• AgoraVox sur Twitter
  • RSS
  • Agoravox TV
  • Agoravox Mobile

Accueil du site > Culture & Loisirs > Culture > Les décorations de Noël

Les décorations de Noël

Souvenirs d'enfance ...

 

Lorsque Noël approchait, nous attendions le feu vert, aussi vert que les branches du sapin. Feu vert qui était, justement, le susdit sapin, qu'un soir sans prévenir, notre père rapportait, tout en rentrant de sa journée de labeur.

Cadeau avant LES cadeaux, nous l'accueillions alors, tel un seigneur de retour au bercail. Nous le posions là où il était au mieux mis en valeur, puis nous reculions pour pouvoir l'admirer, et jouir ainsi de l'effet produit, avant même qu'il ne soit paré de tous ses atours.

Toujours un peu en hauteur, il nous dominait, et nous, nous étions sa cour, postés à ses pieds, ou plus exactement à son pied. Et nous restions ainsi à le regarder, le détailler, l'admirer, mais aussi et peut-être surtout, le humer. La chaleur de la maison faisait s'exprimer ces délicieuses exhalaisons, qui n'entraient ici qu'une fois l'an, pour y demeurer quelques temps, le temps que les épines commencent à tomber, le temps que la sève s'assèche peu à peu.

 

Une fois passés ces instants de recueillement, notre fougue enfantine reprenait le dessus, et nous faisait filer vers la porte du grenier, derrière laquelle se trouvaient LA caisse.

Imposante et rustre caisse en bois, faite de ce bois dispensateur d'échardes que nous avons tous connu. Vieille caisse conservée, après en avoir vidé son exotique contenu, il y avait de cela bien des années. Elle nous avait alors rapporté d'un pays lointain, où le soleil est roi, des fruits aux couleurs et aux parfums qui faisaient pâlir d'envie nos fruits d'ici, où le soleil n'est qu'en villégiature.

 

Les fruits avaient été mangés, goulument. Et la caisse avait été gardée, avec toute sa paille, si propice à accueillir d'autres fruits, moins odorants, mais tout aussi brillants, les fameuses boules de Noël. Les parfums des fruits de là-bas, depuis longtemps évanouis, avaient laissé la place aux odeurs de Noël, enfouies là, parmi les décorations du roi de la fête. Chaque année décoré, avant même de tomber au combat, mort en un lieu qui ressemble si peu à sa forêt natale …

Mais pour l'heure, dans nos petites têtes, c'était la fête … Papa ouvrait la porte, montait l'échelle du grenier, prenait son temps, pendant que nos pieds piaffaient d'impatience. Nous entendions des glissements, des chocs d'objets. Il déplaçait ceux qui lui barraient, les vils, les traîtres, l'accès à La caisse.

Enfin, il nous semblait reconnaître le frottement caractéristique du bois grossier, sur le parquet rustique et poussiéreux du grenier. Puis, apparaissait au bord de la trappe, le bois chéri, tant attendu. Alors, papa descendait les premières marches, puis attrapait la caisse, et commençait à la faire passer d'une marche à la suivante. Puis il s'arrêtait, et nous regardait en hurlant : « Mais poussez-vous ! ». Il imaginait déjà la caisse lui échappant des mains, et venant fracasser nos petites têtes d'écervelés.

Une fois la caisse arrivée là, il fallait encore lui faire descendre les marches qui menaient au salon, là où trônait notre nouvel invité. Que d'attente, que d'impatience ! Nous sautions sur place au pied du sapin et papa prenait le temps de déposer précautionneusement la caisse aux merveilles.

Enfin, il en extrayait le tout premier bijou : la guirlande électrique. C'était lui qui l'enroulait autour de notre ami vert, respectant les directives des uns et des autres, la faisant passer sous telle branche, sur telle autre…

Puis, il la branchait. Et les souffles restaient suspendus, jusqu'à l'apparition des couleurs clignotantes. Pourquoi ne branchons-nous jamais la guirlande avant de la placer, vérifiant ainsi si oui ou non, elle fonctionne ? Je n'ai pas la réponse, mais c'est ainsi, aujourd'hui encore.

Et, si elle ne fonctionnait pas, il fallait la retirer, en veillant à ne pas faire mal au sapin. Puis passer en revue les ampoules colorées, pour trouver l'ingrate qui avait trouvé judicieux de rendre l'âme, et de couper ainsi le passage du courant électrique. Une fois repérée, l'affreuse était bien vite ôtée. Il lui fallait une remplaçante.

Papa plongeait alors la main dans le fatras de la caisse, pour finalement en vider tout le contenu, et trouver là, au fond, les ampoules de rechange ! Puis, il remettait tout dans la caisse. Pourquoi ? Juste pour nous laisser le plaisir de la vider. Petites gouttes colorées, fins glaçons lumineux, portant en eux un filament intact, qui sauvera notre Noël. Minuscules ampoules, magiques et cristallines, dont nous aurions bien voulu éclairer toute notre vie.

La plongée pouvait alors commencer. Les guirlandes, d'abord les guirlandes ! Toujours emmêlées, alors qu'au décès du Noël précédent, nous avions pris tellement soin de les ranger bien séparées. Quel lutin était passé par-là ?

Bien vite, le sapin se trouvait couvert, que dis-je, couvert, recouvert d'écharpes colorées et disparates, au point d'étouffer. Aucune ne devait rester dans la caisse. La quête se poursuivait. Nous partions à la recherche des boules préférées, tout en retrouvant au passage celles dont nous avions oublié l'existence. Mais toutes, absolument toutes, nous étonnaient par leur beauté. Nos préférées n'y échappaient pas.

Certaines, trop fragiles, n'avaient pas résisté au séjour dans la caisse. Pourtant, elles avaient parfois vécus plusieurs dizaines de Noël, sans coup férir. Les boules en pâte de verre étaient les plus touchées par le carnage. D'une finesse absolue, qui faisait d'elles les fragiles princesses de la fête, diaphanes et si légères, elles étaient mes boules chéries. Leur étonnante légèreté me surprenait toujours autant.

Lorsqu'elles se cassaient, elles s'effritaient aussitôt, devenant poussière de verre, n'ayant plus de volume. Elles continuaient pourtant à renvoyer des éclats de couleurs. Étrange kaléidoscope fait de poussière d'étoiles …

Une fois mis en place tous ces petits trésors, le sapin des forêts n'en avait plus que le nom, devenu accumulation hétéroclite d'objets qui allaient, pour l'occasion, et pour faire plaisir aux enfants, cohabiter quelques semaines durant, ailleurs qu'au fond d'une caisse de bois.

Voilà tout ce que me rappellent les décorations de Noël, lorsqu'il m'est donné d'en croiser le chemin, au hasard de mes dernières courses, qui prépareront ces éphémères moments, habillant sous nos latitudes, la fin d'une année et le début d'une autre.

Nostalgiquement vôtre.


Moyenne des avis sur cet article :  3.67/5   (6 votes)




Ajouter une réaction

Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page

Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.


FAIRE UN DON



Publicité



Les thématiques de l'article


Palmarès



Publicité