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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > « La Traversée de Paris » au multiple de Francis Huster

« La Traversée de Paris » au multiple de Francis Huster

Dans la lignée contemporaine du stand-up, Francis Huster défend, seul contre les ombres de la collaboration et de l’antisémitisme, la kyrielle de personnages jalonnant autour de Jambier, Martin et Grandgil, le texte original de Marcel Aymé extrait du « Chemin des écoliers » et de « La Traversée de Paris » (cf. film éponyme de Claude Autant-Lara en 56 avec Gabin, Bourvil & De Funès).

Pour mettre en perspective sa performance au Théâtre des Bouffes Parisiens, l’acteur invite les spectateurs à le rejoindre un quart d’heure avant la représentation, afin d’expliciter sa démarche, visant à rendre à l’Auteur ce qui appartient au Citoyen, Marcel Aymé.

En effet, Huster, vingt ans auparavant, en créant les « Justes » de Camus, a fait la promesse à Jean-Louis Barrault de réhabiliter la mémoire de Marcel Aymé dont la destinée semblait, après avoir été expurgée, devoir cantonner celui-ci au rôle exclusif d’écrivain pour la jeunesse.

En portant, ainsi, sur scène, la version brute des écrits de Marcel Aymé, Huster justifie son intention de démonter le manichéisme entourant cette époque pour montrer que la tendance au bien et au mal peut coexister en une même identité mais qu’en revanche, l’aspiration à la justice se doit de dépasser cette contradiction.

Oui, Marcel Aymé était un écrivain de droite comparable à Ferdinand Céline, mais, à ceci près, que ni collabo, ni vichyste, il sut dénoncer les camps d’extermination dès 1942.

Le message décodé est ainsi transmis et bien reçu par le public présent.

Francis Huster peut, donc, endosser la multiplicité idéologique des rôles en passant d’une seconde à l’autre, en leurs contraires. L’exploit est à la mesure de l’avant-scène que le comédien parcourt par le haut et par le bas, soixante-quinze minutes durant, non sans avoir signifié, ce soir-là, en poussant le paradoxe dans ses retranchements :

« La sonnerie du téléphone portable ne peut me déconcentrer des réglages de ma scénographie. En cas d’oubli d’extinction, n’attrapez pas d’infarctus, neutralisez la, tranquillement »

Pour compléter brillamment l’antithèse, il termine sa causerie en faisant part de son agacement vis-à-vis des acteurs qui, lors des premiers rappels, se croient obligés de faire mine de revenir de l’au-delà, alors que, quelques instants auparavant, leurs rôles mouraient sur scène.

Pour Huster, l’objectif recherché est, alors, de convaincre les spectateurs, qui n’en demandent, peut-être, pas tant, qu’il est possible de passer d’un registre à l’autre en permanence, tout en restant toujours soi-même.

19h00. L’artiste est fin prêt à jouer dans l’excellence de son immense talent.

photo © Muriel Huster 

LA TRAVERSEE DE PARIS - *** Theothea.com - de Marcel Aymé - mise en scène : Francis Huster - avec Francis Huster - Théâtre des Bouffes Parisiens

 


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2 réactions à cet article    


  • Gazi BORAT 27 octobre 2009 07:41

    @ L’AUTEUR

    Je n’ai pas vu la pièce, la découvre par votre article et aussi l’inflexion donnée par Francis Huster au texte de Marcel Aymé pour focaliser sur les phénomènes de collaboration et d’antisémitisme..

    Si le titre de la pièce est dans nombre de mémoires françaises, ce n’est sans doute pas par la grâce d’un texte de Marcel Aymé qui ne fut pas si lu que par un le film qu’en tira Claude Autant Lara et qui fit l’objet, outre son exploitation en salle, de diffusions régulières à la télévision française..

    La mise en scène de Francis Huster ne peut ignorer ce film et s’est vraisemblablement construite en réponse à cette autre mise en scène et en référence au texte original..

    Revenons alors sur le film : fruit du travail d’un cinéaste très marqué à droite (il fut le doyen un temps du Front National), qui s’adonna aux dérapages antisémites sur la fin de sa vie (une tirade célèbre sur la survie de Simone Weil à son séjour dans un camp d’extermination), il fut une attaque contre le « résistancialisme », part essentielle de la culture gaulliste de l’époque..

    On y voyait donc des Français, occupés non à saboter des voies de chemins de fer comme en « La bataille du Rail », ni à se coiffer de feutres sombres et de manteaux de cuir pour embarquer des héros vers les caves de la rue Lauriston..

    Les Français que l’on voit dans ce film sont occupés à se procurer à manger, au prix de toutes les veuleries, et à faire passer avant tout leurs aspirations individuelles et physiologiques avant l’adhésion à une cause collective dont l’époque fournissait pourtant un large choix..

    En retour, nombre de collaborateurs « idéologiques » à l’Allemagne nazie apparaissaient comme des êtres fourvoyés certes dans une mauvaise voie.. mais plus honorables que ces sordides trafiqants du marché noir..


    C’était bien là la fonction idéologique assignée au film par un auteur militant, que de sortir l’extrème droite française de sa « traversée du désert » entamée en 1944 et qui voyait sa fin grâce à deux phénomènes exploités pour un retour sur la scène politique : le mouvement poujadiste et la décolonisation de l’Algérie..


    Une réplique resta célèbre, très célinienne, celle du :

    « Salauds de pauvres »

    Prononcée par un acteur (Jean Gabin) qui, avant guerre, fut l’incarnation de l’ouvrier du Front Populaire (La Belle Equipe) et celle d’un être balloté par le destin en des films pessimistes (Quai des Brumes, Le Jour se Lève) que le régime de Vichy jugea a posteriori « démoralisants » et responsables en partie de la défaite de juin 1940..

    Cette réplique fut-elle tirée du texte de Marcel Aymé ou écrite par le scénariste du film ?

    Quoi qu’il en soit, le choix du « One Man Show » choisi par Francis Huster fait écho à la performance de Fabrice Lucchini, déclamant seul l’intégrale du « Voyage au bout de la Nuit ».. de Louis Ferdinand Celine..

    Serait-ce une tendance que de ne monter les textes d’auteurs « sulfureux » et de n’évoquer cette époque peu glorieuse de l’Histoire française qu’à l’aide de mise en scène visant à les abstraire le plus possible de leur contexte ?

    gAZi bORAt


    • Theothea.com Theothea.com 27 octobre 2009 17:56

      En vous remerciant pour votre contribution informative, je réponds aux deux questions directes que vous soulevez :

      - 1) « Cette réplique fut-elle tirée du texte de Marcel Aymé ou écrite par le scénariste du film ? »

      Sans conteste, cette réplique fait partie du texte de Marcel Aymé puisque prononcée, durant le spectacle, par Francis Huster ; celui-ci a confirmé, au préalable, que chaque mot était signé de l’auteur.


      - 2) « Serait-ce une tendance que de ne monter les textes d’auteurs « sulfureux » et de n’évoquer cette époque peu glorieuse de l’Histoire française qu’à l’aide de mise en scène visant à les abstraire le plus possible de leur contexte ? »

      Précisément, Francis Huster ne pratique point cette abstraction, puisque durant le quart d’heure qui précède son spectacle, il en situe le contexte social, idéologique et politique.

      Cordialement

      JM / Theothea.com

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