dans l’ombre d’Imre Nagy. Un exemple dangereux qu’il n’est pas question de voir se développer en RDA.
Tandis que le rouleau compresseur étatique se met en place, les élèves, grâce à l’oncle de l’un d’eux qui dispose d’un poste de TSF connecté à la radio occidentale RIAS (Rundfunk Im Amerikanischen Sektor), suivent les évènements de Hongrie et prennent fait et cause pour les insurgés. Vient alors le temps des menaces et, après des déchirements, tant entre les élèves qu’au sein de leurs familles, celui d’une extraordinaire solidarité...
En réalité, cette histoire – adaptée du livre de l’un des élèves, Dietrich Garstka – s’est produite dans la ville de Storkow, à 50 km au sud-est de Berlin. En la déplaçant un peu plus loin au sud-est, dans la ville nouvelle industrielle de « Stalinstadt » (l’actuelle Eisenhüttenstadt), le réalisateur a symboliquement voulu marquer le poids, mal vécu par la jeunesse, de la présence soviétique en RDA.
Dans une mise en scène épurée, et sur fond de reconstitution parfaitement fidèle et très réussie de la RDA des années 50, Lars Kraume nous offre un beau récit, tout à la fois romantique et dramatique, servi de bout en bout par des comédiens impeccables. Bien loin des films formatés, La Révolution silencieuse, labellisée Art et Essai, mérite d’être vue par le plus grand nombre.
* Une rumeur qui sera démentie : Ferenc Puskás est décédé en... 2006 à Budapest.
La Révolution silencieuse, bande annonce
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