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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > La symphonie concertante : de Stamitz à... Sarkozy

La symphonie concertante : de Stamitz à... Sarkozy

Elle est née à Mannheim, au début de l’ère classique, sous l’impulsion de Johann Stamitz, de Johann Christian Bach et des compositeurs de Bohême (cf. « Le siècle d’or de la musique tchèque  »). Très colorée sur le plan instrumental, souvent inventive, en général fort bien écrite, elle est un régal pour les oreilles. Oubliée durant des décennies, la symphonie concertante semble retrouver désormais une nouvelle notoriété. Ce n’est que justice ! 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la symphonie concertante n’est pas née de la symphonie comme le croient de nombreux mélomanes. Ces deux formes d’écriture musicale ont au contraire vu le jour sensiblement à la même époque – vers les années 1770-80 – à la cour du Prince-Électeur palatin. Et cela n’est pas dû au hasard : d’une part les formidables compositeurs de ce que l’on a nommé « l’École de Mannheim  » rivalisaient alors de créativité ; d’autre part le public commençait à se lasser d’un concerto grosso baroque qui ne trouvait plus guère d’inconditionnels qu’en Italie.

La symphonie classique se situe à l’évidence en filiation de la sinfonia italienne. Et c’est à Mannheim puis à Vienne – sous l’influence du génial Joseph Haydn – qu’elle a évolué vers la forme codifiée en quatre mouvements qu’elle gardera quasiment jusqu’à l’ère contemporaine : un mouvement rapide de forme sonate, un mouvement lent, un menuet (qui deviendra scherzo chez Beethoven et la plupart de ses successeurs) puis à nouveau un mouvement rapide pour le final.

Les origines de la symphonie concertante sont à rechercher ailleurs. D’une part du côté des sérénades, des divertimentos et des cassations, genres dans lesquels le rôle des différents instrumentistes pouvait être joliment mis en valeur. D’autre part dans le concerto de soliste – ainsi appelé par opposition au concerto grosso – où le virtuose pouvait donner la pleine mesure de ses qualités d’interprète. Des origines variées qui, en définitive, ont fait de la symphonie concertante un savoureux cocktail, mélange subtil de symphonie et de concerto.

Constituée, comme le concerto de soliste, de trois mouvements (vif-lent-vif), la symphonie concertante doit très largement son existence à deux éléments déterminants : d’un côté les énormes progrès réalisés, durant la seconde moitié du 18e siècle, par les facteurs d’instruments dans la modernisation des bois et des vents, à commencer par la clarinette que Johann Stamitz est le premier à introduire dans un orchestre symphonique qu’elle ne quittera plus ; de l’autre, la volonté des pratiquants de ces instruments d’être mis en valeur dans un milieu musical où le violon et le pianoforte se taillent à cette époque la part du lion.

La plupart des compositeurs allemands et bohémiens ont écrit pour cette nouvelle forme musicale, à l’image de Johann Christian Bach, auteur de… 17 symphonies concertantes pour des formations diverses. Mieux : des interprètes eux-mêmes se sont mis, souvent avec talent, à la composition pour mettre en valeur leur instrument et leur savoir-faire. Ainsi sont nées de nombreuses symphonies concertantes, le plus souvent écrites pour 1 ou 2 solistes, parfois 3, 4 ou plus : on en comptera jusqu’à… 11 ! Parmi ces musiciens, de nombreux compositeurs d’excellent niveau*. Haydn et Mozart eux-mêmes, s’ils ont peu composé pour ce genre, ont laissé au patrimoine mondial deux chefs d’œuvre : la superbe symphonie concertante pour hautbois, basson, violon, violoncelle et orchestre écrite en 1792 par Haydn, et la sublime symphonie concertante pour violon, alto et orchestre composée en 1779 par Mozart. Beethoven lui-même a alimenté en 1803 – et avec quelle maestria ! – le répertoire de ce genre avec une œuvre qu’il a pourtant qualifiée de concerto, mais qui présente les caractères d’une symphonie concertante : le génial triple concerto pour piano, violon, violoncelle et orchestre.

Avec l’arrivée du romantisme, la symphonie concertante s’est raréfiée au point qu’on a pu croire le genre définitivement éteint. Á la fin du 19e siècle sont pourtant apparues de nouvelles symphonies concertantes qui, sans dire leur nom et en s’éloignant de la forme originelle, s’apparentaient bel et bien à leurs aînées. C’est notamment le cas de la superbe et très typée « symphonie espagnole » composée en 1872 pour violon et orchestre par le Français Édouard Lalo, du célèbre « Kol Nidrei** » de l’Allemand Max Bruch pour violoncelle, harpe et orchestre (1880), ou bien encore de la « symphonie avec orgue » écrite en 1886 par cet autre grand nom de la musique française, Camille Saint-Saëns.

Depuis, la symphonie concertante a retrouvé une nouvelle jeunesse : en 1923 le Britannique William Walton compose une fantaisie concertante pour 2 pianos, jazz band et orchestre qui sera suivie, en 1925, d’une symphonie concertante pour orchestre avec piano obligé. En 1926, c’est au tour du Belge Joseph Jongen de signer une symphonie concertante pour orgue et orchestre. Viennent ensuite, en 1932, le Français Florent Schmitt, auteur d’une symphonie concertante pour piano et orchestre, et le Polonais Karol Szymanowski, compositeur la même année d’une symphonie concertante pour piano et orchestre. Quatre ans plus tard, en 1936, c’est un autre Français, Jean Langlais, qui compose une symphonie concertante pour violoncelle et orchestre après en avoir déjà écrit une dix ans plus tôt pour orgue et orchestre. En 1938, le Roumain Dinu Lipatti, par ailleurs brillant pianiste, publie une symphonie concertante pour 2 pianos et cordes. Nouvel apport au genre en 1944 avec le Suisse Franck Martin et sa petite symphonie concertante pour harpe, clavecin, pianoforte et 2 orchestres à cordes, puis en 1952 avec le Russe Sergueï Prokofiev qui écrit, cette année-là, une symphonie concertante pour violoncelle et orchestre. Dernier en date, le Québécois Gilles Auger avec sa symphonie concertante pour timbales et orchestre, créée en… janvier 2010.

Impossible de terminer ce panorama sans citer ce compositeur contemporain hongrois prénommé István et auteur d’une symphonie concertante pour clarinette et orchestre, un certain… Sárközy. Rien à voir toutefois avec le président français dont les œuvres sont, s’il faut en croire sa popularité en berne, plutôt jugées… déconcertantes !

 

* Carl Friedrich Abel (1723-1787), Josef Mysliveček (1737-1781), Karl Ditters von Dittersdorf (1739-1799), Jan Křtitel Vánhal (1739-1813), Jan Křtitel Krumpholtz (1742-1790), Carl Stamitz (1745-1801), Giuseppe Maria Cambini (1746-1825), le chevalier de Saint-Georges (1747-1799), Leopold Koželuh (1747-1818), Franz Anton Rösler-Rosetti, (1750-1792), Dimitry Bortniansky (1751-1825), Franz Anton Hoffmeister (1754-1812), Peter von Winter (1754-1825), Josef Martin Kraus (1756-1792), Ignaz Pleyel (1757-1831), François Devienne (1759-1803), August Ritter (1760-1820), Franz Danzi (1763-1826), Anton Reicha (1770-1836), Georg Abraham Schneider (1770-1839), Bernhard Henrik Crusell (1775-1838) et bien d’autres encore…

** Kol Nidrei (Toutes les voix) est le nom de la prière qui est dite dans les synagogues avant le coucher de soleil qui précède l’office du soir de Yom Kippour (le Grand pardon).

 

Liens musicaux classiques :

Mozart : symphonie concertante pour violon et alto

Mozart : symphonie concertante pour flûte, hautbois, cor et basson (1er mvt)

Haydn : symphonie concertante pour hautbois, basson, violon et violoncelle (3e mvt)

Beethoven : triple concerto pour piano, violon et violoncelle (1er mvt)

Pleyel : symphonie concertante pour violon et alto (3e mvt)

Dittersdorf : symphonie concertante pour alto et contrebasse (1er mvt)

Cambini : symphonie concertante pour hautbois et basson (2e mvt)

Hoffmeister : symphonie concertante pour deux clarinettes (3e mvt)

Danzi : symphonie concertante pour flûte et clarinette (3e mvt)

 

Liens musicaux romantiques :

Lalo : symphonie espagnole (1er mvt)

Bruch : Kol Nidrei (1er mvt)

Saint-Saëns : symphonie avec orgue (2e mvt)

 

Liens musicaux contemporains :

Jongen : symphonie concertante pour orgue et orchestre

Prokofiev : symphonie concertante pour violoncelle et orchestre (1er mvt)

Lipatti : symphonie concertante pour 2 pianos et cordes (3e mvt)

Auger : symphonie concertante pour timbales et orchestre (2e mvt)

Sárközy : symphonie concertante pour clarinette et 24 cordes (1er mvt)


Moyenne des avis sur cet article :  4.69/5   (13 votes)




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10 réactions à cet article    


  • Fergus Fergus 23 août 2010 10:25

    Bonjour à tous.
    La photo qui illustre cet article est celle du Musikverein de Vienne un soir de concert.


    • L'enfoiré L’enfoiré 23 août 2010 18:25

      Bonjour Fergus,

       Excellente idée de confronter les noms connus, avec les compositeurs concertants.
       Sarkozy, je ne savais pas qu’il avait des ancêtres communs.
       
       Chacun se retrouve dans la musique avec ses impulsions.
       Wagner a été très apprécié en Allemagne pendant la guerre.
       La musique concertante suit l’événement.
       Elle ne se retrouve pas vraiment sa place dans la fiction.
       
       J’ai un faible pour la symphonie n°3 pour orgue de Camille Saint Saens depuis très longtemps.
       Je ne peux pas dire pourquoi.
       Subconscient ?
       smiley


      • Fergus Fergus 23 août 2010 19:02

        Salut, L’enfoiré.

        Istvan Sarkozy n’a, à ma connaissance, rien à voir avec Nicolas Sarkozy, fils de Pal Istvan Sarkozy, si ce n’est, peut-être, un lointain cousinage dont je n’ai pas trouvé trace.

        Cela ne les a pas empêchés de composer tous les deux dans le domaine concertant, le premier pour clarinette et cordes, le second pour pipeau et choeur de gogos.

        Plaisanterie à part, moi aussi, j’apprécie Saint-Saëns, non seulement pour sa symphonie avec orgue, mais également pour la superbe et très descriptive « danse macabre  », autre partition concertante dans laquelle le violon joue un rôle primordial.

        Les goûts et les couleurs...

        Bonne soirée.


      • brieli67 24 août 2010 08:13

        Oh Fergus..

        faut demander de remettre cet article fouillé en ligne ! 
        C’était du transitoire court, de l’éffet mère...

        Pour une grande oreille à ouïe fine, on t’as pas tout dit 
        la rakete c’pas que de la grosse artillerie, c’est sym/phonique ...


         Ganz große Klasse trotz der großen Masse, 
        unser’m l’ Artist de Pariss.... 
        Zugabe !! Zugabe !! Bubi , Bubi noch einmal
        Ach Wallenstein !!! so simmer halt wir Mannsbilder..



        • brieli67 24 août 2010 08:51

          AUX CURIEUX généalogistes 


          En fait les Mallah sont un cadeau de « guerre » offert aux « Turcs » par le Tsar russe, des courtisans religieux qui devaient remettre de l’Ordre dans la Diaspora

          pour le père : plus tard.... SUPER DOSSIER EN MAGYAR


          • Fergus Fergus 24 août 2010 09:28

            Salut, Brieli, et une nouvelle fois merci pour ces nombreux liens, encore que certains dépassent très largement mes très modestes connaissances en allemand.

            Merci notamment pour celui du festival Wallenstein de Memmingen qui n’est pas sans rappeler le « Tell Freilichtspiele » d’Interlaken auquel j’avais consacré un article, les habitants de cette petite ville de Souabe étant totalement investis dans ce spectacle historique comme les Suisses de la région d’Interlaken au service de la pièce de Schiller. La musique jouée à Memmingen est superbe et puisée dans ce qu’il y a de meilleur dans le patrimoine allemand : j’ai cru reconnaître du Praetorius, mais peut-être me suis-je trompé...

            Le deuxième commentaire comblera ceux qui veulent en savoir plus sur les origines maternelle de notre égotique président.

            Je te souhaite une excellente journée.


            • brieli67 24 août 2010 10:09


              COMME PROMIS sur T’scharkö

              en sarko prononcé à la française c’est en passe de devenir le shit anglais, le Sch.... notre M....

              http://toriblog.blog.hu/2009/05/14/nicolas_sarkozy_magyarsagarol_torteneti_ huseggel_1_resz_de_generehttp://toriblog.blog.hu/2009/05/25/nicolas_sarkozy_magyarsagarol_torteneti_ huseggel_2_resz_a_hiros_varos

              http://toriblog.blog.hu/2009/06/11/nicolas_sarkozy_magyarsagarol_torteneti_ huseggel_3_resz_az_ertol_az_oceanig

              y a des traducteurs en ligne chez google par exemple pas si mauvais.

              Sinon sur ce blog d’histoire des docs sur les pbs linguistiques, ethniques....

              Un site aux fanfares beaux arts balkans kletzmer
              à visiter..... et déployer.


              • Fergus Fergus 24 août 2010 15:34

                Merci pour ce lien avec les albums de l’Est. Plusieurs me sont connus, notamment pour ce qui est de la musique des Balkans et, plus encore, de la musique klezmer, un genre que j’apprécie tout particulièrement, particulièrement les Klezmorim et les Klezmatics qui ont enregistré un superbe album avec la chanteuse Chava Alberstein. Peut-être y consacrerai-je un article...

                Bon après-midi.


              • brieli67 24 août 2010 10:52

                Ces « théatres » en plein air......

                à l’origine la Passion sur le parvis des Eglises

                faut voir Oberammergau encore jusque début octobre
                http://www.passionsspiele2010.de/index.php?id=51

                De cette époque date nos patronymes « nobles » ou bibliques :
                Kayser celui de la famille qui joue l’empereur
                Koenig, Kieny, Kuoni .. le roi
                Furst .. le Prince
                Jost.... Joseph amusant aussi judas selon selon
                Neger pour le roi mage au gros point de beauté......
                Schirmer..... 
                trés particulier : faisait la démonstration des armes réservées à la soldatesque. au peuple

                Dans le cadre de « Jeunesse et Sport », il y avait des stages d’été de formation théatrale autour de cette troupe .... Etat de siège de Camus mais qui n’attirait pas les foules....
                puis.... des sagas historiques....
                des traces ici : avec les gros moyens de la Région
                http://www.theatre-lichtenberg.com/histo.php
                surtout des reprises....
                Hans Uberall sur la guerre de trente ans c’était en 77 ;
                un soir nous avions sur notre colline plus de monde qu’au match de reprise Racing Strasbourg _ Monaco
                chaque soir dans les 6ooo personnes et l’année de la sécheresse....

                pour la fine bouche : nos concurrents
                les Baladins  
                L’Enfoiré fouineur se délectera en fouinant


                • Taverne Taverne 29 août 2010 20:02

                  Fergus, aimes-tu aussi le jazz ?

                  Les saxophonistes ténors.

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