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Le café de l’Excelsior

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Fermé pour cause de …

Un café, un vieux bistrot comme on en trouve encore parfois, en cherchant bien. Un homme derrière son comptoir, bon, généreux, fort en gueule, passionné, excessif, accueillant, mais pas toujours. Une ambiance masculine : des hommes, rien que des hommes, qui boivent et refont le monde. Des habitués avec leurs rites et leurs travers, rarement des gens de passage. Un décor un peu glauque, le poids des ans, le refus de la modernité et du changement, sans doute.

Le Nord de la France à moins que ce ne soit la Belgique. Les canaux, la rivière, la pêche parfois, avec une nasse et à la braconne. Quelques loisirs ; mais si peu ! Le travail, toute la semaine sauf le dimanche après-midi… Le bar presque toujours ouvert, sauf à l'heure de la sieste, pour des clients qui semblent faire partie de la famille. La famille ? Elle se résume au patron de ce bel estaminet et sa petite-fille, orpheline qu'il héberge avec cette humanité bourrue que seules les vieilles personnes peuvent avoir.

Le décor est planté d'autant plus facilement que c'est dans un bistrot de quartier que la compagnie aime à produire cette pièce. Magali Berruet, l'unique actrice, s'invite avec son accordéon pour envoûter les clients au travers des évocations d'une petite fille âgée de huit ans qui se souvient… Un tabouret de bar, le comptoir, le patron ; derrière celui-ci, les clients, Magali n'a pas besoin de plus pour nous entraîner dans l'imaginaire de Philippe Claudel, l'auteur du livre éponyme.

C'est Christian Sterne, de la compagnie des Fous de Bassan, qui a mis en scène ce texte merveilleusement adapté par Pierre Garin pour offrir à l'actrice une partition idéale. Elle nous entraîne, nous fascine et nous émeut. Elle se joue des situations, elle est, tour à tour, l'enfant, la narratrice, la conteuse, l'observatrice de ce monde perdu. Tout est réuni pour faire de ce voyage, un grand moment. Les quelques airs d'accordéon, le jeu de Magali et le texte si évocateur font de nous des habitués de l'Excelsior. Ce soir-là, le restaurant « Le Tonnelier » nous permet de plonger dans cet univers inoubliable. Laissez -vous porter à votre tour ….

Nous buvons un Rosé Picon ou un petit blanc, nous jouons à la manille ou nous mangeons la fabuleuse et très discutable « Corbeille d'eau douce, cette bouillabaisse des rivières, si trouble et bien peu ragoutante ! Nous faisons partie du décor : nous sommes installés à l'abreuvoir des dieux à mobylette ; nous sommes ceux-là et quelques autres. Nous imaginons le vieux rideau délavé, celui qui a vécu tant de choses, qui est le témoin de toutes les peines du monde et d'une vie aussi et le grand rideau de fer qui ne va plus jusqu'à terre…

Magali est cette petite fille qui égraine ses souvenirs, dévide sa nostalgie. Elle est la dame qui revient sur ses pas et découvre la péniche : « Le diamant de Gaspésie » Elle nous prend à témoin, nous conduit par le cœur. C'est un pur moment de bonheur, d'enfance insouciante, d'une vie qui se passe entre les glorieux du Muscadet et les constipés de l'âme. Tout au fond du jardin, la petite cabane, le clou tordu et le papier journal, un univers familier d'une époque à jamais révolue.

Le grand-père et la petite-fille vont parfois dans la grande ville. Sur la porte du bistrot, une pancarte : « fermé pour cause de » … sans que le motif ait besoin d'être expliqué. Il monte dans le car, conduit par un des meilleurs clients du caboulot. Un chauffeur d'exception quand il conduit en état d'ébriété. La modération n'avait pas sa place dans ce décor d'autrefois. Nous les suivons, ils se tiennent par la main, si proches ...

Dans cette grande ville une menace plane sur la petite. Elle la devine, elle la redoute. Le grand-père aussi ; il lui serre la main trop fort, il marche inquiet, la petite ne dit rien. Il faut aller affronter les services sociaux, ce personnage à l'haleine fétide, celui qui un jour … Mais pour l'heure, la menace s'estompe ; les deux vont célébrer la prolongation de la fête en allant dans un autre Excelsior. Mais dans celui-ci la clientèle est si distinguée, si propre sur elle, que nos deux amis ne se sentent pas chez eux.

Dans la grande ville, tout est différent, ils n'ont qu'une hâte, retrouver leur refuge, leur vieux bistrot. C'est là que le grand père refait chaque fois la bataille de Waterloo avec un balai-brosse. Le sort des armes en est toujours modifié. La grande armée sort victorieuse et tout le monde est content. Les habitués peuvent alors boire à la santé des vieux grognards. Un monde féerique, une vie de rêve pour la petite parmi les exagérations d'un grand père merveilleux.

Puis, l'univers de l'enfant s'effondre. Nous basculons alors dans une évocation plus douloureuse. Je vous laisse découvrir la dernière partie. Il convient juste d'esquisser cet univers afin qu'à votre tour vous ayez envie de le découvrir. Ce n'est d'ailleurs pas très compliqué : il suffit de contacter la troupe, d'inviter Magali à vous transporter au pays des émotions, de trouver un troquet pour que se joue ce conte d'enfance.

Un bar, quelques clients, un chapeau et le tour est joué. Le théâtre s'invite à votre table. L'émotion gagne l'assistance. Vous partagez un moment de ceux qu'on n'oublie pas. Vous sortez différent. C'est la magie du spectacle vivant, le talent de l'actrice, la justesse d'un texte ciselé, la beauté d'une histoire simple. Je ne saurais que vous recommander de devenir à votre tour client du café l'Excelsior. À la bonne vôtre.

Nostalgiquement sien.

Demandez le spectacle  :

http://www.lesfousdebassan.org/?-LES-CREATIONS-#ancre188


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