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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le Nom de la rose par Umberto Eco

Le Nom de la rose par Umberto Eco

franck abed ECO

Tout le monde ou presque a déjà entendu parler d’Umberto Eco, cet écrivain et universitaire italien, auteur d’études et de romans remarqués. Toutefois, il est surtout connu du grand public pour ses œuvres romanesques comme Le Pendule de Foucault ou Le Nom de la Rose. L’adaptation de ce dernier titre au cinéma permit à Eco d’accroître sa renommée internationale.

Quand nous évoquons Le Nom de la rose, la majorité des personnes pense au film et non au roman policier. Inévitablement, des images sombres des Temps féodaux occupent les esprits. Elles renvoient à une époque forcément obscure, dure et terrible, alors que la réalité historique fut tout autre.

L’adaptation cinématographique insiste principalement sur l’enquête policière et sur la noirceur supposée de ce Moyen-Age, période finalement très mal nommée. Il suffit de voir les gros plans où la caméra nous montre des paysans aux faciès sales, aux cheveux hirsutes et aux bouches édentées pour renvoyer une image désastreuse. Nous sommes confrontés à une vision historique fantasmée voire même caricaturale. La plupart des figurants présente forcément des accoutrements peu dignes, comme des guenilles et des habits rapiécés, sans parler de leur air ahuri ou hébété. Nous avons ainsi l’impression que les Européens du XIVème siècle n’étaient guère évolués…

En définitive, dans le film, l’enquête reste le biais majeur qui permet de critiquer cette période historique. Le héros, le fameux Guillaume de Baskerville étale son savoir et son intelligence, non sans une légère pointe d’orgueil. Son sens inné de la logique, de la déduction, la méthode intellectuelle qu’il emploie pour mener ses discussions avec les différents protagonistes lui permettent, malgré tous les obstacles, de résoudre l’énigme du monastère.

Dans l’ouvrage d’Eco, Baskerville reste ce charmeur fascinant à l’esprit vif et supérieur. Néanmoins, ses réels atouts intellectuels ne lui rendent pas l’enquête si facile. Il avance avec beaucoup de tâtonnements, parce que les difficultés sont nombreuses et les embûches tendues s’avèrent particulièrement redoutables. Prenons le temps maintenant de rappeler brièvement le contexte et de présenter le héros principal.

Tout commence en 1327, au moment où, comme trop souvent, la chrétienté médiévale européenne se déchire à cause d’un conflit plus que larvé entre le Pape XXII et l’empereur Louis IV du Saint Empire. Notre héros, un ancien inquisiteur, se rend dans une abbaye bénédictine située entre la Provence et la Ligurie. En lisant l’ouvrage ou en avançant dans le film, nous découvrons la raison pour laquelle Baskerville n’officie plus au sein de l’Inquisition. Baskerville voyage accompagné dans son périple par Adso de Melk, fils d’un noble guerrier, qui désire parfaire son instruction. Dans le livre, Adso est le narrateur de l’intrigue, dans le film il s’exprime par voix off. Il doit être perçu au sein du duo comme le docteur Watson, vu que Guillaume de Baskerville est un double clin d’œil à Guillaume d’Ockham et à Sherlock Homes, de l’aveu même de l’auteur. Les amateurs apprécieront les références théologiques et littéraires. 

Malheureusement, le film ne fait qu’effleurer le conflit théologique entre les franciscains et l’autorité pontificale au sujet de la pauvreté du Christ, de l’Eglise, et les diverses questions concernant les rapports du clergé à l’argent, au savoir et au pouvoir. Le livre offre la possibilité d’être au cœur de toute cette cogitation intellectuelle forcément captivante. Dans cette fameuse abbaye, créée de toute circonstance pour les besoins du scénario, doit se tenir une disputatio entre les représentants du Pape et ceux des franciscains. Une fois que Baskerville arrive sur les lieux en compagnie de son apprenti, les moines bénédictins lui demandent avec une preste discrétion d’enquêter sur la mort mystérieuse d’un de leurs frères, survenue quelques temps auparavant. 

Connaissant sa notoriété d’érudit, et sa réputation d’inquisiteur, ils espèrent que Baskerville résoudra l’énigme avant que les envoyés des deux camps n’arrivent à l’abbaye pour des confrontations qui ne s’annoncent pas de tout repos. Le problème supplémentaire est que rapidement, ce qu’on croyait être un suicide prend finalement toutes les apparences d’un meurtre. Il faut se rappeler qu’un suicidé n’avait pas le droit à une sépulture chrétienne, c’est dire le problème soulevé par Eco en racontant cela dans son ouvrage. Le fait qu’il s’agisse d’un meurtre efface la difficulté théologique mais ce crime soulève des interrogations : Qui ? Quoi ? Comment ? Pourquoi ? 

Eco appréciait beaucoup le symbolisme, d’où le titre du livre. La Rose étant par excellence l’une des effigies usuelles et habituelles de l’initiation… Dans le même ordre d’idée, précisons que l’histoire se voit découpée en sept chapitres, chiffre éminemment symbolique qui représente le nombre de jours de la semaine et de prières dans la journée (sept fois chaque jour je Te loue, Seigneur). Quant aux chapitres, leur organisation reprend exactement la liturgie des heures : matines, laudes, prime, tierce, sexte, none, vêpres, complies…

Au fil du livre, des découvertes et des échanges entre Guillaume et les moines bénédictins, nous nous rendons bien compte que des événements louches et non catholiques se déroulent au sein de cette abbaye. Plusieurs moines semblent savoir ce qui s’y passe. Certains apparaissent hésitants à en parler à l’enquêteur, comme s’ils craignaient pour leur vie. Pour ne rien arranger, et à la demande même du Pape, l'inquisiteur dominicain Bernado Gui se rend à l'abbaye et finit par s’impliquer dans les investigations. Ce Gui avait de surcroît un vieux contentieux à régler avec Guillaume, datant de l’époque où les deux étaient inquisiteurs. Leur rivalité montera crescendo tout au long du récit pour bien mal se terminer…

Baskerville incarne parfaitement le type même du poil à gratter dans cette société médiévale catholique, alors que beaucoup ne tournent pas le dos aux superstitions et idées magiques d’alors. Cependant, il convient de ne pas considérer Baskerville comme un libre penseur ou un précurseur de la prétendue religion réformée. Nonobstant ses traits d’esprit, dans l’ensemble savoureux, il reste soumis à l’autorité papale et ecclésiale. De plus, il ne remet en cause aucun dogme catholique et ne s’écarte pas de ses vœux prononcés dans une jeunesse déjà lointaine.

Dans le livre et encore plus dans le film, Bernard Gui passe délibérément pour un fanatique. Il croit sincèrement à sa mission de chasseur de sorcières et de traqueur de démons. Là ou Guillaume montre de la douceur au risque de passer pour un défenseur des hérétiques et des franciscains spirituels, et exprime certains doutes, Gui affiche un visage volontiers dur, sans charité et sans esprit de justice. L’attitude que lui font adopter l’écrivain et le réalisateur entre cependant en totale contradiction avec les enseignements délivrés dans le Manuel de l’inquisiteur commis par le Bernard Gui historique…

Plusieurs fois, au cours des échanges - toujours forts intéressants - avec son disciple, Baskerville vante les bienfaits de la civilisation musulmane en disant du bien de savants musulmans ou en expliquant que ces derniers savaient déjà des choses ignorées par les intellectuels catholiques. Fort bien ! Cependant, avec le recul des siècles, nous pouvons légitiment nous demander pourquoi cette civilisation musulmane si avancée n’a-telle pas continué de briller dans le concert des nations ? Pourquoi ce coup d’arrêt brutal voire même ce net recul ? Nous y reviendrons ultérieurement. 

L’abbaye où évolue Baskerville renferme la plus grande bibliothèque de toute la chrétienté. Elle apparaît comme le navire-amiral de la connaissance. Des trésors intellectuels y sont copiés, étudiés quand d’autres restent sagement enfouis… N’oublions pas de préciser qu’elle se présente comme un grand labyrinthe où le profane et le novice peuvent se perdre en déambulant dans les couloirs. La métaphore architecturale nous paraît sublime. De même, les salles forment des plans géométriques et des messages en latin apparaissent sur les murs ou les linteaux des portes. Ils forment de véritables énigmes à déchiffrer, pour le plus grand plaisir intellectuel de Guillaume et Adso.

D’une manière générale, la question de la pauvreté défendue par les franciscains, conduit ici à une conception radicale. Ils argumentent en rappelant que le Christ était pauvre et qu’Il ne possédait que sa tunique et ses sandales. Le chrétien devant imiter Jésus, les franciscains considèrent donc que l’Eglise gagnerait à se dépouiller de tous ses biens matériels. Pourtant, Jésus avait aussi déclaré : « Faites-vous des amis avec l’argent d’iniquité ».

Cette réflexion entamée par des théologiens franciscains provoque des répercussions politiques dans le domaine temporel. Effectivement, les Empereurs et les Rois aimaient revendiquer leur indépendance face au pouvoir spirituel incarné par le Pape, voire même à empiéter sur ses prérogatives. Cette querelle sur la pauvreté de l’Eglise offrait à Louis IV l’occasion de contrarier Jean XXII et surtout de vouloir que les biens ecclésiastiques lui reviendraient de droit, si l’Eglise adoptait la position dangereuse des franciscains : le droit de propriété constitue un des fondamentaux bibliques. 

Au milieu de ces essentielles considérations théologiques et philosophiques, un chapelet de morts s’égraine régulièrement dans l’abbaye, sans que Guillaume, malgré son talent d’enquêteur, n’arrive à l’empêcher. De plus, les discours millénaristes hérétiques entrent également en jeu, car des moines bénédictins furent, dans leur passé, adeptes des théories d’Ubertin de Casale et de Michele da Cesena. 

Entre l’enquête passionnante et les réflexions intellectuelles profondes, ce livre d’Eco nous a littéralement enthousiasmés. Il est remarquablement bien écrit, l’esprit médiéval, retranscrit par l’auteur, nous transporte sur le chemin difficile de la quête intellectuelle menacée par l’ignorance et les excessifs de toutes les écoles. 

En définitive, le livre sert de point d’appui à Eco pour poser différentes questions : Qu’est-ce que l’erreur ? Comment la combattre ? La connaissance doit-elle être diffusée à tous ou réservée à une élite ? Comment envisager les rapports avec l’autorité ? Cette connaissance des Anciens et sa transmission, la devons-nous vraiment aux arabes musulmans ? L’Eglise doit-elle être pauvre ? Qu’est-ce que la pauvreté ? Dans le domaine temporel, Jésus a prêché et enseigné, mais sans défendre une institution en particulier… Par conséquent, comment la société doit-elle s’organiser à l’aune du discours évangélique ?

Eco le confesse volontiers dans son introduction : il n’avait pas la volonté, ni l’envie de répondre à toutes ces interrogations. Pour nourrir cette réflexion et ouvrir de vastes perspectives intellectuelles, nous citons volontiers le narrateur, Adso : « Il fait froid dans le scriptorium, j’ai mal au pouce. Je laisse cet écrit, je ne sais pour qui, je ne sais plus à propos de quoi : stat rosa pristina nomine, nomina nuda tenemus  ». Les initiés comprendront et les autres buteront sur cette phrase…

 

Franck ABED


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44 réactions à cet article    


  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 14:51

    Une lecture est une lecture...chez Ecco mettre un thème ou une intention est difficile . C’est pourquoi je l’aime. A relire.


    • Fergus Fergus 12 mai 2020 15:52

      Bonjour, Franck

      Excellent article sur un excellent livre, malgré des digressions qui, comme dans Le pendule de Foucault, peuvent le rendre par moments indigeste (il est vrai que l’on peut faire le même reproche à Hugo). 

      Le film n’en est pas moins excellent, dès lors que l’on admet qu’il puisse d’adresser à un public différent. En l’occurrence, Annaud a porté à un très haut niveau le genre « thriller médiéval », et s’il a forcé les traits des moines, c’est évidemment dans le but de renforcer les contrastes avec les porteurs de la « lumière » Baskerville et son jeune assistant.

      J’ai beaucoup aimé les deux.

      « Nous sommes confrontés à une vision historique fantasmée voire même caricaturale »

      C’est vrai. N’oublions pas à cet égard que l’hygiène était nettement plus développée au Moyen Âge qu’au 17e siècle. Il existait même à Paris pas moins de 26 « étuves » au 13e siècle alors que seules 2 subsistaient encore sous Louis XIII (il est vrai que plusieurs d’entre elles avaient été fermées pour cause de prostitution). En outre, le spectacle des cathédrales et la visite du musée de Cluny montrent à quel point le Moyen Âge a produit des artistes de génie. 


      • Franck ABED Franck ABED 12 mai 2020 15:59

        @Fergus
        Ce genre de commentaire fait vraiment plaisir ! Il m’encourage à continuer dans cette voie...


      • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 17:29

        @Fergus

        Les digressions historiques de Eco font pour moi l’un de ses intérêts... Ainsi ici on découvre qu’il n’y avait pas que les cathares qui contestaient la papauté, mais une foultitude de mouvements...voir parfois avec les armes... Et pour reprendre la deuxième moitié du 19e siecle « le cimetière de Prague » est excellent aussi...et plein de digressions historiques...en historien Monsieur Abed apprécie et c’est compréhensible.


      • Franck ABED Franck ABED 12 mai 2020 20:27

        @Aita Pea Pea
        J’ai lu, à sa sortie, le Cimetière de Prague. C’est un livre excellent pour moi...


      • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:31

        @Fergus
        Lire « le roi tué par un cochon » de Michel Pastoureau qui révèle un épisode méconnu de l’histoire de France ; https://bit.ly/3dDI0FL La mort du dauphin Philippe, en 1131, fils de louis le gros provoque un scandale. Comment le suin de dieu à t’il pu être victime de l’animal le plus honni, le cochon ?....Le jeune prince a été renversé par un cochon divaguant comme il y en avait tant dans la capitale, alors qu’il revenait de la chasse à cheval. 
        Le bleu du drapeau royal, et la fleur de lys est lié à cet événement, comme rites purificateurs. 


      • Franck ABED Franck ABED 13 mai 2020 06:44

        @velosolex
        Lire « le roi tué par un cochon » de Michel Pastoureau ! Je partage entièrement votre avis. Il s’agit d’un livre excellent qui explique comment un fait divers change la succession à la couronne...


      • Fergus Fergus 13 mai 2020 09:12

        Bonjour, Aita Pea Pea

        « Les digressions historiques de Eco font pour moi l’un de ses intérêts »

        Je suis complètement d’accord sur ce point. Et j’ai pris autant d’intérêt à lire ces digressions que celles de Victor Hugo sur la bataille de Waterloo dans Les Misérables ou l’architecture de la cathédrale dans Notre-Dame de Paris. Idem pour la genèse et les soubresauts du schisme entre les chiites et les sunnites dans Samarcande d’Amin Maalouf pour ne citer que cet autre exemple.

        J’ai utilisé le mot « indigeste » pour souligner qu’il est, notamment après avoir vu le film d’Annaud, des lecteurs qui s’intéressent plus aux péripéties de l’aventure des héros qu’à ces digressions, aussi passionnantes soient-elles. C’est d’ailleurs pour cela qu’il existe des versions expurgées des grands romans de Hugo, ce qui n’est pas le cas de ceux d’Eco. 


      • Iris Iris 12 mai 2020 16:04

        Merci pour cet article qui me ramène aux 80s encore. Ma culture littéraire est pauvre, je suis loin de vos considérations théologiques et philosophiques, cependant j’ai adoré et le livre et le film. C’est court un film, il ont fait des choix, et puis avec Sean Connery dans le bateau, il fallait pas se planter ! L’ambiance cliché du film m’a tout à fait convenu, et c’était même incroyablement proche des images que j’avais lors de la lecture.

        Quel film ou documentaire recommendez-vous pour se faire une meilleure idée de l’ambiance au moyen-age ?


        • Franck ABED Franck ABED 12 mai 2020 20:26

          @Iris
          Je conseillerai surtout les livres de Heers, Contamine et Pernoud pour découvrir le Moyen Age. Le film Le retour de Martin Guerre est intéressant...


        • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 20:58

          @Franck ABED

          Le Goff et l’école des annales. Ne me dites pas que vous n ’ayez pas écouté un jour les lundi de l’histoire...France Culture.



        • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:48

          @Aita Pea Pea
          Duby se lie aussi comme un roman ; « Le dimanche de Bouvines » est un morceau d’anthologie. La bataille est une représentation de la société, avec ses codes, ses interdits, ses rançonnages, les lois d’honneur. https://bit.ly/2Wp0Hrc
          Ses codes voleront en éclat avec la bataille d’Azincourt, une victoire promise qui va se changer en défaite retentissante, pour cause d’orgueil et de vanité. Toute la noblesse française , prisonnière, va être exécuté sur l’heure. C’est un des plus grands traumatismes de l’histoire de France, qui précipite la guerre de cent ans, et fait passer la guerre des codes d’honneur, au cynisme. 
          Autre livre sur une autre bataille, celle du roman de Patrick Rimbaud, « La Bataille » qui est un petit chef d’œuvre. Mais c’est sur la bataille d’Essling, que Balzac voulait retracer, que Rimbaud imposera son style. Rimbaud a traité plusieurs fois d’ailleurs avec bonheur l’épopée Napoléonienne. 

          Perso, comme polars sur le moyen Age, je recommanderai les très bons livres de Doherty, en 10 :.18. Sir Corbett est aussi un très bon enquêteur, éclairé, face aux ténèbres, et rappelle par bien des cotés le héros d’UMberto Ecco. Les sources historiques sont intéressantes, et c’est très bien écrit. 


        • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:50

          @velosolex
          Pas Rimbaud,...Patrick Rambaud, bien sûr. Je devrais me relire. 



        • Franck ABED Franck ABED 13 mai 2020 06:45

          @Jonas
          Excellent ! Bravo pour ce rappel salutaire !


        • L'apostilleur L’apostilleur 13 mai 2020 23:44

          @Jonas

          Merci, très intéressant comme tjrs avec Georges Duby.


        • Étirév 12 mai 2020 17:03

          « Malheureusement, le film ne fait qu’effleurer le conflit théologique entre les franciscains et l’autorité pontificale au sujet de la pauvreté du Christ, de l’Eglise, et les diverses questions concernant les rapports du clergé à l’argent, au savoir et au pouvoir. »
          Cela n’a finalement aucune importance puisqu’ils travaillaient tous dans un seul but : la domination du monde par le mensonge et la brutalité.
          L’important est surtout de rappeler ICI l’histoire d’un mouvement de rénovation sociale, grandiose, extraordinaire, d’une haute portée, qui brilla sur le monde pendant deux ou trois siècles, mais qui fut renversé, dénaturé et caché par des faussaires qui en firent une caricature grotesque et voulurent avec cela dominer le monde.
          Néanmoins, deux mots sur les ordres religieux, et en particulier sur les franciscains.
          Les inférieurs copient toujours ceux qu’ils croient supérieurs à eux en intelligence. C’est ainsi que nous allons voir les Catholiques créer des Ordres dits religieux, qui seront la copie de celui des Chevaliers du Temple. Ils ont cru que la pauvreté est la source de grandes richesses, et ils vont reprendre les trois vœux des Templiers : vœux de pauvreté, de chasteté, et d’obéissance.
          Mais ce qui différera éminemment entre eux, c’est le but de l’action à laquelle ils vont se consacrer.
          Les Chevaliers du Temple travaillaient pour le triomphe de la Vérité qu’ils avaient rapportée d’Orient ; les Ordres religieux vont travailler à la propagande de la doctrine de mensonge de l’Église.
          François d’Assise fonda en Europe une société sans propriété ni capital, qui devait arriver à la puissance par la pauvreté. C’est du moins l’étiquette de l’Ordre qu’il fonda. En réalité, ces mendiants franciscains ne manquaient de rien.
          Né en 1182 en Ombrie, il fonda l’Ordre dit des Frères mineurs, ou Franciscains.
          Il mourut en 1226.
          Dans la société féodale, l’autorité procédait de la propriété. François d’Assise lui donna une autre base : elle devait être basée sur les services rendus. La société nouvelle aurait pour fondement la dignité humaine. C’était la copie de la Chevalerie. Dans une société ainsi constituée, la Femme devait être remise à sa place, et cependant c’est le contraire qui se produisit.
          François d’Assise, grand diplomate, se fit tout-puissant en créant la règle des Mendiants. Cette pauvreté collective voulait imiter le communisme des premiers Chrétiens de saint Jean.
          Quant au nomadisme individuel d’une armée d’ermites voyageurs, c’était l’imitation de l’Ordre des anciens Esséniens, qui avaient des hospitaliers pour recevoir les voyageurs.
          On idéalisait la souffrance du peuple, tout en lui prenant son obole. On prétendait hypocritement réaliser toutes les réformes sociales demandées par les esprits éclairés : l’égalité demandée par les Pastoureaux ; la fraternité prônée par les Vaudois. Les Catholiques étaient des imitateurs qui venaient après les autres s’emparer de leurs idées et les dénaturer à leur profit.
          François d’Assise vint mettre au service de l’Église les idées de fraternité qui sont dans les sociétés secrètes, d’égalité et de travail. Il créa des Fraternités de Tertiaires laïques pour imiter le triangle des initiés.
          Ces Tertiaires franciscains devinrent légion. Tous les Catholiques militants s’y enrôlèrent, les classes s’y mêlèrent, unies dans une idée commune : le triomphe du masculinisme de l’Église.
          Tous déclarèrent qu’ils n’avaient qu’un Père : Dieu, et une Mère : l’Église.
          Et la vraie femme, où la mettaient-ils ? Nous allons le voir bientôt.
          Leur Ordre était international comme les Fraternités féministes que l’on imitait. Dans cet Ordre, on devait vivre secrètement parmi les peuples et se prêter un appui matériel et moral, le cas échéant. On devait aussi combattre les ennemis de Jésus, du prêtre, de l’Église. Cet Ordre visait évidemment, comme ennemis à combattre, les Albigeois, les Templiers, les Ordres secrets.
          Comme dans la Franc-Maçonnerie, ils avaient des signes pour se reconnaître et portaient des insignes. Ils prenaient aussi des mots d’ordre comme leurs adversaires, tel celui-ci : « Aimer pour croire et croire pour agir ».
          Nous avons dit que nous allions bientôt parler du rôle qu’ils donnaient aux femmes. Le voici : ils les associaient à leurs intrigues et se servaient de leur puissance qu’ils dirigeaient pour arriver à leurs fins.


          • L'apostilleur L’apostilleur 14 mai 2020 10:56

            @Étirév

            « .. parler du rôle qu’ils donnaient aux femmes... ils les associaient à leurs intrigues et se servaient de leur puissance qu’ils dirigeaient pour arriver à leurs fins. »

            des Franciscains Jésuites. 

            « ...François d’Assise, grand diplomate... »

            Pendant la Ve croisade, il aurait obtenu du Sultan Malik al-Kâmil la jouissance de Jérusalem avec des contre-parties refusées par un Vatican intransigeant.


          • Et hop ! Et hop ! 16 mai 2020 13:03

            @Étirév

            Vous mélangez tout et vous faites beaucoup d’anachronismes.

            Le clergé catholique a repris les missions du clergé drudique (science, musique, médecine, écoles, assistance, législation,...), le druidisme étant tombé en décadence avant l’évangélisation des Gaules, sous l’influence romaine.

            La religion catholique, avec ses pompes et ses oeuves, n’est issue qu’en toute petite partie des évangiles et pas du tout de l’Ancien Testament. En réalité c’est la religion, les coutumes et les traditions païennes (gréco-gauloises ou gallo-romains) christianisées, c’est-à-dire conservées avec un nouvel esprit.

            Par exemple, le mariage catholique hétérosexuel, monogame, à vie, avec égalité juridique des conjoints, ce n’est ni le mariage sémitique (polygame avec achat de la femme), ni le mariage romain (avec exposition et adoption), c’est le mariage à régime dotal attesté chez les Gaulois et les anciens celtes d’Irlande. 

            Les communautés religieuses (vierges consacrées), ce n’est pas du tout juif, c’est grec et romain.


          • Jonas Jonas 12 mai 2020 20:51

            "L’attitude que lui font adopter l’écrivain et le réalisateur entre cependant en totale contradiction avec les enseignements délivrés dans le Manuel de l’inquisiteur commis par le Bernard Gui historique…« 

            Film de propagande anticatholique.

            Ambiance glauque, tout se passe dans la pénombre, les moines ont des gueules atroces, semblent à moitié fous ou très inquiétants, tout est fait pour mettre mal à l’aise. L’abbaye du film est loin d’être un lieu accueillant !

            La religion catholique est décrite sans pitié ni charité : en échange du travail des pauvres, les moines leur accordent magnaniment le droit de fouiller leurs ordures !

            L’abbaye abrite une bibliothèque, mais le savoir doit resté caché pour empêcher le peuple d’accéder à la connaissance, ceux qui tentent d’y pénétrer son tués de manière atroce.
            Alors que à l’époque, ce sont pourtant bien les prêtres et les moines qui instruisent gratuitement les enfants à la lecture et à l’arithmétique dans les écoles.

            Et ne parlons pas de l’inquisiteur Bernard Gui, décrit dans le film comme une espèce de fanatique, alors que dans son »manuel de l’Inquisiteur", on voit bien que le personnage est d’une toute autre envergure : Bernard Gui est intelligent, demande toujours de procéder à une enquête et une analyse minitieuse pour comprendre l’origine des hérésies, très loin du cinglé superstitueux qui apparaît dans le film, qui ordonne même de brûler une sorcière alors que, historiquement, cela n’a jamais été le cas !

            Les sorciers sont plutôt vus dans son ouvrage comme des charlatans essayant de tromper le peuple pour extorquer de l’argent, et non pas comme des êtres venant de l’Enfer inspirés par le Diable, qui plongeraient les moines dans une hystérie totale, comme dans le film !


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 21:28

              @Jonas

              Lis le livre ...


            • Jonas Jonas 12 mai 2020 22:09

              @Aita Pea Pea « Lis le livre ... »

              J’ai lu le livre, il est de bien meilleure facture que le film.


            • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 22:19

              @Jonas

              Bon ...un conseil...le cimetière de Prague...toujours d’Umberto.


            • velosolex velosolex 13 mai 2020 00:53

              @Jonas
              Annaud prend sûrement des libertés avec le livre, mais je pense qu’il faut tenter de dépasser cette évidence, pour voir le résultat final. Il garde bien le combat de la lumière, face aux ténèbres et au conservatisme. Eco en parlant des querelles intestines qui traversaient la religion, anticipe bien la renaissance, mais aussi aborde les histoires de shiismes plus profonds qui vont cliver l’église. Déjà naissantes dans la guerre des vaudois qui amènera une répression terrible « Tuez les tous dieu reconnaitra les siens…. » ( paroles du duc de Montfort donnant l’ordre de tuer tous les habitants de Béziers)
              L’hérétique est donc la personne a débusquer en ces temps très sombres, inutile de le nier. Le quatorzième siècle est l’un des pires de l’histoire de France. Mais le pouvoir des inquisiteurs va se poursuivre pendant des siècles, et c’est au seizième et au dix-septième siècle qu’on brulera le plus de sorcières. L’horreur s’exportera, et les pires massacres auront lieu au Mexique et au Pérou, un conquistador égorgeant ses victimes, sous la bénédiction souvent des prêtres. 
              C’est un livre à plusieurs lectures. Celui sur le pouvoir réactionnaire, protégeant ses secrets, et cachant les livres qui sont perturbants, car faisant réfléchir les masses. Il va falloir pendant longtemps continuer à dire la messe en latin, et même expurger la bible des éléments dérangeants, imposer une lecture privilégiant la lettre et la soumission que l’esprit, et la réflexion.
              Un débat qui était encore actuel il y a deux ou trois générations en France, pays qui a beaucoup souffert des guerres de religion, pendant des siècles. C’est de cette expérience qu’est issue la laïcité et la volonté de remettre le clergé à sa place…Mais la bétise et l’intelligence n’ont pas de camp. 


            • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:11

              @Aita Pea Pea
              Lis donc « le cavalier suédois » de Leo Perutz...ou « Le judas de Leonard » deux petits délices de cet auteur dont on a parlé de nouveau dans les années 80, avant qu’il ne retombe dans l’oubli..


            • Franck ABED Franck ABED 13 mai 2020 06:47

              @Aita Pea Pea
              Excellent livre que le cimetière de Prague ! Eco dévoile beaucoup de choses...


            • Iris Iris 12 mai 2020 21:12

              Terrible ! A lire Djam et Jonas je me sentirai presque coupable d’avoir aimé ce livre et ce film. 


              • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 21:40

                @Iris

                Lol ...


              • Yann Esteveny 13 mai 2020 13:47

                Message à avatar Iris,

                L’intrigue du film « Le nom de la rose » est captivante mais le film demeure une caricature grossière moderne du Moyen-Age. Les sujets ayant trait à la foi sont survolés. Certains commentaires présents sur cette page sont justifiés.

                Pour contrebalancer ce film et répondre à votre demande ci-dessus, voici trois films et un lien :

                Saint Antoine de Padoue
                (2002) d’Umberto Marino

                Vision – Sur la vie de Hildegarde de Bingen (2009) de Margarethe von Trotta

                Les Filles au Moyen Âge (2015) de Hubert Viel

                https://www.agoravox.fr/actualites/religions/article/quand-le-christianisme-fait-son-217134

                Respectueusement


              • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 12 mai 2020 21:50

                Sinon le film se trouve facilement sur le net...suffit de taper le titre.


                • velosolex velosolex 13 mai 2020 00:32

                  Je n’ai pas été déçu par le film, car un film ne peut traiter une histoire pareille qu’avec ses moyens, et sur ce sujet casse gueule, trop encyclopédique, seul Annaud a été capable de concrétiser. Et sa réalisation est un petit exploit. Le livre ouvre des perspectives extraordinaires, des questions auxquelles Eco ne pouvait pas répondre. Mais cette œuvre, mais aussi le film, ont sans doute poussé bien des gens à s’intéresser à l’histoire…

                  .Lire les œuvres sur la Féodalité d’historiens comme Le Goff, ou Duby, par exemple, qui se lisent à la fois eux même comme des romans, mais aussi comme des expertises, avec éléments notariés, et force archives, montrant tout de même combien survivre était un exploit. 

                  Impossible de se mettre dans la tête d’un homme du moyen âge, une époque bordée par la précarité de l’existence, les grandes pandémies, dont la peste, et l’attente du jugement dernier qui explique et justifie une vie qui n’est qu’attente de la mort. Les danses macabres peintes dans les églises, en sont une représentation

                  Il n’est pas question de juger l’homme d’alors ; Il obéit à des nécessités, ses connaissances sont liées à sa naissance.. Le bonheur ou le malheur ne sont que des choses projectives, mais il faut bien avouer que l’injustice, la place prépondérante de la religion et de ses clercs, fait de chaque jour un combat. Les peintures de Jérôme Bosh sont une paradigme saisissant de la psyché de cet homme, terrorisé par le jugement dernier. Les peintures de Bruguel sont tout aussi utiles. Bruguel peint des scènes festives ,où l’on voit des paysans faire « bombance ». Il faut avoir eu faim un jour pour comprendre comment elles représentaient une sorte d’idéal bourgeois. Lire aussi le « roman de Renard » qui est une formidable source d’informations sur le moyen âge. Là aussi « le gite » et « les provisions » ont une importance récurrente, dans cette société où l’on avait très souvent faim.... Les monastères représentaient une micro société idéale pour beaucoup, soucieux de se protéger par une communauté d’aide et d’appui. Ce sont les moines cisterciens qui ont été les premiers architectes de la France, et du paysage. 


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 mai 2020 00:48

                    @velosolex

                    Le « moyen âge » ne veut rien dire .


                  • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:05

                    @Aita Pea Pea
                    Comme « les trente glorieuses » « la renaissance », des classements à posteriori. Il est de bon ton de prétendre que le moyen âge n’était pas si sombre que ça...Pour les loups sans doute, qui trouvaient matière à ripailles, sur les gibets, et de corps accrochés aux arbres, ainsi que sur les champs de bataille.
                    J’ai lu dernièrement un récit de croisés n’en croyant pas leur yeux en arrivant à Constantinople.
                    Le château féodal est effrayant. C’est une blockhaus. Comme le heaume du chevalier d’ailleurs. Tout est dangereux. Il faut se murer. Le fanatisme des moines chevaliers rappelle étrangement les djihadistes. Loi du talion, mépris total de « l’infidèle, cruauté exacerbée par la volonté de marquer l’imaginaire, et la certitude de servir dieu. » Le prince Newski" d’Enseintein, avec les chevaliers teutoniques, qui construisirent une empire sur les bords de la baltique, et firent des incursions dans tout l’est, jusqu’à la Russie , furent la métaphore des hordes nazies, que le pouvoir soviétique mit en scène…..Très belle séquence … https://bit.ly/2zuc7B1


                  • velosolex velosolex 13 mai 2020 01:15

                    @Aita Pea Pea
                    Mais voilà le contre poison musical à la violence, et au covid ! https://bit.ly/2WQ4Vaf


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 mai 2020 01:40

                    @velosolex

                    Chez moi a Saint Omer existe une merveille en bibliothèque. Le récit sur plusieurs décennies d’un clerc d’Ardres sur la vie sous les seigneurs de Guine. Tous les médiévalistes connaissent ce livre. Unique.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 mai 2020 01:50

                    @CylonCyrusDeconfinated

                    Du Bonney M qui se gele les burnes.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 mai 2020 02:01

                    @velosolex

                    Très beau ...


                  • Franck ABED Franck ABED 13 mai 2020 06:48

                    @Aita Pea Pea
                    Je privilégie l’expression Temps Féodaux qui me paraît plus juste et moins connotée.


                  • Aita Pea Pea Aita Pea Pea 13 mai 2020 10:36

                    @Franck ABED

                    Bonjour. Oui ...temps féodaux.


                  • Axel Guillerand 13 mai 2020 10:11

                    Ma petite contribution en recommandant vivement la lecture de l’excellent « Le nom de la Rose, du livre qui tue au livre qui brûle, Aventure et signification » de André Peyronie aux P.U.R. Tout y est. Analyse de la bibliothèque et rapprochement avec la Jerusalem céleste, pour quoi les salles portent le nom d’un continent, pourquoi rire dispense de craindre Dieu, Histoire des Dolciniens, Préfiguration de Giordano Bruno, etc...


                    • AmonBra QAmonBra 13 mai 2020 13:47

                      Merci @ l’auteur pour le partage.

                      Je n’ai pas lu le livre d’Umberto Eco mais j’ai vu le film de Jean Jacques Annaud et, franchement, je l’ai apprécié.

                      Ce dernier est tombé passionnément amoureux du roman, au point de laisser en plan l’écriture de « L’ours » sur lequel il travaillait jusque là, pour vouloir à tout prix réaliser une version cinématographique du livre.

                      Dans ce « making off » qui m’est aussi passionnant que le film, le réalisateur raconte la véritable aventure qu’a été sa réalisation. Pour l’anecdote, la proposition de Robert de Niro, précédement sollicité pour le rôle de Guillaume de Baskerville, n’a fait que confirmer ce que je pensais et craignais de la culture U$. . .


                      • nono le simplet 14 mai 2020 06:58

                        j’aime beaucoup le mari d’Aretha Franklin dans le rôle principal

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