Lucien Clergue
Photo graphie.
"La vague". Camargue, 1971
Lucien Clergue est un géant de la photo et le plus grand des photographes de Nu. Son nom est peut-être moins communément connu que celui, par exemple, de Robert Doisneau. Peut-être parce que vous ne verrez pas ses images déclinées partout en cartes postales ou en posters, devenues banales à force d'être surexploitées. Dès les années 50 il choisit une voie périlleuse, celle de l’art et de la liberté à une époque où les photographes et la photographie étaient surtout reconnus à travers le photojournalisme. Il refuse les propositions de Vogue et Paris-Match. Dans son atelier il a affiché le poème d'Eluard, "Liberté".
"Nu de la mer". Camargue, 1966
Arles la romaine, son soleil. La guerre, les bombardements, les ruines. Autour, les marais, le sel, le vent, l’eau et la terre : la Camargue. C’est là qu’il est né en 1934 et c’est là qu’il est resté. Son travail a été célébré et exposé à peu près sur tous les continents, il a photographié, au delà de sa région, en Espagne, en Italie, aux Etats-Unis, en Afrique, en Amérique latine, il a suivi son ami le musicien Manitas de Plata dans ses tournées, mais il n'a pas quitté Arles.
"Maïs". Camargue, 1966
Scruter les choses, traquer les signes que le créateur ou son équivalent a semés sur le sable, dans les marais, dans l’eau d’une fontaine, sur une tige de maïs. Interroger le mystère des tombes et des cadavres d'animaux échoués, saisir l’ivresse gitane, raconter le drame du toro, retrouver l'origine du monde avec les femmes, mener les roseaux vers l’abstraction, magnifier l’architecture de béton… Sensuelle et spirituelle, l’œuvre de Lucien Clergue cherche, interroge, raconte, la vie, la mort, l’origine. Beaucoup de gens ont écrit sur elle, Jean Cocteau, Michel Tournier, Roland Barthes. Beaucoup de gens ont rêvé. A 19 ans, orphelin de mère, il force le destin et aborde Picasso dans les arènes d’Arles, ses photos à la main.
"Marais". Camargue, 1971
En 1957 paraît Corps mémorable chez Seghers, des poèmes d'amour d’Eluard illustrés par douze « Nus de la mer » de Clergue. Ces photos prises sur les plages camarguaises sont le début d'une longue passion pour le Nu féminin. "Chaque fois que je photographie une femme je fais reculer les frontières de la mort", la mort qui s'est emparé de lui depuis la maladie de sa mère. Le médecin à qui il montre ces images lui dit : "Ca va, tu peux rentrer chez toi, tu n'as plus besoin de moi." Lucien Clergue revisite le mythe de Vénus sortant de l'eau, cherche à traduire "l'émotion première" . Ses Nus illustreront aussi des textes de Garcia Lorca (Naissances d'Aphrodite), de Saint-John Perse (Genèse) ou paraîtront seuls (Née de la vague).
"Nu de la mer". Camargue, 1967
En 79 il soutient une thèse de doctorat tout en images, sans mots, Langage des sables. Cet autodidacte veut que la photo soit reconnue comme un art à part entière, à l'égal de la peinture ou de la sculpture. On lui doit la création de la première Collection Photo dans un musée français (seule la Bibliothèque Nationale en avait une), au musée Réattu d’Arles en 1965 ; à Paris, les fonctionnaires à la Culture regardent passer les trains ; les « Rencontres Internationales de la Photographie », devenu festival autonome en 76 à Arles ; l'Ecole Nationale Supérieure de la Photographie, qui ouvre ses portes en 83, à quelques rues de son bureau où des étudiants viennent parfois le consulter. Il y a enseigné et a dirigé des ateliers aux Rencontres. En 2006, il est le premier photographe élu Membre de l’Académie des Beaux-Arts, à l'unanimité, quand une section "Photographie" y est ouverte.
"Taureau mort", 1970
S’il enlève ses lunettes, Lucien Clergue ne voit presque rien. Il est myope. Sa philosophie est comme celle d’un paysan : « Je travaille simplement au rythme de la nature. L’été est plus approprié aux nus. L’hiver, j’aime les paysages. Au printemps, c’est la corrida. ». Il utilise la lumière naturelle, celle du dehors, ou celle de stores vénitiens, pas de flash ni de filtre ni de projecteur, pas de maquillage ni de modèles professionnels sauf quelques exceptions, quasiment pas de studio. Il a pratiqué la Couleur mais l’essentiel de son travail est en Noir et Blanc.
"El Cordobès". Nîmes, 1963
Il a aussi réalisé une vingtaine de courts et moyens-métrages. Delta de Sel, magique et hypnotique, faillit remporter la Palme à Cannes en 68 mais cette année-là le festival est interrompu à cause des "évènements". Drame du taureau, son premier court, est récompensé par le Prix Louis Lumière, bien nommé.
"Eclats de vague". Île de Bendor, 1966
Aujourd'hui, Lucien Clergue aimerait assurer le devenir de ses archives, négatifs, planches-contact, tirages, et d'une partie de ses collections personnelles. Une association, "Lucien Clergue en pays d'Arles", a été créée pour défendre ce patrimoine, l'évaluer et favoriser sa conservation. Elle travaille également à trouver le lieu adéquat qui abritera toute cette mémoire.
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L'oeuvre de Lucien Clergue est vaste. Quelques pistes :
Une synthèse de Gabriel Bauret : Lucien Clergue, Editions de La Martinière, 2007
Deux livres de Lucien Clergue ont paru récemment : Nus vénitiens (Seghers) et Brasilia (Hazan Eds). Certains, plus anciens, ne sont plus réédités.
Un document plutôt intimiste de Claude Darras : http://lescarnetsdeucharis.hautetfort.com/archive/2013/07/08/lucien-clergue-par-claude-darras-5119251.html
Toutes les photos qui composent le livre Genèse : http://www.rogallery.com/Clergue_Lucien/clerque-hm.htm
Le site d'Anne Clergue avec un portfolio : http://www.anneclergue.com/artists/Lucien-Clergue
Sur cette vidéo on voit Jean-Maurice Rouquette, conservateur, et Lucien Clergue faire un bilan à l’occasion des 40 ans des Rencontres d’Arles. Au début, le premier, avec sa faconde méridionale, raconte l’histoire du musée Réattu et la création du Département Photo : http://www.wideo.fr/video/iLyROoafMUAV.html
Lucien Clergue est exposé au musée Jean Cocteau de Menton jusqu'au 9 septembre.
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