Léaud ou ...Liberté, j’écris ton nom !
On fête cette année les 50 ans de
Bien sûr, quand on le voit, c’est aussitôt Antoine Doinel et ses péripéties (des Quatre cents coups à L’amour en fuite via Baisers volés) qui reviennent en mémoire mais c’est également un je-ne-sais-quoi du 7e art qui passe. Comme l’a dit Tsaï Ming-liang qui vient de réaliser Visage avec « Léaud the Last », on a l’impression de retrouver sur le visage de cet acteur unique le « sens du cinéma ». Il est à la fois là et pas là, il est le réel et l’imaginaire, la vie et le cinéma confondus. On cherche à le dévisager mais, comme sur un écran de cinéma, il fuit par les bords, semblant visité en permanence par une science-fiction qui lui est propre ; d’ailleurs Truffaut disait de lui qu’il était « l’acteur le plus anti-documentaire qui soit ». C’est vrai mais, chose étonnante, c’est par l’intermédiaire du doc, « cinéma du réel », qu’il incarne ce qu’il est : l’esprit de liberté d’être et de je. Quand on le voit, désormais vieillissant, il renvoie bien sûr à ses films tournés par les plus grands (JLG, Cocteau, Eustache, Rivette, Rocha, Pasolini, Garrel, Assayas, Kaurismäki, Varda…) mais surtout à l’enfant de cinéma façon Gavroche aperçu lors du casting effectué en 35 mm pour Les Quatre cents coups (1959). Quand on le regarde, impossible de ne pas l’entendre dire de sa voix joyeuse de 14 ans - « Oui, mais vous avez dit que vous vouliez un gars qui soit gouailleur », et de réentendre Truffaut lui dire illico - « Et toi tu es gouailleur ? ».
Comme Michael Jackson, Léaud nous est cher car, connu depuis tout petit (en tant qu’enfant acteur), il a pour nous un capital sympathie énorme : il occupe, de par sa présence à part, le champ mais est habité par des ondes et hors champs venus d’ailleurs. Il y a un côté « dissident » dans son jeu que j’admire, être là sans être vraiment là. Il a cette capacité de jouer tout en ayant l’air d’avoir non stop une pensée de côté. C’est épatant. Bien entendu, on a Truffaut, Doinel, leurs quatre cents coups et tutti quanti, mais j’adore ce que Bertolucci fait de lui dans Le Dernier tango à Paris. Avec ses excès, son romantisme de gare et sa légèreté aux confins du superficiel (sans que cela ne soit péjoratif à mes yeux), il en fait l’incarnation de
Alors, on me dit qu’il n’est pas facile, qu’il pousse des cris de fada sur les plateaux, qu’il a un coach et patati et patata, et c’est certainement vrai, mais il est tellement bord-cadre dans le ciné-monde, et son jeu « de côté » est tellement à mille lieues du formatage habituel qu’on a envie de lui pardonner bien des choses, et de le célébrer comme il se doit, à savoir comme un grand acteur qui oblige, dixit Serge Daney, à filmer autrement.
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