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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le 9è art de la censure

Le 9è art de la censure


Art majeur pour certains, mineur pour d’autres, la Bande Dessinée est, de par son positionnement, sous le regard inquiet de l’Autorité, morale ou officielle.

Art visuel, la BD est un vecteur de messages très facilement discernables. Autant un roman ou un essai pourra porter en code un message subversif, et il faudra pour le décoder un minimum d’éducation et de culture. De par son côté visuel, ne nécessitant au préalable aucun enseignement, la BD, tout comme le dessin politique ou humoristique, est d’office suspecte aux yeux des puissants qui se sentent menacés dans leurs positions dominantes, que ce soit sur le plan politique, économique, social ou religieux.

Son côté « destiné aux jeunes » renforce encore la suspicion : les enfants sont l’avenir, et pour la préservation du modèle social, il est indispensable d’en contrôler les lectures.

Pour se faire, le Pouvoir a développé envers la BD des mesures de censure et d’inquisition qu’elle n’a pas forcément transposé aux œuvres écrites, jugées plus difficiles d’accès pour les jeunes. Que ce soit en Europe, aux USA ou au Japon, la Censure, d’ État ou non, à veillé à ce que les enfants ne soient pas pollués par des idées contre-natures ou de nature à vouloir renverser l’Ordre Etabli.

On peut dire qu’il existe trois genres de Censures. Elle peut provenir de l’auteur lui-même ou de l’éditeur. On parlera alors d’autocensure. Elle peut également venir de la profession elle-même, dans un cadre plus large. Elle procède enfin de l’État, au travers des Lois édictées.

L’ auto-censure est le premier rempart à franchir pour un auteur. Si le scénario le prévoit, il peut être amené à dessiner une scène soit très dénudée, soit d’une très grande violence. Il lui incombe alors de choisir s’il décide ou pas d’atténuer le message qu’il veut faire passer. Si c’est le cas, il peut jouer sur divers éléments du dessin : le contre-champ (ou regard détourné), la focale lointaine (qui permet de minimaliser la taille des éléments douteux), ou bien l’obscurité totale.

S’il ne le fait pas, son éditeur, afin de s’éviter des soucis légaux ou financiers, peut lui demander de reprendre une planche litigieuse. Si l’auteur refuse, l’éditeur est en droit de refuser le travail livré. Ou bien de se livrer de lui-même à la manipulation.

 

 

On voit ici le choix de l’éditeur de cadrer différemment une image évoquant un prêtre violeur.

 

C’est le premier filtre que nombre d’éditeurs européens ont utilisé, surtout ceux dont les publications sont destinées à la jeunesse. Charles Dupuis, propriétaire et éditeur de la maison du même nom, veillait personnellement à ce que rien ne vienne choquer la morale catholique. Avec le temps, ses critères s’assoupliront toutefois. Mais pendant longtemps, les coloristes veilleront à ce que les poitrines féminines ne soient pas trop prononcées, et que les robes et jupes arrivent bien en dessous des genoux. Un bon coup de gouache calmant les ardeurs des dessinateurs trop en avance sur la mode vestimentaire.

 

 

Morris doit, à la demande de son éditeur, redessiner la planche évoquant la mort des frères Dalton.

 

Aux États-Unis, la censure se fait sentir dans les années 50. La publication de « la séduction de l’innocent », un pamphlet écrit par Fredric Wertham, psychiatre renommé, sonne la charge. Sa position d’expert des tribunaux lui ouvre une large audience à qui il expose sa thèse : les comics sont responsables en grande partie de la délinquance juvénile. Il convient donc selon lui de légiférer afin de préserver l’enfance. La défense maladroite de William Gaines, alors patron de EC Comics (un maison d’édition spécialisée dans l’Horreur), pousse la profession à prendre les devants pour éviter que le gouvernement n’impose une loi. C’est la naissance du Comics Code Authority (CCA), dont le rôle est d’édicter des règles de bienséance et de les faire respecter, possédant un atout de poids : une maison d’édition qui se refuse à soumettre ses publications pour l’obtention du label « CCA approved » se voit refuser l’accès aux réseaux de distribution. Seul l’éditeur Dell comics n’adhère pas au CCA mais il bénéficie de son image de marque qui le rend insoupçonnable à ce niveau : c’est lui qui édite les versions BD des aventures des personnages de Walt Disney. La grande majorité des éditeurs qui ont besoin de ces réseaux se plient à la règle et le résultat ne se fait pas attendre : la qualité des séries chute de façon drastique, le lectorat adulte fuit car les scénarios sont infantilisés, et nombre d’éditeurs mettent la clé sous la porte : comment être diffusé quand on se voit interdire de parler de crimes dans un comics policier, quand la sexualité doit être niée, que le Bien triomphe toujours du Mal par obligation ?

L’emprise du CCA est toutefois mise à mal dès les années 60. Les Comics Underground se développent. Etant diffusés dans des magasins spécialisés, ces revues se fichent de l’approbation du CCA. Certains même en font un argument de vente... L’évolution des mœurs joue aussi son rôle en montrant la ringardise absolue des règles du CCA. Stan Lee, alors scénariste prolifique chez Marvel, brise peu à peu les tabous en introduisant dans ses séries des personnages issus de la littérature fantastique classique ( vampires, goules, et Frankenstein lui-même est convié dans la série X-men...) et en abordant des thèmes sociaux, comme la discrimination raciale, et la drogue.

 

 

Harry Osborn est un des meilleurs amis de Parker, alias Spiderman. Ses relations difficiles avec son père, qu’il sait être le criminel connu sous le nom de Bouffon Vert, le poussent à se réfugier dans la drogue. Plusieurs cures de désintoxication suivront mais Harry connaitra une fin tragique.

 

Afin de préserver son pré carré, le CCA doit assouplir ses règles, ce qu’il fait lentement : ce n’ est qu’en 1989 que l’homosexualité est un thème désormais officiellement autorisé. Mais pour le CCA le mal est fait, et ce d’autant plus qu’un nouveau réseau de distribution s’est développé : de plus en plus, les jeunes achètent leurs revues dans des librairies spécialisées qui n’entrent pas dans le cadre du Code. Le coup de grâce est donné quand Marvel décide de quitter la Commission en 2001, prenant tout de même garde à donner sur ses couvertures une signalétique précisant la tranche d’âge auquel la revue s’adresse. Le CCA existe toujours, mais son influence peut être qualifiée désormais de négligeable.

 

La France et le Japon, eux, ont opté pour une censure d’État.

En France, la mention du 16 juillet 1949 suffit à faire jaillir des éclairs de rage et de colère tout auteur bien né.

C’est ce jour en effet qu’a été promulguée une loi visant officiellement à protéger l’enfance des effets pernicieux de la Bande Dessinée. Cette loi avait en fait un but moins avouable : offrir une base légale à la limitation d’importation de matériel dessiné venu des USA, importation facilitée par les accords entrant dans le cadre du Plan Marshall. Ce afin de favoriser les éditeurs nationaux d’illustrés qui, par le plus grand des hasards, ont des liens avec les partis politiques de l’époque ( l’éditeur Vaillant est ainsi une émanation du PCF ).

Mise en place, la Commission impose que tout album ou périodique de presse lui soit soumis jusqu’à trois mois avant sa mise en vente. En plus d’expurger les séries de toute violence trop marquée, la Commission des années 50 exige et obtient que les scénarios soient basés sur des considérations « scientifiques et réalistes » : Tarzan est dès lors de fait interdit de publication en France. L’ épervier Bleu, qui en 1953 commet le crime suprême d’aller sur la Lune en fusée, subit le même sort. Curieusement, Tintin n’aura pas ce soucis... Jules Verne non plus...

 

 

Ben Grimm, alias la Chose, est l’excuse officielle pour interdire la série « Les 4 fantastiques » en France. Il ferait peur aux enfants...

 

L’importation de matériel US demeure longtemps sous la menace d’une interdiction surprise. L’éditeur lyonnais LUG lance le mensuel « Fantask » ou il reprend « Les 4 fantastiques ». Au bout de sept mois, le magazine s’arrête, non en raison de ventes trop faibles, mais en raison des coupes incessantes exigées qui dénaturent l’œuvre et la rendent parfois incompréhensible. Lug corrige le tir, notamment en diffusant ses magazines suivant en noir et blanc, histoire d’atténuer le caractère violent des comics books. Mais « Marvel » doit s’arrêter après un an et voit même son numéro 14 détruit dès sa sortie d’impression.

 

 

Quoi de plus innocent qu’un gag de Boule et Bill ? Pourtant, cette planche a causé des soucis à Roba, pour « cruauté envers les animaux », alors qu’ il est visible que c’est le chien lui-même qui met ses oreilles en pale d’hélicoptère.

 

Les auteurs qui voient un album interdit peuvent faire appel de la décision, et ils ne se privent pas de le faire, ce qui leur permet de constater la stupidité profonde des membres de la commission. Tilleux voit la sortie des deux premières aventures de Gil Jourdan interdite au motif qu’elle est « irrévérencieuse pour la police » alors que la prépublication dans Spirou n’a posé aucun problème. Lors de l’appel, il apprend que le titre du deuxième épisode pose aussi problème : « Popaïne et vieux tableaux » n’est pas acceptable car on y lit le nom d’une drogue. Tilleux doit calmement expliquer que la popaïne n’existe pas, qu’il a choisi ce nom précisément pour ne pas écrire « cocaïne » en accord avec les règles de la commission... C’est dire le niveau...

 

Jacques Martin voit sa « Griffe Noire » se faire mettre à l’index en 1965 car soi-disant cette aventure d’ Alix évoquerait l’OAS. Pour une série se passant au Ier siècle avant JC, on voit mal comment. Berck a lui la surprise de voir « le roi dollar » interdit de diffusion en album, au motif que la bd serait une évocation d’une affaire de corruption en cours en France. La encore, les épisode diffusés quelques semaines avant dans Spirou n’avaient posé aucun souci. Inutile de préciser que pour eux, le marché noir en provenance de Belgique et de Suisse a fonctionné à plein régime !

La situation ne commence à se débloquer qu’avec 1968. Le changement de génération et de mentalité libère quelque peu les bandes, et la commission concentre son action sur la sexualité, invitant fortement par exemple Barbarella à aller se rhabiller. La commission perd de son influence lentement mais surement, au grand soulagement de tous. Ses avis sont de moins en moins suivis par le Ministère de l’Intérieur. En 2010, la commission est toujours active mais sa capacité de nuisance est réduite à la portion congrue. Reste à lui donner le coup de grâce. Mais quel gouvernement aura le courage de suivre le conseil de Bernard Joubert ?

« Trier la bonne littérature de la mauvaise, les artistes des faiseurs, ceux qui expriment de ceux qui pondent, nous en laissons le soin aux critiques et à nous-même, lecteur, pas à la justice ni à la police. Et à tout âge de la vie, même au plus jeune, nous ne professons qu’une règle : ne jamais reposer un livre parce que l’autorité vous l’ordonne. »

 

Le Japon lui ne voit pas le manga d’un mauvais œil. La tradition iconographique de ce pays en est surement la raison principale. Si la dictature impériale a dirigé et orienté les auteurs dans leurs scénarios, le changement de législation intervenu en 1945 a totalement libéré les mangakas sur le plan politique. La loi japonaise n’impose aucune restriction autre que la lutte contre les « outrages aux bonnes mœurs ». C’est un terme très vague, qui n’aide pas les juristes quand un cas litigieux est porté au tribunal. Pour trancher le litige, les juges japonais s’appuient dès lors sur la tradition.

Ainsi, il est possible de trouver au Japon des mangas pornographiques d’une grande obscénité, même pour nos critères : les pires fantasmes sont en vente libre, même ceux qui ici tombent sous le coup de la loi. Leur vente est libre et ne pose aucun soucis car les éditeurs sont très segmentés et restent sur leur marché. Le genre est ainsi facilement identifiable : une couverture « harlequin » signale un roman à l’eau de rose. Une couverture « Soleil productions » signifie « filles à gros nichons dedans »...

Ainsi, pour la culture japonaise, il est outrageant pour les mœurs de représenter les poils pubiens d’une femme. Le mangaka veillera à ne pas les montrer, d’une façon ou d’une autre. Cela ira de l’épilation à la culotte, en passant par la représentation d’une héroïne prépubère. C’est Marc Dutroux qui va être content...

 

 

Les mœurs changent avec le temps. Les japonais sont de moins en moins choqué par la pilosité intime féminine, et même masculine. Un sexe d’homme lui doit soit être noirci ou blanchi, soit être barré d’un trait noir, mais aucun texte ne précise l’épaisseur légale du trait...

 

L’évolution des mœurs, la multiplication des supports, la vente directe via Internet et le zèle imbécile des moralisateurs sont autant de raisons pour lesquelles une BD est de plus en plus facilement trouvable, même si son sujet est lourd ou difficile. Le dernier obstacle qui reste est l’autocensure éditoriale, renforcé par l’influence grandissante des services marketings des maisons d’éditions pour qui une BD doit avant tout être « bankable ». Le rendement avant la qualité, quoi.

(à suivre)

 


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17 réactions à cet article    


  • LeGus LeGus 4 mai 2010 08:56

    Maintenant on utilise photoshop. mais plus du tout pour couper les poils qui dépassent.
    Et plus du tout pour protéger les enfants mais pour que les adultes restent des grands enfants.

    pouf pouf


    • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 10:19

      Photoshop, botox, même combat...


    • King Al Batar King Al Batar 4 mai 2010 11:55

      Bonjour à l’auteur.

      J’ai déjà vu des mangas de cul (Angel je crois) dedant les personnages masculins ont le gland gommé.... Ca doit faire mal quand même !

      Pour revenir au serieux, je m’interroge souvent sur la mort du Captain America, décédé il y a peu, dans une serie appelé Civil War (qui est d’ailleurs pour moi le meilleur Marvel depuis bien longtemps). Serait ce pour ne pas trop envenimer les choses. On sait que le Captain avait pour habitude de se battre contre les groupuscules extrèmiste (nazis pour la plupart, communistes également, mais parfois aussi terroristes). Il est clair que Marvel, dans ces comics a toujours été vigilant a ne pas dessiner les « arabes » comme des méchants, dans leur BD. Alors qu’on relevera, si vous vous y connaissez un peu (et cela me parait être le cas), que 90% des mecs de marvel sont et ont été des juifs.

      Je pense que c’est une grande marque d’intelligence d’avoir fait mourrir cet icone du patriotisme américain, nottement durant la guerre froide, pendant cette période de pseudo conflit de civilisation ou finalement il n’aurait lutté que contre des terroristes musulmans.

      Ils avaient déjà fait un coup similaire au début des années 80 en faisant mourrir l’un de leur plus grands icones à savoir Captain Marvel, d’un cancer. Démontrant ainsi à leur lecteur que n’importe qui peut mourrir d’un cancer, même le plus invincible des super heros, dans le but de favoriser et d’encourager l’aide à la recherche dnas cette lutte contre cette maladie.

      On aura beau penser ce que l’on veut des super heros de marvel, je trouve important de relever leur grande intelligence, dans les nombreuses décisions appliquées et plus ou moins liè à a politique actuelle.


      • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 13:16

        " Il est clair que Marvel, dans ces comics a toujours été vigilant a ne pas dessiner les « arabes » comme des méchants, dans leur BD.«  : Ce qui est faux. Cap a été confronté avant sa mort à des groupes terroristes musulmans ou a des soldats arabes. La seule différence de traitement réside dans le fait que contrairement aux années 40 ou Cap donnait allègrement de le »face de citron", il reste désormais poli et ne dénigre pas racialement ses adversaires.


      • King Al Batar King Al Batar 4 mai 2010 15:30

        Je ne suis pas tellement d’accord avec vous. Si l’on regarde bien derière chaque groupe terroriste meme musulman, le chef derriere est bein souvent un super vilain bian américain, ou alors un crane rouge de derriere les fagots etc... Il n’y a pas de super vialin mechant arabe.

        Un peu comme le film Iron Man (qui est pas mal d’ailleurs) effectivment au debut il est prisonier de mechants arabes, qui se trouvent eux même manipulés par un marchant d’arme américian. Bref les grand méchants et la menace de la planête ne sont clairement pas les arabes chez Marvel.

        Et il me semble que peu avant sa mort, América avait d’autre chat à foueter que els terrosriste musulman, vu qu’il était lui même hors la loi pour avoir demandé l’annulation de la loi qui visait à ce que les super heros ait l’obligaiton de donner leur identité.


      • King Al Batar King Al Batar 4 mai 2010 15:34

        Mais pour revenir à ce que vous dites Mmarvin (j’espere toujours pour Marv de Sin City), si il combattait des terroriste arabes, les auteurs ont quand même préféré le voir mourrir plutot que de le voir s’enliser dans ce type de guerre.

        en fait mon questionnement est pourquoi faire mourrir Captain America, symbole du patriotisme américain, alors que les americians sont toujours si ce n’est encore plus patriotes qu’il ne l’étaient autrefois. La seule réponse que j’ao trouvé et que les auteurs soient en désacord avec le néo patriotisme américain anti arabe, là ou l’anti communisme ne les dérangeaient pas....


      • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 19:06

        Pari perdu.

        La mort de Cap était une volonté chez Marvel de faire de la place pour des personnages moins connus, et aussi pour relancer l’intrigue générale et offrir une fin dramatique à l’excellent « Civil War ».

        D’ailleurs, le costume et le nom de Cap ont été repris. Cap n’est donc pas véritablement mort.

        D’autant plus que dans le Marvel-verse, la mort est en général un état transitoire, les véritables décès ne concernant que le vulgus pecum.


      • Ethers 4 mai 2010 14:27

        en tout cas, je suis bien content que Lucky Luke ait été expurgé de toute violence : qu’aurais-je lu à 8 ans sinon en plus d’Astérix et Tintin ?
        (je n’ai plus 8 ans, les versions non expurgées m’auraient intéressé il est vrai, mais que voulez-vous, on ne peut pas tout avoir)
        De même, je rends grâce à John Ford et John Wayne pour leurs westerns un peu mièvres, mais, qui eux aussi, ont rythmé mes samedis soirs ou dimanches après-midi à 8-10 ans.

        Sur le fond, la citation de Joubert que vous prenez est intéressante mais pas complètement honnête car elle juxtapose deux sujets totalement différents : la qualité et la morale. Le lecteur ou le critique sont les seuls juges de la qualité d’une oeuvre, et en effet, l’Etat n’a en rien la compétence pour décider à leur place. En revanche, en ce qui concerne la morale, ça se discute. Je n’ai pas de conviction forte à ce sujet, mais je crois qu’il n’est pas inutile de laisser à l’Etat la possibilité d’interdire une œuvre ou d’en ordonner une modification qui serait jugée dangereuse pour l’ordre public, pour la cohésion sociale, pour la santé mentale des plus jeunes, etc. La grande difficulté étant évidemment, qu’il n’existe plus une seule et unique morale, et que même celle qui devrait être le dénominateur commun, la morale républicaine - très impregnée de catholicisme -, ne fait plus consensus. Du coup, tout jugement ne peut plus être considéré que comme arbitraire.


        • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 14:41

          La violence est dans l’oeil de celui qui regarde, mais pas uniquement. Il y a bien des façons de suggérer ou de montrer pour appuyer telle ou telle scène. Et la violence ne se limite pas au sang ou au combat.

          En fait, d’une certaine façon, la violence cachée est plus insidieuse, plus perfide. Les films de John Ford sont montrables selon les adultes car la violence physique n’y est pas réaliste. En revanche, ils sont très pernicieux : tout comme les western des années 50 et 60, le « coup de poing » ou le gunfight n’est pas le soucis majeur de ces films, mais les images qu’il véhiculent : l’ Indien (peau rouge = rouge = communiste) y est l’ennemi de toujours, traître et perfide, alors que le Blanc se bat de face. Le Mexicain Basané y est au mieux fainéant, au pire tortionnaire (et obligatoirement tué vers la fin du film). Quand à la Femme, son grand rôle est celui de la Demoiselle En Détresse, en général passive face aux événements. Quand capturée par l’Indien (sous entendu violeur) elle tente de s’échapper, son plan échoue toujours à cause d’un rien, et elle doit attendre que le Héros arrive avec son plan alambiqué qui réussit toujours.

          Il faudra attendre des films comme « la flèche brisée » ou « little big man » pour que le manichéisme blanc gentil/indien salaud soit enfin brisé. Ce sont plus ces films qui devraient être diffusés le dimanche après-midi...


        • LE CHAT LE CHAT 4 mai 2010 15:58

          @mmarvin

          on peut dire la même chose des vieux Tarzan ! les porteurs noirs sont fainéants et lâches , seuls les blancs tiennent le coup jusqu’à la fin ( exception faite du chef des porteur qui est le dernier black à mourir ) sans se faire bouffer par les cannibales !


        • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 19:10

          Exact.

          Tout cela précédait d’une vision racialiste des choses. L’entre deux-guerres était un moment ou l’occidental se voyait encore comme le phare de la civilisation, dont un des devoirs était d’aller porter les lumières du savoir aux malheureux Noirs englués dans l’ignorance. En échange de ses territoires et de ses ressources minières, tant qu’à faire, hein... Autant ne pas faire le voyage pour rien...


        • Ethers 4 mai 2010 20:57

          entièrement d’accord avec vous en ce qui concerne les westerns de John Ford : ils ont une vision du monde assez manichéenne et ils véhicument de nombreux stéréotypes (il y a quelques films néanmoins comme la Prisonnière du Désert, avec John Wayne - comme souvent - qui sont beaucoup plus fins...).
          Je pense cependant que montrés à 8-10 ans ils ne peuvent pas faire grand mal ! Little Big Man, certes, mais là encore, à 8-10 ans, c’est trop compliqué !
          A cet âge-là, on n’a pas le recul pour aborder tous ces éléments politiques et sociaux - tant mieux pour mieux, et ne gâchons pas l’insouciance de l’enfance avec toutes ces finesses de la vie réelle - , on veut voir des histoires simples (et un pédopsychiatre ajouterait et développerait sur le thème que l’enfant a besoin de manichéisme car ça l’aide à structurer sa personnalité, qui a ensuite bien le temps de s’affiner).

          Enfin, dans une perspective artistique (pas pour les enfants de 8 ans non plus smiley), il est intéressant de bien connaître le western fordien, quasi fondateur du genre et de nombreuses évolutions du cinéma, illustratif d’une actualité politique et sociale - comme vous l’avez souligné avec la couleur de peau des indiens par exemple -, soucieux du détail - comme en témoignent tous les extraordinaires 2nds rôles, régulièrement incarnés par Victor McLaglen et Ben Johnson -, et même en tant que comparaison avec leurs successeurs... Ce serait vraiment dommage de ne plus les diffuser, les montrer et les regarder !!! (et puis, ils n’ont jamais empêché les enfants de jouer aux cow-boys et aux indiens, et de trouver des volontaires pour être les indiens smiley


        • LE CHAT LE CHAT 4 mai 2010 14:50

          j’ai dévoré dans ma jeunesse les metal hurlant , l’echo des savanes et fluide glacial , c’était déjà vachement plus déluré que Tintin et Lucky luke !


          • Mmarvinbear mmarvin 4 mai 2010 19:11

            Normal, le public n’était pas le même. Pendant longtemps, je me souviens avoir vu « fluide » être vendu aux coté des magazines pornos...


          • LE CHAT LE CHAT 5 mai 2010 11:31

            quand à fluide glacial , avec les aventures de soeur marie thérèse des Batignolles , ça donne de quoi jaser au Vatican ! smiley


          • Castor 4 mai 2010 18:04

            Sympa, l’article !

            Merci Mmarvin.

            • crazycaze 4 mai 2010 23:51

              Exact mmarvin, lecteur inconditionnel de Fluide quasiment dès sa création, c’était compliqué de pouvoir l’acheter alors qu’il était placé avec les bouquins de cul pour adulte, quand certains ne faisaient pas du zèle en ne le mettant pas en rayon comme ils le faisaient pour les magazines pornos.

              J’ai ai quelques perles de la BD subversive qui ne pourraient certainement plus être édités et/ou vendus chez le marchand de journaux du coin de nos jours, comme seraient privés d’antenne divers comiques.

              Il est à noter parallèlement que certains dessins animés comme South Park sont vraiment excellents, mais si les parents laissent de très jeunes gamins regarder, c’est eux qu’il faut censurer (j’suis pas sûr que ça leur plaise, heureusement...).

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