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Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Le pan-culturalisme et ses ennemis

Le pan-culturalisme et ses ennemis

(où il sera question d’une lecture libre de BANDES ALTERNEES de Philippe Vasset (2006,Fayard, éd.)

D’un côté, de la culture partout et toujours. Un monde monstrueux perclus d’images et de spectacle. C’est qu’il est une nouvelle race d’hommes infâmes (au sens étymologique qui faute d’être vrai et premier est le sens antérieur et comme aîné des mots) à qui le tout culturel (qu’on se gardera bien de confondre avec la culture pour tous) est devenu un destin, mieux, une nature à peine plus seconde que l’existence physiologique, laborieuse et envieuse qui leur tient lieu d’être réel, d’étant mondain si l’on veut. S’est on déjà avisé, comme le fait Philippe Vasset, de la vie mille et une que le tout culturel, le pan-culturalisme dans sa fabrique incessante, dans ses pratiques ordinaires a sécrété dans les interstices de notre sociabilité un fixateur redoutable. Sous l’angle de la culture et dans l’ordre du spectacle qui lui tient lieu de surmoi (faute qu’elle puisse jamais avoir une conscience), la vie est un moyen ou un double ; parfois un obstacle. L’homo culturalis que P. Vasset nous dépeint par touche et comme du dehors, vit dans la perpétuité de la création et de l’admiration, dans le passage à l’acte permanent de l’insignifiant. L’œuvre a cessé de lui être un crime elle lui tient lieu de fonction, d’habitude, de physiologie. Elle est comme le verre d’eau qu’on boit dès qu’on a soif. Mieux, la création est pour lui un droit dont il craindrait de ne pas assez user. Il vit dans l’archipel urbain (maisons amies, domicile sécurisé, havres créatifs, connivences usées, réseaux virtuels...) qui émerge de la vraie ville. Cette culture tue la vie aussi sûrement que le fait la barbarie.

De l’autre, la vie des bois des hommes de la rue, le regard du dehors. La vie de l’homme du ban qu’un décret (à moins que ce soit par propre décision) a semble-t-il jeté dans l’extériorité supérieure qui est du corps, de la langue et du goût. Dans ce dehors on ne devine qu’une ombre qui épie la vie de l’homo culturalis, se souvient d’en avoir vécu et lui préfère le grand froid qui consiste à n’y plus avoir part, prise et assise. Le regard océanique, poétique, que l’ombre du dehors porte sur le renfermé culturel est d’un extra-terrestre ou d’un mort.

Entre eux l’alternance qui tisse moins un jeu de miroir ou d’écho que la trame fatale de parallèles qu’aucun infini ne peut rapprocher.

Il y a dans la librairie actuelle un grand vide qui est de genre. Alors que le genre faux-romanesque pullule sous les produits exténués de l’histoire enchantée, du pittoresque-vraisemblable régional et exotique, que le genre étranger-illisible se vendra bientôt au poids, que le genre vrai-intime foisonne sous les espèces de l’auto-fiction où la sincérité tient lieu d’autorité, le genre vrai-social vaut à celui qui s’y hasarde des accusations de mauvais goût, ou pire encore de sociologisme ou pire même si c’est possible le silence poli des sentencieux, la commisération suffisante de la bien-pensance, la prétérition consternée de la Nomenclature. Il ne fait pas de doute que ce silence sied à Bandes alternées. La félicitation culturelle lui serait une plus grande injure.

Jean-Luc Fougeray, Orléans.

Il est, dans l’ordre des livres, une famille du mine de rien, du sans crier gare. Ce sont les voix, non du secret ou de la conspiration, mais du catimini et de l’assurance. Petits cailloux qui s’avèrent, après qu’on ait vu leurs effets de surmoi, pavés dans la mare. Les choses de Georges Perec, La dentellière de Pascal Lainé sont parmi le meilleurs représentants de cette famille. Ils sont les marqueurs du passage du monde paléo-industriel ou pré-industriel au monde du mensonge post-productif. Des livres qui sont moins des signes du temps que du temps des signes. Il n’est pas dit que Bandes alternées de Philippe Vasset ne soit pas de cette armée des ombres de la littérature dont la préciosité ne sert qu’à masquer la guérilla qu’ils mènent pied à pied, mot à mot contre l’établissement qui nous cerne et l’affiliation qui nous guide. Le temps simplement a changé et Bandes alternées signale la transition du monde de l’Industrie au monde de la Culture totale.


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3 réactions à cet article    


  • denden (---.---.10.251) 18 mars 2006 01:02

    j ai compris un peu le sens mais je trouve cela tres dur a lire, milles excuses mais svp parlez plus simple pour nos pauvres consciences mals éclairées ... l eveil n est il destiné qu à une élite littéraire ??


    • Un élève de jean luc (---.---.104.170) 16 juin 2006 23:46

      Cher monsieur Fougeray, j’avais conscience de vos talents littéraires et de votre manipulation remarquable des mots, mais une analyse si fine et réfléchie m’impressione. Je retrouve vos comparaisons parlantes et adjectifs originaux qui ont rendu votre cour passionant, ainsi que vos métaphores récurrentes avec l’inconscient et la psychanalyse !

      Désoler de ne pas apporter de contribution à un débat trop élevé pour un simple élève de terminale.

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