Love Letters

De part et d’autre d’une longue table d’un banquet auquel est convié de face le public du théâtre de La Madeleine, Anouk Aimée et Philippe Noiret doivent chaque soir attendre une heure et demie avant de pouvoir enfin se regarder dans les yeux, avec, au terme de cette gratifiante lecture en duo, l’immense satisfaction d’une salle qui, du balcon à l’orchestre, les applaudit debout, comme en un cérémonial de Molières à vie.
Il faut dire qu’ayant créé pour la France ces "Love letters" d’Albert Ramsdell Gurney en 1990, la belle dame fut accompagnée successivement de deux autres amoureux particulièrement valeureux dans le rôle du correspondant épistolaire si attentionné, d’abord Bruno Cremer, puis, l’année suivante, Jean-Louis Trintignant.
A propos de ce dernier, serait-ce donc le destin qui arrangerait si bien les concomitances, pour qu’ "Un homme et une femme" soient de nouveau sur "les planches" en ce même automne d’apothéose, se répondant comme en échos par-dessus les années, depuis le Théâtre Hébertot jusqu’à celui de La Madeleine... chabadabada... chabadabada !...
Voilà qui pourrait fort bien rendre quelque peu ombrageux leurs partenaires respectifs, mais que nenni !...
En effet, si peu à l’abri de leurs immenses succès respectifs, les deux acteurs mythiques du couple cinématographique des sixties se renvoient la balle aux deux pôles de la capitale, et c’est peu dire qu’ils partagent avec Philippe Noiret pour l’une, et Roger Dumas pour l’autre, ce que les longues amitiés professionnelles savent rendre au centuple de la donne.
Car ici, en toile de fond très "raccord" d’un "American graffities" d’outre-Atlantique, ces lettres d’Amour emplissent Philippe Noiret d’une telle ferveur adolescente qu’Anouk pourrait presque en paraître déstabilisée, telle la jeune femme glamour qu’elle n’a cessé d’être dans le coeur des Français depuis le fameux film de Claude Lelouch.
Davantage qu’une tranche de vie, c’est donc l’histoire distanciée d’une époque qui resurgit en la présence charnelle des deux comédiens emblématiques avec, posés en perspective sur la table de cérémonie par Sandrine Dumas, les feuillets égrenant les phrases des générations baby-boom en une mise en récit amoureux à deux voix qui célébre à rebours la pérégrination affective d’Alexa et de Thomas contée au jour le jour depuis le jardin d’enfants jusqu’au soir de l’existence.
photo : Carole Bellaïche
LOVE LETTERS *** de Albert Ramsdell Gurney - avec Anouk Aimée et Philippe Noiret - mise en scène : Sandrine Dumas - Théâtre de La Madeleine
http://www.theothea.com/page152.htm#love
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