Le Folk... et vous trouvez ça beau ?!

Le folk, résurgence vivante d’une musique nommée folklore, méritait depuis longtemps un solide dépoussiérage, ce qui commença peu après les évènements de mai 68, à grands coups de sabots.
Il faut reconnaitre que ces groupes musicaux folkloriques, enrubannés, pour ne pas dire déguisés, dont l’authenticité laissait souvent à désirer, semblaient plus proches d'une l’image d’Epinal qu’à celle d’une musique vraiment vivante.
Il s’agissait donc alors de faire revivre ce genre, en utilisant autant les instruments d’alors, que ceux d’aujourd’hui, invitant même dans la noce des instruments venus d’ailleurs : dulcimer, banjo 5 cordes, guimbarde, etc... Certains groupes allant jusqu’à inventer de nouveaux instruments.
Pour comprendre ce qui s’est passé, il faut s’intéresser à un certain Woody Guthrie, qui fut l’inspirateur de Bob Dylan, (lien) et de quelques autres, s’intéresser aussi aux protest songs, aux chants de travail, de prison, de fête, parsemés de légendes plus ou moins authentiques. écoutez
Certains artistes prestigieux furent invités en Europe : Derroll Adams et son légendaire banjo, par exemple et tant d’autres.
D’ailleurs, aux USA, un festival folk avait lieu dès 1962, « l’American Folk Blues Festival », dont il reste au moins les LP 33T.
On pouvait y entendre John Lee Hooker, Memphis Slim, Sonny Terry, Brownie Mc Ghee, et beaucoup d’autres. écoutez
Il serait anormal de passer aussi sous silence le folk sud-américain, notamment celui du Buena Vista Social Club, qui, par le plus grand des hasards, remis en scène d’authentiques artistes oubliés, porteurs de la mémoire musicale de leur pays. écoutez
Ils ont été non seulement les acteurs d’un certain renouveau d’une mouvance folk, mais se sont aussi retrouvés dans celle du Jazz...
Hélas oublié dans mon dernier article, cette musique afro-cubaine est l’une des composantes essentielle qui a aussi permis l’évolution du jazz...
Mais en France, on partait de plus loin, il fallait d’abord puiser dans le répertoire louisianais, québécois, qui avait gardé très vivantes beaucoup de musiques, de chansons.
Mais il fallait aussi faire du « collectage », visitant les fins fonds du Berry, ou d’ailleurs, afin de trouver des musiciens, des chanteurs, du cru, qui avaient gardé un peu de cet héritage, et qui, pour certains, avaient continué à le pratiquer.
Le folk américain avait déjà débarqué lors de la 2ème guerre mondiale…à l’image du héros de Morris, Lucky Luke, lequel entonnait un chant de cow-boy, provoquant la panique à un troupeau de vaches. Voir page 24
Puis le temps a passé.
Des clubs de folk s’étaient ouverts ci et là...
Le premier hootenanny parisien s’était tenu au célèbre Café de la Gare, en décembre 69, et son créateur, Romain Bouteille, avait accepté de le louer tous les lundis, puisque ce soir-là, c’était relâche, d’autant que Bouteille avait demandé le concours des Wright, Masson, et Waring, qui donnaient des intermèdes musicaux, entre les sketchs de Miou-Miou, Coluche, Dewaere...
L’un des acteurs français du renouveau du folk reste aujourd’hui encore assez méconnu, il s’appelle René Zosso, et ce vielleux contemporain avait, en territoire genevois, lancé un hootenanny, dans la droite ligne du hootenanny parisien, dans lequel tout le monde pouvait faire acte de création, en chansons, en texte, en musique : je l’ai déjà évoqué dans un article ancien
Ainsi Zosso allait nous faire découvrir Roger Masson, Steve Waring, mais aussi Alan Stivell, Derroll Adams, Tucker Zimmerman, Grand-Mère Funibus Folk ...écoutez
L’un des 1ers à chanter en France « travailler c’est trop dur »...écoutez
On y trouvait Ben, (Jacques Benhaïm) une sorte de clochard céleste, au violon, guitare, Christian Leroi-Gourhan au dulcimer, Michel Hindenoch, violon, banjo, guimbarde.... lien
Plus tard, Zosso m’avait transmis le flambeau du Hootenanny genevois…et petit à petit, au fil des complicités, je découvris deux musiciens qui m’accompagnaient parfois dans mes chansons…d’autres allaient s’y joindre plus tard, et Aristide Padygros était né, chaque lettre du nom étant la première de chacun de nos prénoms.
Forts des rencontres que nous avions faits, nous allions mêler à mes protests songs des thèmes du folk, cajun, français, voire québécois…un spectacle assez improvisé, parfois délirant, largement inspiré de l’humour des Monthy Pyton, et à nos débuts, nous étions peu prisés des fervents purs et dur du Folk...
Notre première apparition dans un festival Folk fut à Lenzburg, en Juillet 74... lien
La même année, Coluche, que nous avions rencontré alors qu’il n’était qu’en devenir, lors d’une TV genevoise, (lien) se lia d’amitié avec nous, et nous invita dans son « Caf Conc’ des Champs Elysées », nous proposant une première partie...lien
La boucle était bouclée... Coluche, celui qui, avec d’autres, avait essuyé les plâtres du café de la Gare, lequel invitait les « folkeux » d’alors à faire d’originales transitions, nous avait proposé un sympathique tremplin.
Devant le succès grandissant (nous avions joué à Cazals devant 40 000 personnes) (lien), la TV suisse nous proposa un budget pour réaliser un long métrage.
Hélas, devant la pression, le groupe, par une majorité de 4 contre 3, décida de laisser tomber notre stratégie basée sur la complicité et l’improvisation, et se mit en tête d’écrire un scénario de gags...l’échec, prévisible, du film mit fin à ma collaboration au groupe, et je décidais de quitter la Suisse par la même occasion, reprenant mon bâton de pèlerin...
Bien m’en pris car le groupe cessa bientôt les concerts, n’ayant plus la même adhésion du public...
Mais revenons au Folk.
A part Genève, un club de Folk s’était ouvert à Nyon en 1974 et aller faire parler de lui, jusqu’à aujourd’hui, car son animateur, un certain Daniel Rosselat, allait donner naissance quelques années plus tard, à l’un des plus gros festival européen, (230 000 visiteurs cette année) le Paléo Festival, dont Padygros fut fier d’avoir été l’un des invités, aux côtés de Marcel Daddi, François Béranger, et de quelques autres (lien) en 1977, devant, à l’époque, 17000 spectateurs. lien
Le 1er festival de Folk en France se déroula à Lambesc, en aout 1970, puis l’année suivante vint celui de Malataverne, co-organisé par un certain Pierre Toussaint en mai 1971… j’en garde un souvenir ému…lien
J’y avais découvert Malicorne, la Bamboche, la Chiffonie, Roger Masson, François Béranger, Catherine Perrier et John Wright, René Zosso, Bill Deraime, Christian Leroy Gour ’han, Deroll Adams, Steve Waring, Valérie Lagrange et quelques autres
L’année suivante, ce fut le festival de Vesdun, festival, organisé conjointement par les clubs du Bourdon et de la Chanterelle, où l’on trouvait côte à côte, les nouveaux folkeux, et les anciens, notamment un certain André Dubois, à la vielle à roue, un sancerrois producteur aussi de Crottins de Chavignol.
On assista ce soir-là à un mémorable et improvisé duo de guimbarde entre John Wright et Tran Quang Haï, intitulé Haï and me. écoutez
Aujourd’hui il est trop tôt pour faire le bilan de l’évolution actuelle ...les instruments électrifiés utilisés par de nombreux acteurs de la scène folk... Malicorne, et bien d’autres, ont sans doute fait encore évoluer la musique dite « folklorique »...écoutez
Et puis la mondialisation a fait surgir la musique indienne, voire chinoise, voire d’Europe de l’Est. Ecoutez Gadji-Gadjo, ces québécois très inspirés par les tziganes.
Le continent africain n’est pas à la traîne, loin s’en faut, et Tiken Jah Facoly en est la preuve vivante...et il est loin d’être le seul...écoutez
La facilité des déplacements, le brassage des cultures, boostés peut être par le changement climatique, ou le niveau de l’oppression politique de certains citoyens, sont en train de faire renaître des musiques, des cultures, qui étaient sur le point d’être oubliées.
Nous n’en sommes probablement qu’aux prémices d’une nouvelle évolution de ces musiques, ce que l’avenir confirmera, ou pas...
Le groupe ill-river, avec son Urban folk en est peut-être la preuve...écoutez
Et quid d’Alexandre Kinn, avec son bio-folk que certains nomment déjà « le nouveau prince du folk français »... ? écoutez
Connaissez-vous Pep’s, qui après son Liberta, propose d’autres pistes ? écoutez
Il sera le 26 août prochain au Zic Off festival de Passins, en Isère. lien
Mais comme dit mon vieil ami africain : « c’est toujours au bout de la vieille corde qu’on tisse la nouvelle ».
L’image illustrant l’article vient de http://anotherwhiskyformisterbukowski.com
Merci aux internautes pour leur aide précieuse
Olivier Cabanel
Articles anciens
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Albums cultes
1er festival folk de Lambesc 1970
Musique populaire d’expression française
C’est la fête à Malataverne 1971
1er festival de musique traditionnelle 1972
3ème folk festival auf der Lenzburg 1974
Festival de Mamirolles juin 1976
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