« Le Deuxième souffle » : un remake doré sur tranche
Sortie mercredi du remake du film de Melville d’après le roman de José Giovanni, lui-même réalisateur dont Alain Corneau fut l’assistant, c’est lui qui se colle à cette tâche iconoclaste...
Gu manque de louper son évasion de la prison en hésitant à sauter d’un
mur, un complice l’aide, mais des trois évadés, deux seulement en
réchappent.
Pendant ce temps, dans la boîte de la belle Manouche, trois tueurs font
le ménage, le caïd amant de Manouche est abattu, son garde du corps
riposte, un des tueurs mord la poussière, c’est le « détail » qui va
enclencher la mécanique tragique. Car ce tueur-là n’était pas n’importe
qui, mais le comparse de Venture Ricci, truand de l’ancienne école dont
le frère, propriétaire du Ricci’s bar, est une crapule. Pour preuve,
après la tuerie de la boîte, le frère de Ricci envoie illico deux
acolytes minables dévaliser Manouche, devenue veuve, mais
malheureusement pour eux, ils tombent sur Gu... Après avoir liquidé les
deux malfrats, Gu s’apprête à faire subir le même sort au frère de
Ricci, mais dix ans de prison l’ont pétrifié, il renonce.
Le personnage de Gu est un homme cassé, détruit de l’intérieur, qui
répète à Manouche « j’ai joué et j’ai perdu ». On comprend qu’il s’est
effondré en prison, a refusé que ses amis organisent son évasion
quelques années auparavant, s’est comporté comme « une loque » d’après la
rumeur. Pourquoi s’est-il évadé aujourd’hui avec le projet affiché de
refaire sa vie avec Manouche, on ne sait pas. Sans doute pour se
racheter une image d’homme d’honneur vis-à-vis de lui et des autres.
Car Gu a un comportement presque suicidaire : il ne prend aucune
précaution, il se promène à l’air libre, il tue ses victimes avec la
même arme, contrairement à la règle de changer de calibre pour chaque
crime, ce qui permet au commissaire de retrouver sa trace... Surtout que
les temps ont changé et le "code d’honneur" des bandits a disparu, ce
qui met Gu hors jeu d’entrée... Par l’entremise d’un certain Orlof, Gu,
accablé de dépendre de l’argent de Manouche, accepte pour se refaire de
participer à un hold-up sanglant avec Venture Ricci à qui il manque un
homme (le tueur tué du début). Mais non seulement, l’affaire va mal
tourner, mais le pire va arriver à Gu : piégé par la police, il passe
pour une balance aux yeux de tout le milieu.
Les différences Corneau/Melville, avantages et inconvénients :
Remplaçant l’irremplaçable Lino Ventura dans le rôle de Gu, qui
pourtant ne convenait pas à l’auteur José Giovanni*** qui le trouvait
trop costaud pour l’emploi, Daniel Auteuil a adopté un nouveau style,
débutant, il surjouait (les comédies), dans les Claude Sautet, il avait
tout gommé (sa meilleure période), ici, il grimace, il roule des
billes, il en fait trop. Outre un Gu plus fragile que dans la version
de Melville, la grande différence de scénario est l’hypertrophie du
personnage de Manouche qui prend presque autant de place que Gu, la
plantureuse Belluci prenant la relève de Christine Fabrega (version de
Melville) qui était loin d’être un top model... Une idée qui nuit
considérablement à l’ambiance polar noir. La love story n’est pas
soluble dans le polar noir, film macho, film viril, film d’hommes où la
femme est absente ou fatale, quasi abstraite.
*** José Giovanni auteur et lui-même réalisateur de films dans les
années 70 comme Dernier domicile connu avec Lino Ventura, La
Scoumoune avec Belmondo ou Deux hommes dans la ville avec Delon.
Les points faibles : le film a un grand défaut, bien qu’il soit remarquablement bien filmé,
il est plat, se déroulant comme un parchemin. Second défaut, il est
froid, bien qu’enveloppé dans des tons chauds caramel, traité d’un
point de vue esthétique avec un grand soin de reconstitution de
l’époque (voitures comme la DS, la 404, etc.), on reste totalement
extérieur à ce qui se passe, sans empathie pour les personnages.
Troisième problème : l’interprétation : excellente pour les seconds
rôles : Jacques Dutronc (Orlof), Nicolas Duvauchelle (Tony), Gilbert
Melki (le frère de Ricci), Daniel Duval (Venture Ricci), Michel Blanc
(le commissaire), le couple star n’est pas renversant, Auteuil (Gu)
surjoue et Monica Bellucci (Manouche) défile (coiffée décoiffée blond
jaune comme Bardot dans des robes années 60 superbes, très bien le
look) avec son sempiternel regard mouillé (exactement le même que dans Shoot’em up).
Les points forts : les seconds rôles, l’image, la lumière, un film plutôt agréable à regarder, à observer...
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