« Le sens de l’humour » (de l’amour) de Marilyne Canto
L’histoire :
Dans ce film, Maryline Canto nous décrit la vie d’Elise, une veuve quarantenaire qui vit cramponnée à son fils Léo. Parallèlement elle vit une relation difficile avec Paul, un célibataire qui doit supporter en permanence les petites humiliations d’Elise, qui ne veut voir en lui "qu’un bon coup."
Pourtant on sent très vite que l’agressivité dont fait preuve Elise à l’égard de Paul n’est qu’un masque dont elle se pare pour fuir ses réels sentiments. La mort de l’homme qu’elle aimait lui fait refuser l’amour qui s’offre à nouveau devant elle. Alors elle pique, elle se montre cruelle face à celui qui est là, présent, attachant, aimant, et qui ne pense qu’à une chose, pouvoir apprivoiser ce petit animal meurtri.
Elle n’est pas méchante, mais en colère, ce sont ses propres mots, et on ne peut que la croire, ça crève l’écran. On souffre pour Paul qui est là en permanence à subir les flèches d’Elise, mais on souffre encore plus pour elle , qui est ( qui s’imagine, qui refuse ?) incapable de tomber amoureuse à nouveau d’un homme depuis la mort du père de son enfant.
La scène la plus émouvante du film,( qui n’en manque pas), est à mes yeux le moment ou Paul, excédé par les nombreuses réflexions désobligeantes qu’il doit subir continuellement, décide de rompre leur relation. A ce moment très précis on voit cette pauvre Elise se recroqueviller comme un petit oiseau pris dans le froid. Elle reste prostrée au derrière de cette camionnette ne comprenant pas ce qui lui arrive, ou plutôt le comprenant trop bien. Elle prend enfin conscience qu’elle aime Paul, et qu’elle risque de le perdre à jamais.
Le trio d’acteurs principal est remarquable. Le rôle de Paul, son compagnon d’infortune est incarné par Antoine Chappey, qui n’est autre que son compagnon dans la vie. Il est dans le cas présent un homme amoureux qui fait preuve d’une patience extrême, comprenant probablement qu’Elise est une bien plus "belle personne" que ce qu’elle veut bien lui montrer.
Le jeune Samson Dajczman qui tient le rôle de Léo est très sincère et naturel dans son jeu. Son rôle est également très important car on peut imaginer que sans lui l’histoire entre Paul et Elise n’aurait peut-être pas la même issue.
Gardons le meilleur pour la fin, c’est à dire la performance de Marilyne Canto. Elle que ceux de ma ( sa) génération ont découvert dans un petit rôle dans "Hotel de la plage" en 1978, mais surtout dans "Joëlle Mazart"(suite de Pause Café) en 1982, ne peut tout simplement que susciter l’admiration . Les silences, les expressions du visage, la délicatesse, la retenue, la nuance, la sensibilité. Le rôle d’Elise permet à la réalisatrice-actrice d’exprimer une palette très large d’émotions, très certainement nourri par son vécu, ce qui ne doit pas toujours être un avantage, surtout quand ce vécu est si douloureux. On en vient à regretter qu’une telle actrice, qui possède un tel talent, soit obligé de devenir réalisatrice pour démontrer qu’elle est capable d’incarner des rôles d’une telle densité.
Et alors que les Césars viennent de se terminer, on peut penser qu’avec une telle prestation, Marilyne Canto peut déjà prétendre obtenir celui de la meilleure actrice pour l’année prochaine, et peut-être plus en temps que réalisatrice.
C’est du cinéma comme on aimerait en voir plus souvent, émouvant et authentique, et qui fait la part belle aux personnages et aux acteurs. On comprend que le film ait réuni une excellente critique de la part de médias aussi différents que Télérama, les Inrocks, 20 Minutes ou l’Humanité. On laissera les grincheux de coté, (Les Cahiers du Cinéma , La Croix ou Le Parisien), qui n’ont pas su voir l’amour qu’il y avait dans ce film, et encore moins le portrait d’une femme magnifique qui se reconstruit difficilement après le deuil de son mari.
Pour ma part, j’exprimerai un seul regret, son titre, "Le sens de l’humour" . Je pense que "Le sens de l’amour" serait mieux adapté. Mais ne serait-ce pas là un petit excès de pudeur de la part de Marilyne Canto . Encore une qualité. Décidément cette femme les accumule.
Maryline Canto réalise ici son premier long métrage, 7 ans après avoir réalisé un premier court métrage, "Fais de beaux rêves", dont le "Sens de l’humour" est le prolongement .Rappelons qu’il y a 20 ans Marilyne Canto perdait brutalement son mari et père de son fils ainé, l’acteur Benoit Régent.
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