Les joies familiales de Julie Gayet
« La première fois que je l’ai rencontré, c’était à côté de la Maison de la Radio pour un déjeuner assez informel. J’ai rencontré un homme humble, tellement formidable que me voici devant vous. Il écoute vraiment, c’est assez rare. J’étais très impressionnée par son discours d’investiture [au Bourget]. Depuis que je l’ai rencontré, c’est le même. C’est cette constance qui est très forte. » (Julie Gayet à propos de François Hollande en avril 2012).
L’actrice Julie Gayet fête son 50e anniversaire ce vendredi 3 juin 2022. Issue d’une famille de médecins : son père et son grand-père furent chirurgiens, le grand-père résistant, et l’arrière-grand-mère parmi les premières femmes médecins. Son père, bien implanté chez les socialistes, fut un camarade de promo d’un autre chirurgien… Jérôme Cahuzac.
Depuis une trentaine d’années, Julie Gayet tourne dans de nombreux films au cinéma mais aussi à la télévision, également des courts-métrages. Elle produit aussi des œuvres cinématographiques. Sa notoriété a grimpé avec le premier rôle dans le film "Delphine 1, Yvan 0" de Dominique Farrugia (sorti le 19 juin 1996), où elle est Delphine, Serge Hazanavicius Yvan, avec aussi Alain Chabat.
Mais on a vraiment commencé à parler d’elle dans d’autres cercles que culturels lorsque son nom a télescopé la vie politique le 10 janvier 2014. Le magazine très intellectuel (!) "Closer" a en effet publié les fameuses photographies d’un pilote de scooter avec casque sortant la nuit de chez Julie Gayet (version moderne du retour giscardien en voiture à l’heure du laitier).
Le livreur en question était à l’époque Président de la République. François Hollande, au mépris de la sécurité élémentaire qu’imposait sa fonction, préférait le bon plaisir au studieux travail à l’Élysée. Au-delà de l’atteinte à la vie personnelle (mais a-t-on une vie personnelle pendant son mandat quand on est le chef de l’État ? le magazine a toutefois été condamné le 27 mars 2014 par le tribunal de grande instance de Nanterre), au-delà de cette bourrasque médiatique, il y a eu une victime collatérale, celle qui était encore officiellement la compagne, Valérie Trierweiler, dont l’esprit jaloux aurait sans doute dû plus s’inquiéter de sa suivante que de sa précédente, à savoir Ségolène Royal. Sur Europe 1 le 10 janvier 2014, l’éditorialiste Catherine Nay résumait ainsi : « [Elle] a été jalouse du passé, elle aurait mieux fait d’être jalouse de l’avenir. ».
Cela a fini en vaudeville, avec, le 25 janvier 2014, un renvoi très machiste ("très patriarcal") de Valérie Trierweiler reléguée au rôle de favorite déchue, ce qui a provoqué, évidemment, la réplique de celle-ci par la parution le 4 septembre 2014 d’un livre témoignage "Merci pour le moment" (Arènes éditions) dont le grand succès commercial lui a assuré ses arrières et qui donnait une très mauvaise image du Président supposé de gauche se moquant des "sans-dent".
La révélation de cette liaison a aussi fait envoler le rêve romain de Julie Gayet, qui venait d’être nommée dans le jury de la Villa Médicis à Rome pour participer à la sélection des futurs pensionnaires et qui a dû y renoncer pour éviter tout conflit d’intérêts. Daniel Schneidermann y est allé de son petit commentaire le 15 janvier 2014 : « N’eût-on pas connu la liaison entre le scootériste et la comédienne, la délicieuse petite saveur [romaine] serait passée quasiment inaperçue. C’est la transparence qui a forcé les éternels courtisans à faire machine arrière. Au total, les avantages l’emportent sur les inconvénients. ».
Les relations entre François Hollande et Julie Gayet ont fait fleurir les commentaires sur le rôle supposé influent de l’actrice sur la politique culturelle du Président (en particulier sur les nominations), sur la nature de leurs relations, etc. Il a fallu attendre la fin du quinquennat pour que le couple apparût ensemble publiquement, le 9 décembre 2017 à l’hommage à Johnny Hallyday. Il faut bien comprendre que le droit à la vie privée est un droit reconnu par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme : « Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance. » (les GAFAM devraient relire cet article), mais dès lors que cela peut avoir une incidence sur la détermination d’une politique publique, les frontières de la vie privée deviennent relativement floue.
Le problème de ce genre de relations, c’est qu’on pourrait imaginer Julie Gayet profiter de sa présence au cœur du pouvoir pour promouvoir sa propre carrière. Ce qui serait très injuste car elle s’est très bien défendue toute seule dans sa carrière dont les succès étaient mérités. Son tempérament d’ailleurs laisserait peu de doute sur sa volonté de séparer les deux : elle n’a jamais voulu réduire son activité professionnelle à cause de sa liaison avec le Président de la République. Pour elle, c’est machiste de croire qu’il faut que la femme s’efface devant le Président (pour l’instant, il n’y a pas eu de femme à l’Élysée), et donc qu’elle sacrifie sa carrière pour l’autre (comme ce fut le cas pour Carla Bruni qui a attendu 2012 pour s’y remettre). C’est pour cette raison qu’elle n’a jamais été une "compagne officielle" et ne soit jamais intervenue dans le protocole présidentiel.
Ainsi, elle a poursuivi et a même été nommée en février 2014 au César du meilleur second rôle féminin dans sa participation à l’excellent film "Quai d’Orsay" de Bertrand Tavernier (sorti le 6 novembre 2013), l’adaptation réussie de la non moins excellente bande dessinée de Christophe Blain et Abel Lanzac (Antonin Baudry), avec Thierry Lhermitte, Niels Arestrup, Raphaël Personnaz, Anaïs Demoustier, Jane Birkin, Bruno Raffaelli, etc. Julie Gayet y joue le rôle de Valérie Dumontheil, la dircab adjointe du ministre et la conseillère Afrique, un peu nymphomane sur les bords mais également un peu mante religieuse, ou scorpion, qui sécrète son venin au petit jeune.
Par une coïncidence étonnante, juste avant l’éclatement du "scandale" du Président scooter, la chaîne télévisée familiale Gulli a rediffusé le téléfilm "Famille décomposée" réalisé par Claude d’Anna et diffusé la première fois le 16 mars 2010 sur France 3, où Julie Gayet est la principale héroïne dans ce roman familial. C’est typiquement le genre de comédie française qu’elle a illuminé de son talent. Je propose ici d’en dire trois mots.
Le film place en effet Julie Gayet au centre de l’histoire : son mari trader revient d’un séjour en prison sur le modèle calqué de Jérôme Kerviel, joué par Bruno Salomone (connu pour sa participation dans la désopilante série "Fais pas ci, fais pas ça"), son frère à la limite du suicide, dépressif en chef, ses parents particulièrement peu psychologues, malgré un père, joué par le regretté Michel Duchaussoy, psychologue des armées (il est plus armée que psychologue), enfin, des enfants qui n’en font qu’à leur tête, et en particulier l’aînée, l’ado de 15 ans, jouée par l’excellente Bertille Chabert (qui, je l’espère, réussira dans la carrière), au caractère trempé proche de la sœur de la copine de Sophie Marceau dans "La Boum" (vous savez, la danseuse Alexandra Gonin).
Et le point de catalyse, c’est un étranger (à la famille), ancien compagnon de cellule du mari, en vadrouille dans la clandestinité, poursuivi par ses anciens complices, très culotté et arnaqueur, qui va bousculer et faire revivre tout ce beau monde et lui donner un peu de symbiose dont la définition est : « association intime et durable entre deux organismes hétérospécifiques, et parfois plus de deux. (…) Le plus gros [des organismes] peut être nommé hôte. ». Justement, cet ex-taulard est l’hôte imposé de la petite famille. Il est joué par Christophe Guybet, le fils d’Henri Guybet (bien connu dans les années 1980). Il réussit à escroquer quelques pigeons mais son assurance va se gripper par le pigeon en chef (je ne veux rien dévoiler).
Parmi les petites scènes remarquables, le bas des reins dévoilé par Julie Gayet au sortir du lit (l’Élysée avait bon goût) et le harcèlement homosexuel d’une patronne sur une subordonnée qui ne lui sourit pas assez. Pour les plus matérialistes, cette autre scène pour savoir récupérer en deux minutes et sans problème un numéro de carte bleue, aussi simple qu’un coup de fil. Les insolences de l’adolescente pouvaient ne pas être crédibles il y a trente ans mais aujourd’hui, elles sont monnaie courante depuis longtemps dans de nombreuses cellules familiales éclatées. Dans cette comédie très légère, aucune vraisemblance n’a été recherchée. Ce qui est proposé au téléspectateur, c’est plutôt la manière de voir une famille classique (bien comme il faut) se déliter (mari gagnant bien sa vie, femme faisant des petits boulots, beaux-parents riches et stricts, deux enfants, une fille, un garçon), puis se ressouder grâce ou malgré un élément étranger.
Julie Gayet a aussi joué dans un téléfilm "Alias Caracala, au cœur de la Résistance" réalisé par Alain Tasma (diffusé pour la première fois les 25 et 26 mai 2013 sur France 3), une adaptation (plutôt décevante) du roman autobiographique de Daniel Cordier, racontant son engagement dans la Résistance (à 19 ans) et sa mission auprès de Jean Moulin. Julie Gayet est Marguerite Moret, une résistante qui a logé clandestinement Daniel Cordier lorsqu’il est arrivé à Lyon et qui fut ensuite arrêtée et déportée.
Quant à ses derniers tournages, ses deux dernières participations sont très récentes. Pour le cinéma, Julie Gayet a tourné dans "C’est quoi ce papy ?!" de Gabriel Julien-Laferrière (sorti le 11 août 2021) avec Patrick Chesnais, Chantal Ladesou, Julie Depardieu, Thierry Neuvic, Philippe Katerine (dans ce film, elle a trois maris successifs), où le thème de la famille recomposée est toujours présent.
À la télévision, Julie Gayet est en cours de tournage pour "L’affaire Annette Zelman" de Philippe Le Guay, une adaptation du livre "Dénoncer les Juifs sous l’Occupation" (CNRS éditions) de Laurent Joly, qui sera diffusée à la télévision publique à l’occasion du 80e anniversaire de la rafle du Vel’ d’hiv’.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (29 mai 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
François Hollande.
Ségolène Royal.
Valérie Trierweiler.
"Merci pour le moment".
Julie Gayet.
Johnny Depp.
Amber Heard.
Shailene Woodley.
Gérard Jugnot.
Alain Delon.
Alfred Hitchcock.
Brigitte Bardot.
Charlie Chaplin.
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