M’appelle Mohamed Ali
M’appelle Mohamed Ali de Dieudonné Niangouna, mise en scène Jean Hamado Tiemtoré avec Etienne Minoungou TGP puis tournée Annecy, Le Mans, Hérouville-Saint-Clair, Caen...
Ce spectacle est à une des limites du théâtre. Etienne Minoungou part de la salle, y retourne sans cesse, y est à la confidence jusqu’à l’indécence à certains moments.
C’est sa ressemblance avec Mohamed Ali qui a été le déclencheur de l’écriture. Tout tient à ça. Le metteur en scène Jean Hamado Tiemtoré a choisi l’identification, plus que l’incarnation. De là, des moments où le spectaculaire a l’air de disparaître, de s’évanouir et on se sent pris dans le numéro d’un ami, avec des expressions difficiles à entendre, désagréables, sur un sujet sensible, le racisme : si je partage son dégoût pour le racisme, je n’y suis pas soumis, je n’en ai pas l’expérience personnelle directe et je ne sais trop comment me comporter devant les faits qu’il en donne et la souffrance qui en naît.
Le spectacle a deux moments, deux situations, deux expressions comme deux actes qui alternent : un acte comme Mohamed Ali, Cassius Clay, et un autre comme lui-même Etienne Minoungou. Dans cet acte amical, où le comédien nous parle de lui, la salle est allumée. En même temps que la distance scène salle est abolie, le spectacle fonctionne sur la façon tout à fait remarquable dont Cassius Clay-Mohamed Ali a su parler, se servant de la boxe, de sa force dans la boxe, de la notoriété, pour parler et mener aussi un combat, qui était son combat autant que ceux de la boxe. En même temps que la distance scène salle est abolie, le parallèle scène-ring fonctionne à plein et l’idée que le théâtre est, comme la boxe, un sport de combat.
Mohammed Ali n'a pas voulu participer à la guerre du Vietnam. Pourquoi irait-il combattre ces gens qui ne lui ont fait aucun mal et qui habitent si loin de chez lui ? « Jamais aucun Viet-Cong ne m'a traité de nègre. » Mohamed Ali a pris le risque d’aller en prison. Mais il a gagné le procès qui l’a opposé à l’État américain. Ce combat et cette victoire sont au moins aussi importants que la victoire de Kinshasa, contre George Foreman. La vie se gagne contre ceux qui utilisent les différences pour diviser le monde. Etienne Minoungou dit cela avec une évidence d'humain : il est impossible qu'il fasse cela, tuer des hommes si loin et qui ne lui ont rien fait. C'est un théâtre de dialogue social, comme une conversation entre amis, grave, sérieuse, légère et souriante.
Il y a des paroles où l'on n'est pas certain d'être dans le jeu théâtral, notamment quand Etienne Minoungou passe parmi les rangs des spectateurs détaillant les aspects quotidiens du racisme ordinaire et parfois involontaire ; on ne sait plus où se mettre. On était prévenus : « Le ring est un dialogue, et la scène est un champ de bataille. Je ne saurais vous dire la joie que j’ai en ce moment, en faisant entendre ma voix, mon corps, toute mon histoire à travers Mohamed Ali. Ce n’est donc pas un nègre dans une cage, ce n’est pas une foire avec un ours à bicyclette. On n’est pas au cirque où l’homme le plus fort soulève quatre cents kilos. Non, mesdames, on est en train d’écrire la vie, à partir de maintenant. » Il s'agit d'inventer de nouveaux chemins. De boxer la scène-ring pour une vie plus conviviale.
Du beau travail si nécessaire ces temps.
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